Ehud Barak, le vainqueur, défini en termes les plus contradictoires selon les milieux: “dangereux pacifiste ou terroriste palestinien manqué?”; Benjamin Netanyahu, dit Bibi, le vaincu, désigné par le slogan du parti: “Un homme fort pour un Israël fort” et dont on peut dire qu’il a creusé sa tombe de ses propres mains.

ISRAËL A VOTÉ POUR RENOUVELER LA
KNESSET ET ÉLIRE SON PREMIER MINISTRE

BARAK L’EMPORTE: SCORE 58,5/41,5


Les problèmes intérieurs auront dominé une campagne où s’est nettement exprimée la fracture entre le camp religieux lié à la Droite et le camp des laïcs lié au Centre et à la Gauche. D’abord. Ensuite: ces élections anticipées se sont déroulées 17 mois plus tôt que prévu, la coalition de Netanyahu ayant éclaté en décembre - signe des temps - après la signature de l’accord de Wye Plantation stipulant un retrait partiel de la Cisjordanie occupée.
M. Barak, 57 ans, ancien chef d’état-major, s’est présenté aux électeurs comme l’homme du changement, promettant la relance économique et le déblocage du processus de paix. M. Netanyahu, 49 ans, a basé sa campagne sur l’argument que son rival était disposé à faire des concessions aux Palestiniens, inacceptables pour Israël.
Ainsi, après une campagne menée tambour battant, le travailliste Ehud Barak, comme l’ont annoncé la plupart des pronostics, a été porté au poste du Premier ministre d’Israël avec une avance écrasante sur le chef de gouvernement sortant. Un dirigeant travailliste a déjà affirmé que Barak allait tenter de former la majorité la plus large possible. Car c’est la première fois dans l’histoire d’Israël que les deux grands partis obtiennent ensemble, moins de la moitié des sièges au parlement qui compte cent-vingt députés.
 

Barak félicité par son épouse Nava.

La déception se lit sur le visage de Bibi et de sa femme Sarah.
Barak a manœuvré en ciblant sa campagne sur le défaut de la cuirasse de son adversaire et, plus particulièrement, la montée du chômage. A l’instar de la majorité de ses compatriotes, il pense inévitable l’avènement d’un Etat palestinien “mais, a-t-il assuré, je ferai en sorte qu’il ne puisse rien faire pour menacer Israël ou violer les accords conclus”. Par conséquent, à la différence de Netanyahu, la politique qu’il mènera vis-à-vis des Palestiniens mais, aussi, des Syriens et des Libanais, fera preuve “de bonne foi, sérieux et engagement”.
S’il a dirigé certaines répressions à Gaza et en Cisjordanie, il a, aussi, participé aux négociations de 1994 pour la mise en place sur le terrain de l’autonomie palestinienne, conformément aux accords d’Oslo, dont on ne parlait plus qu’au passé. Alors, à en croire les rumeurs contradictoires, Barak est-il une colombe ou un faucon? L’avenir le révèlera. Quoi qu’il en soit, il aura quelque difficulté à former une majorité gouvernementale, relativement homogène, avec une Knesset, où au moins quinze partis auront la chance d’être représentés. De toute façon, un précédent a été créé par l’ex-gouvernement: il a rétrocédé quelques parcelles du “Grand Israël” à Hebron et autour de Yénine, l’an dernier; la Gauche pourrait le faire, aussi, puisque Bibi l’a fait, à condition que ce soit le moins possible!

CAMPAGNE ÉLECTORALE ISRAÉLIENNE SUR FOND D’UN REVERS DU LIKOUD
La Cour suprême israélienne suspend pour une semaine la fermeture de la “maison d’Orient, à Jérusalem-Est. L’ordre de fermeture avait été donné la veille par le gouvernement Netanyahu.
Le Premier ministre sortant ne cachait pas l’intention qu’il avait d’en faire un argument électoral.
Ce coup d’arrêt à la décision du Premier ministre suspend, en effet, sa tentative de fermer une partie de la “maison d’Orient”. Cette fermeture sous 24 heures, provisoirement différée d’une semaine, aura contribué à faire baisser la tension à quelques jours des élections législatives.
C’est peut-être une décision provisoire, mais le fait est que la Cour suprême qui suspend pour une semaine la fermeture des trois bureaux, trouve sa justification dans la demande adressée par le juge qui agissait, légalement, pour répondre à la requête de huit militants de la Droite israélienne dissidente, exigeant de différer les ordres de fermeture jusqu’au lendemain des élections.
 

Les ultra-orthodoxes venus des quatre coins 
du monde porter appui à Netanyahu.

Jubilation générale dans le camp des travaillistes.

Benjamin Netanyahu a donc échoué dans sa tentative de faire un coup d’éclat, à la veille du premier tour de scrutin.
Néanmoins, le soir même dans les spots publicitaires du Likoud, il n’a pas manqué d’exploiter les faits relatifs à la “maison d’Orient”:  “Netanyahu le dirigeant fort, pour un peuple fort”, affichait le slogan électoral. Toujours est-il que les commentateurs sont partagés sur les retombées de cette affaire. D’autant plus que les responsables de la sécurité en Israël, n’ont pas caché leurs critiques à l’égard du Premier ministre: “Il fait passer les considérations électoralistes avant la sécurité de l’Etat”, ont déclaré  certains d’entre eux!
Un ennui ne venant jamais seul, avec l’épreuve du scrutin, le gouvernement israélien doit faire face, à une vague de mécontentement social. Plusieurs grèves paralysent aujourd’hui l’enseignement, mais aussi les hôpitaux du pays. Tous ont la même revendication: la hausse des salaires - grèves qualifiées de politiques par le ministre des Finances - de mèche avec le Premier ministre.
La bataille fait rage entre les différents courants de la vie politique israélienne. Une vie politique qui se déchire au fur et à mesure que se rapproche la date fatidique.
Le parti ultra-orthodoxe “Shass” appelle à voter en masse pour Netanyahu. Les laïcs se mobilisent en s’attaquant violemment aux partis religieux.
C’est pratiquement, à couteaux tirés, par le biais de petites phrases assassines que les partis laïcs et religieux s’opposent tout au long de cette campagne électorale. La croisade la plus violente contre les Juifs ultra-orthodoxes, essentiellement le parti “Shass”, est menée par Youssef Lapid à la tête d’une formation issue de  la scission du parti “Miretz”.
Cet ancien journaliste est célèbre pour ses réparties cinglantes, son programme se résume à combattre les ultra-orthodoxes. “Il faut les arrêter, dit-il, avant qu’ils fassent d’Israël un Etat fondamentaliste modèle iranien”. Il plaide aussi pêle-mêle “contre la fermeture des magasins et des rues le jour du “sabat”, pour l’enrôlement dans l’armée comme tous les citoyens israéliens, ce dont 40.000 étudiants talmudiques sont exemptés; et pour l’arrêt des subventions par les deniers publics des institutions scolaires, accordées aux Juifs - Orthodoxes. Réplique immédiate du parti “Shass” qui accuse Youssef Lapid, rescapé du guetto de Budapest, dont le père a été tué par les nazis “de n’avoir rien appris dans les camps de concentration”. En Israël, de telles attaques entre laïcs  et formations religieuses sur la scène politique constituent une première et, plus la date des élections approchait, plus les affrontements verbaux étaient violents.
La répercussion de ces élections dans le monde arabe et sur le processus de paix sont diverses. Les capitales arabes discutent de l’évolution de cette campagne. L’Egypte ne fait pas de commentaires officiellement... Pour ne pas faire de tort à celui pour lequel  elle se prononcerait.


Ehud Barak, le militaire, menant un commando
à la frontière libano-israélienne en 1992.
M. Amr Moussa a donné un portrait robot du prochain Premier ministre escompté: un vrai partenaire de dialogue qui comprend et admet un vrai équilibre des forces, issu des pourparlers de Madrid et sur la base de quoi il faut poursuivre le processus de paix. En d’autres termes, pour ne pas le nommer, ce serait Ehud Barak. Une autre raison à l’appui de cette préférence: Barak est général comme le président Moubarak. Ce sont des militaires et entre militaires on se comprend mieux, ils ont un discours plus direct - et il y aurait donc moins de possibilités de louvoiements - ce que, justement, le président Moubarak a toujours reproché à Netanyahu.
NADIM El-HACHEM

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