L’IMPORTANCE DES ALLIANCES FAMILIALES
ET PARTISANES
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Dimanche
20 juin, les élections municipales complémentaires et des
moukhtars dans trente-neuf villes et villages de différentes régions
du pays ont occupé le devant de la scène politique et revêtu
une importance particulière pour maintes raisons.
Tout d’abord, ces élections, les premières de l’actuel régime, constituaient un test pour le bon déroulement du scrutin dans les normes légales loin de toute ingérence. De fait, l’Etat a tenu à préserver le libre choix du citoyen et l’armée a veillé à assurer la sécurité et l’ordre devant les bureaux de vote. En deuxième lieu, ces élections se déroulant à quatorze mois des législatives prévues au mois de septembre de l’an 2000, pouvaient annoncer certaines tendances politiques ou donner le ton de la campagne électorale à venir. Au-delà de ces considérations, les élections municipales sont un signe de bonne santé de vie démocratique. Le citoyen se sent directement impliqué dans le choix de ceux qui doivent assurer la bonne marche de la vie dans sa localité, d’autant qu’il connaît les candidats en lice. De même, il est intéressant de voir à quel point les jeunes se sont sentis concernés par ces élections, soit en se portant candidats, soit en tant que supporters actifs, preuve d’un éveil politique et civique. Il y a lieu de signaler que des générations ont été privées de cette participation à la vie active de leur localité, les dernières élections municipales ayant eu lieu en 1963. |
LA FAMILLE, FACTEUR DOMINANT
La famille est restée le facteur dominant dans la formation
des listes et le vote. Les partis politiques ont essayé de se tailler
une place aux côtés des alliances familiales, sans pouvoir
jouer un rôle décisif, du moins dans la majorité des
cas. Dans la formation des listes, on pouvait relever la résurgence
de certaines querelles de clocher remontant à 1963 et même
avant cette date ou à des renversements d’anciennes alliances. Il
était en même temps intéressant d’entendre les jeunes
manifester leur désir de dépasser ces zizanies de villages
souvent futiles, pour se tourner vers l’avenir et entrer avec de nouvelles
mentalités dans le IIIème millénaire. D’ailleurs,
le nombre impressionnant de candidats et de listes dans chaque localité
témoignaient d’un désir évident de participation à
la vie publique.
Un fait est absolument à condamner, à punir sévèrement:
la circulation de billets verts dont on a parlé devant certains
bureaux de vote.
Le travail municipal est un service public et non une poule aux œufs
d’or où l’on viendrait récupérer l’argent payé
pour y arriver.
Avec ces élections, les localités se sont animées
offrant un aspect réconfortant de dynamisme et de vitalité.
Devant les bureaux de vote, les gens se retrouvaient avec plaisir, prolongeaient
les conversations, surtout ceux qui ne s’étaient pas revus depuis
longtemps.
Au-delà de la tension qui accompagne toute bataille électorale,
de l’enchevêtrement des alliances familiales et du jeu politique
et des panachages, les élections, dimanche, ont été
calmes et démocratiques, sans incidents majeurs. Elles devraient
constituer un pas de plus sur le chemin de la maturité politique
et civique.
Chacun offre sa liste. |
Vive animation à Haret-Hreik. |
À BAABDA, CLIMAT DÉMOCRATIQUE
A Baabda, capitale du Mont-Liban, les élections se sont déroulées
dans un climat démocratique, à l’image de la ville et de
la mentalité de ses fils. Point de calicots, ni de photos de candidats,
une cinquantaine, pour quinze sièges dont treize pour Baabda et
deux pour Louaïzé. Trois listes s’affrontent groupant chacune
des représentants des familles, avec une certaine présence
partisane dont des “Hobeikistes”, des Kataëb, des B.N. aux côtés
d’éléments indépendants majoritaires.
Devant les bureaux de vote, les candidats des différentes listes
se côtoient et bavardent entre eux de façon décontractée,
ainsi que les électeurs, quelles que soient leurs affinités:
“Nous formons une même et grande famille”, disent-ils.
Une jeune femme me confie que son frère est sur une liste et,
son mari, sur une autre. Chacun compte un parent proche ou éloigné
dans telle formation, des amis dans l’autre. Pour cela, il y a eu du panachage,
toutefois moins qu’on s’y attendait au cours du vote. La liste présidée
par Me Antoine Khoury Hélou a passé avec treize de ses membres
et deux d’une deuxième liste dont une jeune pharmacienne, Daisy
Abboud.
Un enjeu de taille attend, en priorité, la nouvelle équipe
municipale: récupérer les portions de territoire que le ministère
de l’Intérieur a détachées sans raison, de la zone
administrative de Baabda pour les annexer à Hazmieh ou à
Chiyah. Un groupe d’avocats a déjà présenté
une requête d’annulation de ce décret, auprès du Conseil
d’Etat et espère obtenir gain de cause.
L’affaire est à suivre. Elle est d’importance vitale pour une
ville historique. Capitale du Petit-Liban, de 1860 à 1914, Baabda
groupe, aujourd’hui, le palais présidentiel, le ministère
de la Défense, plusieurs ambassades ou résidences d’ambassadeurs,
des établissements scolaires et de beaux sites, de plus en plus,
hélas! envahis par le béton.
On a voté aussi pour les moukhtars. |
Chaque voix compte. |
HADETH: FIÈVRE ÉLECTORALE VIVE
Hadeth offrait un contraste énorme avec Baabda, sa voisine.
Banderoles et calicots pavoisaient les rues de cette ville côtière
de 12.000 électeurs, les portraits des candidats tapissant les murs.
La bataille était serrée et la fièvre électorale
vive. Impossible de pouvoir garer sa voiture près des bureaux de
vote ou des candidats.
Partout, aussi, des jeunes en tee-shirt et casquettes aux couleurs
des différentes listes, étaient mobilisés pour accueillir
les électeurs. La famille, en priorité, mais la politique,
aussi, se partageaient les trois listes et un électorat appelé
à élire un conseil municipal de dix-huit membres. En dépit
du panachage, la liste présidée par le Dr Antoine Karam a
passé avec quinze de ses membres; deux “aounistes” et un indépendant
d’une autre formation ont réussi, alors que la liste de coalition
des familles et des partis politiques, formée par le Dr Pierre Daccache,
député de la région, n’a pas eu de chance. L’enjeu
de la bataille à Hadeth ne se limitait pas aux municipales; elle
préfigurait déjà les législatives de l’an 2000,
vu le poids électoral de cette ville qui constitue une des plus
grandes agglomérations du littoral du Metn-Sud.
HARET-HREIK: POUR LA CONVIVIALITÉ
Haret-Hreik a constitué un cas à part. Avant 1975 et
la guerre qui a ravagé la région, sa population était,
essentiellement, maronite. Avec les événements, elle a subi
un exode forcé et les chiites, d’obédience intégriste,
se sont installés dans la localité. Il était, dès
lors, nécessaire d’aboutir à un modus vivendi pour les municipales.
Les tractations et pourparlers ont fini par porter leur fruit la nuit du
samedi 19 juin, à quelques heures de l’ouverture des bureaux de
vote. Une entente entre le “Hezbollah” et les représentants des
fils déplacés de Haret-Hreik a abouti à la formation
d’une liste unique de coalition groupant dix membres chiites et huit maronites,
la présidence du Conseil municipal revenant à ces derniers.
La liste a passé.
Il est important, surtout, de relever que ceux qui ont dû s’exiler
de force de leur localité ont voté dans une forte proportion
(près de 40%), signe d’une volonté évidente d’y recréer
une vie conviviale.
LES ENJEUX S’ENCHEVÊTRENT
A Beit-Chabab, localité des plus pittoresques du Metn-Nord,
la bataille fut serrée. Comme un peu partout ailleurs, la famille
et les partis politiques (dont les Kataëb et le PSNS) vont s’imbriquer.
Malgré le panachage et la mobilisation des électeurs, la
liste patronnée par le ministre Michel Murr et présidée
par Elias Achkar, a passé dans sa totalité. L’enjeu de la
bataille était, là aussi, lié d’une certaine façon
aux prochaines législatives.
Idem du côté du scrutin dans trois villages du caza de
Nabatiyeh où la confrontation s’est faite entre “Amal” et le “Hezbollah”,
en prévision de l’an 2000.
Au Akkar, on a assisté à une forte affluence au scrutin
et au village de Hosniyé, on comptait plus de 400 électeurs
à l’ouverture du bureau de vote.
Du côté de Baalbeck, allégeances familiales et
partisanes s’entremêlent.
A Lebbeya (Békaa-Ouest), l’armée est obligée d’intervenir
pour circonscrire une vive altercation entre deux familles rivales.
Au Liban-Nord comme au Kesrouan, le scrutin fut calme, de même
à Falougha, Baalechmay, etc...
En définitive, quels qu’en soient les enjeux, les élections
municipales sont une nécessité et témoignent d’une
bonne santé démocratique.