LE BOMBARDEMENT DE L’AMBASSADE DE CHINE, UN ACTE
INCONSIDÉRÉ?
RETOUR DE LA RUSSIE SUR LA SCÈNE DIPLOMATIQUE
À ÉGALITÉ AVEC L’OTAN
Le
bombardement par l’OTAN de l’ambassade chinoise à Belgrade est intervenu
au moment inopportun, le conflit américano-russe sur les Balkans
étant entré dans un nouveau contexte, la Chine s’y étant
engagée à son tour.
Selon les indications obtenues, le bombardement
pourrait n’être pas un acte inconsidéré, la Presse
américaine ayant propagé depuis peu des informations selon
lesquelles la Chine aurait fourni au régime de Milosevic, certaine
technologie de la défense anti-aérienne que les Serbes auraient
exploitée pour neutraliser une partie de la force de frappe.
De cette manière, la Chine s’est rangée
du côté de Moscou dans la partie de bras de fer diplomatique
qui se déroule sur la scène balkanique. Cette guerre avait
commencé en ayant à l’arrière-plan deux objectifs
non déclarés: Primo, encercler la Russie dans sa dernière
poche européenne, plus exactement en Yougoslavie qui n’est pas entrée
dans le Pacte de l’Atlantique nord, contrairement à la Hongrie et
à la Pologne, alors que la Bulgarie et la Roumanie, deux Etats liés
militairement à l’intérieur de l’axe orthodoxe balkanique
s’apprêtent à y adhérer. Secundo, lutter contre le
fondamentalisme turc dans la province du Kosovo, la persécution
des musulmans par les Serbes ayant attisé la braise du parti d’Al-Fazilet
à Ankara, le jour où les préparatifs des élections
législatives battaient leur plein. Les stratèges de l’OTAN
se sont souciés de constituer un fer de lance dans la lutte gratuite
contre les Serbes, pour permettre aux généraux d’Ankara de
battre le parti d’Al-Fazilet et de renflouer le courant nationaliste turc
au parlement.
Le second objectif paraît avoir été
atteint par l’OTAN, le parti d’Al-Fazilet ayant subi une défaite
électorale à laquelle il ne s’attendait pas. En revanche,
le parti du chef du gouvernement, Bulind Ecevit l’a emporté, de
même que le courant nationaliste connu sous le nom des “Loups gris”.
L’OTAN a agi partant du fait que le maillon turc se complète, géostratégiquement,
avec les républiques islamiques d’Asie centrale. Toute victoire
du fondamentalisme à Ankara, enflamme le fondamentalisme dans ces
républiques, d’autant que les régimes instaurés au
Tajakastan, au Turkmenistan et en Azerbaidjan pâtissent des forces
fondamentalistes qui creusent sous terre, pour s’emparer du pouvoir à
la première occasion qui se présentera.
De cette façon, l’OTAN a réussi
à atteindre le premier oiseau, c’est-à-dire le fondamentalisme
turc qui ingurgite, maintenant, la coupe de sa défaite. Le parti
d’Al-Fazilet se trouve dans le troisième camp, à l’intérieur
des partis dont se compose le parlement turc.
Quant à l’objectif visant à encercler
la Russie pour l’avoir à l’usure, militairement, stratégiquement
et nucléairement, l’OTAN ne l’a pas encore atteint.
L’entrée, à présent,
de la Chine à ses côtés dans la bataille de la confrontation,
torpille les calculs de ses planificateurs, ce qui porte la Maison-Blanche,
de même que les capitales européennes participant à
la campagne atlantique, à faire appel à Moscou, alors que
le plan tendait à l’occulter dans la formulation d’une solution
de moyen terme au Kosovo.
C’est pourquoi, l’effort diplomatique est déployé
sur la voie de la capitale russe. Après la réunion du “G8”
à Bonn et l’adoption d’une solution diplomatique où Moscou
ferait le poids, le ministre français des Affaires étrangères
arrive cette semaine, suivi du Premier ministre, Lionel Jospin. Le président
Chirac couronnera, personnellement, cette action, en tenant un sommet avec
le président Boris Eltsine, à l’effet de mettre la dernière
touche au plan du règlement qui butte, actuellement, sur des différends
à l’intérieur du rang albanais. Car Ibrahim Rugova qui a
visité Rome; puis, Bonn et se propose de se rendre à Paris,
appelle à un pouvoir autonome, alors que l’Armée de libération
du Kosovo, plus exactement son aile dure, appelle à une indépendance
totale, loin de la Serbie.
Les Américains qui ont équipé
cette armée avec les Turcs, pourraient s’opposer à l’indépendance
du Kosovo. La solution maintenant posée, est celle à laquelle
s’associe Paris, activement et avec efficacité, allant du protectorat
en tant que solution temporaire au régime d’autonomie en tant que
solution permanente.
Cependant, le nœud dans cette solution reste
américain. Car la Maison-Blanche veut faire entrer l’OTAN dans la
province du Kosovo en tant que fer de lance des forces internationales,
à l’effet de protéger le retour des habitants et d’appliquer
une solution politique pour le régime d’autonomie. Le président
serbe, quant à lui, veut des forces symboliques des Nations Unies
et s’oppose à toute présence militaire de l’OTAN. Les calculs
de Clinton pourraient être erronés, de même que ceux
de Milosevic. Celui-ci ne s’attendait pas que Belgrade tienne le coup pendant
quarante jours et que les Américains lui assènent des frappes
de cette façon intensive et concentrée.
Ces faits successifs et accélérés
indiquent que la planification américaine pour encercler la Russie
et resserrer l’étau sur elle, n’était pas minutieuse. Le
cours de la bataille et les frappes aériennes sans une force sur
le terrain, montrent que la Maison-Blanche tente de se servir de la Russie
et de redonner de la vitalité au rôle diplomatique dont s’acquitte
Tchernomyrdine. La cuisson diplomatique pourrait mûrir au cours des
prochaines semaines, mais le plan américain demeure suspendu sur
la profondeur russe comme une épée de Damoclès, surtout
que Washington refuse la coopération militaire russo-syrienne et
s’oppose, aussi, à toute forme de coopération militaire entre
Moscou et Téhéran.
Mais “l’ours russe” apprend de nouveau la danse
sur le glacier américain et en dépit de la vision de Breszinsky
qui a appelé à transformer la Russie en un autre Irak, les
réserves de la force, l’orgueil russe, le recours aux anciens et
aux nouveaux alliés, donnent à Moscou un élan pour
revenir sur la scène diplomatique à égalité
avec l’OTAN. |
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