Il ne faut
se faire aucune illusion sur les résultats des élections
israéliennes. Si M. Ehud Barak, le travailliste, a paru un moment
plus souple que son adversaire, M. Netanyahu, cela ne veut pas dire qu’il
cèdera sur ce qui demeure essentiel pour les religieux et les colons
qui dominent la scène politique israélienne. Pour ceux-là,
l’essentiel c’est la conservation des territoires occupés. Faute
de restitution des territoires, il n’y a pas de paix. Or, cette fraction
dominante de l’électorat juif, quoique minoritaire en nombre, n’est
pas intéressé par la paix.
Et c’est elle que M. Ehud Barak a flattée durant sa campagne
électorale. Pour battre M. Netanyahu, il a fait de la surenchère
sur les thèmes qui avaient fait le succès de son adversaire.
On a dit qu’assuré du vote des partis de gauche, il a voulu ainsi
gagner les partis de droite. C’est, peut-être, une bonne tactique.
Mais, alors, que valent les engagements de M. Barak?
***
Pour les Arabes, de quelque côté qu’ils se retournent,
ils se trouvent devant une impasse.
Pour n’avoir pas à proclamer la création de l’Etat palestinien
promis pour le 4 mai dernier, M. Arafat a parcouru le monde à la
recherche d’appuis et d’assurances. De toute cette collection de documents,
on peut soutenir que le plus important à ses yeux est, certainement,
le papier signé Clinton. M. Arafat ne peut compter que sur l’Amérique;
mais l’Amérique ne s’engage jamais d’une manière nette et
ferme sur des sujets où sa position pourrait être en contradiction
avec celle d’Israël.
M. Arafat a pu obtenir le maximum de l’Union européenne. L’Europe
reconnaît déjà le principe d’un Etat palestinien indépendant
et souverain avec Jérusalem-Est pour capitale. Cela est conforme
aux résolutions de l’ONU qui n’a jamais reconnu l’annexion de la
Ville Sainte par Israël et aux décisions de la conférence
de Madrid qui posaient comme principe fondamental des négociations
de paix, la restitution des territoires.
Mais il ne coûte rien à l’Union européenne d’adopter
une position claire conforme aux principes proclamés par la communauté
internationale. Washington ne croit pas pouvoir aller jusque-là.
Se considérant comme seuls responsables du processus de paix, les
Etats-Unis veulent se présenter comme à égale distance
des deux parties. Ils estiment que prendre position, c’est compromettre
leur rôle d’arbitre ou d’honnête courtier.
Mais, de ce fait, ils trahissent les bases de la négociation:
les résolutions de l’ONU et Madrid. Jusqu’ici, cette attitude n’a
fait que servir les tactiques dilatoires du négociateur israélien.
En réalité, il n’y a plus ni négociation, ni processus
de paix. Israël, avec Netanyahu et peut-être demain avec Barak,
fait ce qu’il veut. Il a les mains libres. Et le rôle des Etats-Unis
se limite à atténuer les conséquences, à tapoter
sur le dos des Arabes en les invitant à la patience et à
la “retenue”.
***
Bien qu’à l’égard de la paix, les résultats des
élections israéliennes puissent sembler indifférents,
il n’en serait pas de même sur le plan interne. La société
israélienne est en crise. Les maladresses et les brutalités
de M. Netanyahu n’avaient fait que l’exacerber. Qu’en serait-il avec Ehud
Barak?
Que connaît-on de cet homme? Sa carrière militaire ne
lui confère pas nécessairement autorité et lucidité
en politique. A la tête du parti travailliste depuis l’assassinat
de Rabin, il est toujours apparu comme un personnage falot. Une fois élu,
s’il est élu, revêtira-t-il l’habit d’un véritable
chef, d’un rassembleur pour une société profondément
divisée, qui aspire à la paix, mais n’entend pas en payer
le prix?
Or, il y a un prix à payer. Et si M. Barak s’avérait
incapable à le faire accepter par son peuple, il y aurait un grand
risque de bouleversements internes en Israël même; et cela irait
plus loin qu’une simple crise ministérielle ou des élections
législatives.
C’est dans cette perspective seulement que la patience des Arabes pourrait
être payante. Mais c’est un pari difficile à prendre. C’est
là, en revanche, que le poids de l’Amérique pourrait s’exercer
utilement. La diplomatie américaine, qui avance à tout bout
de champ l’argument de ses “intérêts nationaux” pourrait s’apercevoir
maintenant que ces intérêts nationaux sont, désormais,
fonction de la paix interne en Israël même. Sans quoi, il n’y
aurait jamais de paix dans la région.
C’est souligner, du même coup, à quel point l’alliance
israélo-américaine est devenue organique; et que dans la
négociation avec les Arabes, les Etats-Unis ne peuvent plus se prétendre
neutres. |
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