“En venant au Liban en visite privée,
j’ai tenu à réaliser un rêve, d’autant plus que le
Liban et le Brésil sont liés par des liens rendus solides
grâce à la forte implantation libanaise dans notre pays.”
Ce rêve devenu réalité pour l’ancien président brésilien José Sarney, était d’autant plus escompté que deux de ses trois fils sont mariés à des membres de la colonie libanaise du Brésil. “J’ai cinq petits-enfants libanais”, annonce-t-il fièrement. Sénateur et écrivain de renom, le président Sarney est venu au Liban pour signer la traduction arabe de son livre “O Dono do Mar” (Sayed el-Bihar). “Je suis ravi de voir l’un de mes livres traduit en arabe, de pouvoir partager avec le lecteur libanais cette expérience et cette aventure, d’entendre les personnages de mon roman s’exprimant dans cette langue, grâce à la Maison d’édition Dar al-Farabi et aux traducteurs MM. Iskandar Habachi et Albert Farhat.” |
DES BAINS DE FOULE DANS LA BÉKAA
C’est à la résidence de l’ambassadeur du Brésil
M. Telles que le président Sarney nous a reçu. Je l’avais
rencontré en 1990 à Brasilia, au Planalto, lors de sa passation
des pouvoirs au président Fernando Collor, son jeune successeur.
Aujourd’hui, c’est un homme plus svelte et relaxé que je retrouve,
au terme d’une tournée harrassante dans la Békaa qui a englobé
Baalbeck et le village de Sultan Yacoub (dont la place principale est baptisée
au nom du Brésil, plusieurs de ses habitants ayant émigré
dans ce pays-continent) où il a dû subir plusieurs bains de
foule tant l’enthousiasme des villageois pour sa personne était
grand et... débordant!
Premier président de la République fédérative
du Brésil après vingt ans de régime militaire, il
avait été élu démocratiquement en 1985 comme
vice-président du charismatique leader Tancredo Neves, porteur de
tant d’espoirs pour le peuple brésilien mais décédé,
prématurément, juste la veille de prêter le serment
constitutionnel. Ce fut donc un mandat difficile de cinq années
pour le président José Sarney, marqué par la signature
d’un moratoire financier imposé par des circonstances défavorables.
Aujourd’hui, il préfère ne pas aborder ce volet politique.
“Mon message est purement culturel. J’ai toujours voulu séparer
la politique de la littérature. C’est pourquoi, l’unique message
dans ce livre est celui de l’écrivain faisant usage de mots, pour
construire un monde imaginaire sur un thème de roman: l’histoire
de la mer avec ses amours, ses mystères et ses passions, une mer
de légende, les pêcheurs de Maranhao, région dont je
suis originaire. Souvent en Amérique du Sud, la création
littéraire tire ses sources des aspirations de notre peuple”. Pourquoi
a-t-il choisi le Liban pour le lancement de cette version arabe?
“Je suis l’auteur de plusieurs autres livres qui ont été
traduits dans diverses langues dont le français, l’anglais, l’espagnol,
le grec, le roumain, l’allemand et même le chinois. “Capitaine de
la mer Océane” en est à sa huitième édition
brésilienne, à sa troisième édition en espagnol;
il y a eu l’édition grecque et maintenant la traduction arabe. Le
choix du Liban est dû à plusieurs raisons: c’est un pays aux
immenses richesses culturelles de différentes origines lui donnant
des caractéristiques bien particulières. La littérature
libanaise possède de grands écrivains qui s’expriment dans
les deux langues de culture que sont l’arabe et le français. Des
Brésiliens d’origine libanaise ont contribué à l’enrichissement
de notre littérature. Nous avons, aussi, quelque dix millions de
citoyens brésiliens d’origine libanaise. Il y a trois fois plus
de Libanais au Brésil qu’au Liban! Et chez nous, ils se trouvent
tous en parfaite harmonie, pleinement intégrés dans l’ensemble
de la population brésilienne, apportant une inestimable contribution
à l’économie et à la culture du pays. Le Brésil
est fier d’être un pays d’immigration. Les Libanais ont enrichi et
enrichissent encore la multiculturelle société brésilienne,
intégrationiste, tolérante, œcuménique, cordiale.
Il faut absolument intensifier le dialogue des cultures entre nos peuples;
encourager les échanges, la connaissance réciproque, la compréhension
mutuelle pour la cause de la paix. Et la littérature a un rôle
très important à jouer dans ce domaine. C’est là un
défi pour nous tous. Mon souhait est que la littérature soit
toujours un pont de rapprochement entre les hommes ainsi qu’un lien de
resserrement de l’amitié qui existe entre le Brésil et le
Liban.”
A notre question: “En marge de votre activité littéraire,
nous savons que vous faites partie d’un groupe d’ex-présidents de
République agissant à l’échelle mondiale. Voulez-vous
nous en parler?”, le président Sarney répond: “Effectivement,
je fais partie d’une fondation d’ex-présidents de République
et de chefs de gouvernement. Ce groupement se compose de 40 membres dont
les présidents Valéry Giscard d’Estaing, Gérald Ford,
Jimmy Carter... se réunissant depuis seize ans et chaque année
dans un pays différent, avec un secrétariat permanent à
New York et à Tokyo. Notre réunion, cette année, sera
au Caire pour discuter de sujets mondiaux, principalement financiers. Ce
n’est pas une réunion d’ex-présidents ayant une tâche
politique ou sociale déterminée. Nous nous réunissons
pour discuter des problèmes d’actualité. Nous préparons,
ensuite, un document adressé au Groupe des sept pays les plus industrialisés,
aux chefs de gouvernement et aux instances internationales.”
LE LIBAN A DROIT À
RECOUVRER SA SOUVERAINETÉ
Le président Sarney reçu
par le président Lahoud.
LES LIBANAIS ONT ENRICHI LA
MULTICULTU-RELLE
SOCIÉTÉ BRÉSILIENNE
BON SANG NE SAURAIT MENTIR!
Monsieur le président, à votre exemple, vos enfants sont
également engagés en politique et occupent aussi des respon-sabilités
politiques. Votre fils est député et votre fille a été
réélue gouverneur au premier tour, à une écrasante
majorité. Attribuez-vous ces brillants succès à une
hérédité politique?
Ce n’est pas une chose héréditaire. Mon père était
un magistrat, il n’avait rien à faire avec la politique; quant à
ma mère, elle appartenait à une famille simple venue du Nordeste.
Ma famille n’avait aucun lien avec la politique. En vérité,
chaque père désire que ses enfants soient les meilleurs du
monde, mais en réalité chacun d’eux a ses propres qualités,
sa manière de vivre, sa personnalité et sa force de caractère.
Ma fille a une vocation politique très grande qui a fait naître
en elle un charisme très apprécié du peuple. Elle
a entrepris une carrière politique dont je suis fier. Elle a été
élue député et au Congrès national s’est forgée
un leadership incontestable. Maintenant elle a été réélue
gouverneur avec, le plus grand score du pays, presque 80% des suffrages.
C’est une femme qui a une très grande personnalité. Quant
à mon fils, il en est à son cinquième mandat de député.
Actuellement, il est ministre de l’Environnement. Tant pour ma fille que
pour mon fils, je ne me suis jamais mêlé de leur carrière
politique. Je suis heureux et satisfait que mes enfants aient accompli
leur devoir national et qu’ils soient aimés du peuple brésilien”.
Comme quoi, bon sang ne saurait mentir!
Au terme de votre visite, quel message voudriez-vous adresser au peuple
libanais?
Un message de paix et de solidarité. Le Liban a droit à
recouvrer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire conformément
aux résolutions des instances internationales.