ZAFER EL-HASSAN:
LES NÉGOCIATIONS
AVEC ISRAËL SE FERONT DANS LE CADRE DE L’OPÉRATION DE PAIX
Il se distingue par sa pondération, son calme, autant que par sa discrétion, qualités propres aux diplomates. Docteur d’Etat en droit, on peut le considérer comme l’un des secrétaires généraux du palais Bustros ayant le mieux assumé cette fonction depuis l’avènement de l’indépendance, de l’avis même des responsables, des fonctionnaires des Affaires étrangères et des membres du corps diplomatique. Ses déclarations témoignent de son esprit analytique, comme de la justesse de son jugement, qu’il s’agisse des questions intéressant le Liban, le monde arabe, les Etats frères et amis. |
Le fait pour le ministère des Affaires étrangères
de n’avoir pas à sa tête un titulaire à plein temps,
vaut-il des charges supplémentaires au secrétaire général?
Les attributions du secrétaire général sont clairement
définies par la loi. J’assume les mêmes charges, que le ministère
ait à sa tête un titulaire à plein temps ou pas. A
mes fonctions habituelles, j’ajoute, maintenant, certains contacts avec
la Chambre des députés et la commission parlementaire des
Affaires étrangères.
OUI À LA FUSION AUX A.E.
On parle, actuellement, de la fusion de certains départements
ministériels: seriez-vous en faveur de la fusion des ministères
des Affaires étrangères et des Emigrés?
En principe, j’y suis favorable, les attributions du second département
pouvant être confiées à une direction générale
pour les affaires des émigrés.
Depuis la conférence de Madrid et “l’arrangement
d’avril 96”, aucune plainte libanaise n’a été présentée
au Conseil de Sécurité, seul le groupe de contrôle
de la trêve y étant saisi. Le problème du Liban-Sud
aurait-il été lié, définitivement, à
l’opération de paix?
Rien n’empêche le Liban d’avoir recours au Conseil de Sécurité.
Mais ceci pose certains problèmes et nécessite des démarches
délicates auprès des Etats membres. Depuis la constitution
du groupe de contrôle, ce dernier est appelé à statuer
sur les plaintes libanaises et israéliennes.
Puis, Israël laisse entendre qu’il serait disposé à
appliquer la résolution 425. Cependant, il exige des pourparlers
en vue d’obtenir des arrangements de sécurité, ce que le
Liban ne peut admettre, cette résolution devant être appliquée
sans y apporter aucune modification.
En se rendant à la conférence de Madrid, notre délégation
savait que la résolution 425 n’entrait pas en ligne de compte. Mais
le Liban a pris part à ces assises par solidarité avec les
frères arabes, sur la base des résolutions 338 et 242, en
vue d’une paix juste et globale dont notre pays ne peut être exclu.
Lorsque la résolution 425 sera appliquée dans son intégralité,
le Liban ne sera pas rattaché à l’opération de paix
au Proche-Orient.
LA 425 DOIT ÊTRE APPLIQUÉE SANS
CONDITION
En quoi consistent les arrangements de sécurité exigés
par l’Etat hébreu pour évacuer le Liban-Sud et la Békaa-ouest?
Je préfère ne pas répondre à cette question,
car Israël, non le Liban, est appelé à expliciter ce
qu’il signifie par “arrangements de sécurité”. En fait, l’application
de la résolution 425 ne suppose ni arrangements de sécurité,
ni aucune autre condition.
Le Liban est-il capable de faire face, continuellement, aux pressions
politiques et militaires exercées par Israël?
Nous souhaitons, naturellement, que l’occupation de portions de notre
territoire prenne fin et que notre pays ne soit pas soumis à des
pressions militaires permanentes, ce qui se répercute, négativement,
sur l’économie, le développement, autant que sur la situation
politique et sociale au Liban.
Aussi, plaçons-nous, en permanence le problème du Sud
en tête de liste dans notre action diplomatique pour obtenir l’évacuation
de notre territoire, sans avoir à faire face à des pressions
militaires ou de toute autre nature.
Après l’occupation d’Arnoun, l’attitude de la délégation
libanaise au sein du groupe de contrôle a valu certaines observations
de la part du “Hezbollah”; quel en était le motif?
En réalité, le communiqué diffusé par le
groupe de contrôle au terme de l’une de ses réunions, comportait
des passages qui ont été mal interprétés ou
mal compris. Aussi, les responsables se sont-ils empressés de les
éclaircir et de réaffirmer la position du Liban.
En fait, le Liban n’accepte de négocier avec Israël que
dans le cadre de l’opération de paix et de la conférence
de Madrid dont les principes sont clairs, dont celui de la “terre contre
la paix”.
PARTENARIAT LIBAN-U.E.
Vous êtes chargé des pourparlers avec la partie européenne
en vue du partenariat, sans qu’ils aboutissent jusqu’ici à quelque
chose de concret: les Européens posent-ils des conditions rédhibitoires?
J’ai été chargé de mener les pourparlers depuis
le début de 95 et nous avons franchi une grande étape dans
la bonne voie. Il reste à élaborer le texte de l’accord,
mais il ne faut pas précipiter les choses. Des considérations
fondamentales doivent être prises en compte dans l’élaboration
du budget de l’Etat, en même temps que les recettes douanières.
Il importe d’apporter certaines réformes pour que notre pays
puisse supporter les conséquences de cet accord qui paraissent,
de prime abord, davantage négatives que positives. En ce sens que
notre pays serait privé de certaines recettes douanières
dès l’application de l’accord de partenariat avec l’Europe.
Quoi qu’il en soit, nous maintenons le contact avec l’Union européenne
dont des experts se trouvent, actuellement, à Beyrouth et coopèrent
avec le ministère des Finances, à l’effet d’apporter certaines
réformes à notre système fiscal et d’instituer la
taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ainsi que l’a déclaré
le ministre des Finances, en précisant que cette taxe serait adoptée
à la fin de l’an 2001.
Y a-t-il eu du progrès dans les pourparlers ou pas?
Il y a eu du progrès mais nous poursuivons l’étude des
réformes à réaliser dans certains secteurs, fiscal
et industriel notamment, pour rendre notre industrie compétitive
et, aussi, afin de diversifier notre production agricole, l’accord avec
l’U.E. devant nous permettre de financer certains secteurs productifs et
de profiter de la technologie européenne.
Tout évolue d’une façon normale et il nous faut prendre
le temps nécessaire avant de signer l’accord de partenariat.
• UN NOUVEAU RÈGLEMENT
EST EN COURS D’ÉLABORATION
AUX AFFAIRES ÉTRANGÈRES
• IL N’EST PAS DANS L’INTÉRÊT ARABE
DE TENIR UN SOMMET
SANS EN GARANTIR LE SUCCÈS
QUID DES ATTACHÉS DE PRESSE?
On parle de la désignation d’attachés ou de conseillers
de presse auprès des ambassades libanaises à l’étranger.
Quels en sont les obstacles?
Il n’y a pas d’obstacles au sens pratique ou légal. Cette décision
relève du gouvernement et la question d’attachés ou de conseillers
de presse auprès des ambassades libanaises à l’étranger
figure, comme celle des attachés économiques, culturels ou
médiatiques, dans le cadre des attachés techniques dont la
désignation est soumise à un règlement en vigueur
au Liban.
A une certaine période, le Liban a désigné des
attachés techniques économiques et culturels notamment. Cette
expérience n’ayant pas donné satisfaction, le règlement
y relatif a été suspendu. Cela n’empêche pas, vu la
conjoncture internationale et dans le cadre des relations diplomatiques
entre les Etats, que le Liban désigne des attachés techniques
dont des attachés de presse auprès de nos ambassades à
l’étranger.
Comment sont vos relations avec le président Salim Hoss?
Elles sont excellentes. Le président Hoss qui avait déjà
assumé la présidence du Conseil et le ministère des
Affaires étrangères, jouit d’une grande expérience,
d’une vision profonde et respecte les lois. Nos relations sont basées
sur l’appréciation et le respect mutuels.
Qu’est-il advenu de la question des ambassadeurs Chammas, Assi et
Ghosn?
Rien de nouveau au niveau du ministère des Affaires étrangères.
En effet, l’affaire est en instance devant la juridiction qualifiée.
IMPORTANT MOUVEMENT DIPLOMATIQUE
Le mouvement diplomatique donnera-t-il un nouvel élan à
la diplomatie libanaise?
Depuis 1974, il n’y a pas eu de nominations diplomatiques. Le ministère
des Affaires étrangères doit, chaque année, procéder
à des nominations partielles, en fonction des impératifs
du travail ou des postes vacants dans nos ambassades. Aussi, malgré
le retard, les dernières nominations que nous avons effectuées
sont-elles parmi les plus importantes, depuis l’indépendance jusqu’à
nos jours. D’autant qu’elles donneront un nouvel élan à notre
action diplomatique.
L’entrée en fonctions de nouveaux diplomates libanais dans les
capitales du monde, intensifiera les échanges diplomatiques entre
le Liban et les autres pays. Nous nous attendons donc à des résultats
positifs.
NOUVEAU STATUT AU PALAIS BUSTROS
On parle d’organisation dans les administrations centrale et extérieure
du palais Bustros. Quelles en sont les circonstances et en quoi consiste-t-elle?
En effet, nous sommes sur le point d’élaborer un nouveau statut
au ministère des Affaires étrangères. Celui qui était
appliqué remonte à 1971. Nous avons pris en considération
les événements dans le monde, à savoir: les troubles
dans les pays où nous disposons de missions diplomatiques, le développement
des droits de l’homme et de la femme, ainsi que les lacunes constatées
dans le dernier système.
En plus de cela, nous avons adopté un nouveau système
concernant les passeports délivrés ou renouvelés par
le ministre des Affaires étrangères, c’est-à-dire
les passe-ports diplomatiques. L’Assemblée nationale a déjà
ratifié une loi relative aux passeports de service, ce qui ne figurait
pas dans notre ancien règlement. Nous avons déterminé
les cas où ce passeport serait délivré.
D’autre part, suite aux directives du gouvernement, nous avons apporté,
il y a environ deux mois, des modifications concernant le travail des consuls
honoraires et avons demandé à nos missions à l’étranger
de se référer à des circulaires relatives à
ce sujet et de respecter l’horaire de travail appliqué dans le pays
hôte, de manière à assurer les formalités et
les services demandés par les émigrés libanais et
les étrangers.
LIBAN - IRAK
Qu’en est-il des relations diplomatiques avec l’Irak?
Les relations entre le Liban et l’Irak ne reposent pas essentiellement,
sur le niveau diplomatique à travers les missions. Nous avons des
missions réciproques disposant chacune d’un fonctionnaire administratif
chargé d’effectuer des opérations et certaines formalités
consulaires ou commerciales.
La rupture de nos relations en 1994, n’a pas suspendu les relations
commerciales et consulaires. Vu la conjoncture régionale et internationale,
le Liban reprendra un jour les relations avec l’Irak, complètement
ou dans la mesure du possible.
L’évolution des relations entre Bagdad et les Nations Unies
a permis au Liban et à l’Irak d’envisager le développement
de leurs échanges commerciaux dans la mesure de leurs possibilités
et selon une certaine limite autorisée.
Comment expliquez-vous le manque d’enthousiasme à l’égard
de la tenue d’un sommet arabe?
La tenue d’un sommet arabe nécessite une préparation
sérieuse et une entente arabe, afin qu’il donne des résultats
positifs. Il n’est pas de l’intérêt arabe de tenir un sommet
sans en garantir le succès. On a beaucoup parlé de ce sommet,
mais les circonstances y étaient défavorables. Cette question
figure toujours au programme des contacts entre les chefs arabes, mais
rien n’est encore décidé.