A L'HEURE DE TOUS LES DANGERS |
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David
Satterfield est un monsieur très remuant qui réussit la gageure
d’être partout à la fois. De Baabda au Grand Sérail,
de la place de l’Etoile à Tripoli, de Moukhtara au Hermel; rien
ni personne n’échappe à sa courtoisie et à sa vigilance.
Ces déplacements incessants, nous dit-on, sont destinés à s’enquérir des besoins des différentes régions libanaises, en vue de leur fournir toute l’aide nécessaire. Et chacun sait combien l’oncle Sam sait se montrer généreux... Il n’est, évidemment pas question des deux milliards de dollars qu’il a suffi à Ehud Barak de faire risette à Clinton pour obtenir. D’ailleurs, nous n’avions jamais su calculer en milliards avant l’ère haririenne et depuis, nous nous mordons les doigts de ne l’avoir jamais appris. Mais revenons à nos moutons, plutôt à notre ambassadeur. Les résultats des pérégrinations de M. Satterfield se sont finalement concrétisés par la somme fabuleuse de neuf millions de dollars généreusement votés par le Sénat américain. Serait-ce d’une noire ingratitude d’estimer qu’il s’agissait là d’à peine un pourboire, un pourboire qui ne méritait pas les trésors d’énergie de temps et de benzine dépensés par Mister Satterfield? Loin de nous l’idée de prêter à l’ambassadeur (j’allais dire à la Sublime Porte) des intentions cachées - de celles dont on dit que l’enfer est pavé - et des buts inavouables. Bien au contraire. M. Satterfield veut sincèrement nous aider à résoudre nos problèmes. Comme sa supérieure hiérarchique Madeleine Albright, comme Bill Clinton. Tâche malaisée dans la mesure où notre problème, c’est justement eux, ou plutôt leur politique dans cette partie du monde. Une politique qu’exprime clairement l’ambassadeur. Ainsi, en réponse à une Américaine d’origine libanaise qui lui demandait ce qu’il en était du problème de l’implantation des Palestiniens, il aurait répondu: “- Où est le problème si des gens qui vivent depuis 50 ans dans ce pays y restent”... Tout simplement. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat et encore moins harceler un ambassadeur ou embêter un gentil garçon comme Ehud Barak. On peut se demander (600.000 équivalant proportionnellement à 35 millions pour les Etats-Unis) quelle serait la réaction des Américains si l’on venait à leur jeter à la tête 35 millions de Mexicains? Mais le Liban a, pendant si longtemps, subi en silence, tous ceux qui, sans crier gare, se sont installés sur son sol, que sa brutale prise de conscience étonne, voire indigne. Bonnes gens, semble-t-on nous dire, quelle mouche vous pique pour faire brusquement une fixation sur ce sujet? Etes-vous des emmerdeurs congénitaux ou bien auriez-vous de la suite dans les idées sans que personne ne le soupçonne jusqu’à présent? Disons que nous sommes des emmerdeurs qui ont de la suite dans les idées, ce qui ne semble pas être le cas - du moins dans la seconde partie de l’énoncé - de nos gouvernements successifs depuis Taëf. En effet, depuis bientôt dix ans, aucun gouvernement libanais n’a fait campagne pour empêcher l’implantation. Tous les efforts se sont focalisés sur la 425 et la restitution du Golan. C’est Barak, en déclarant que les Palestiniens devaient rester là où ils sont, qui a secoué la torpeur de la Belle au bois dormant libanaise. Il ne suffit pas d’exiger que les Israéliens se retirent du Sud. Il serait temps de rendre enfin le reste du Liban aux Libanais. Il est grand temps de cesser de garder ce pays en otage et de s’en servir comme d’une carte d’atout dans les mains des uns et des autres, au gré des divers intérêts. L’accord de Taëf, dont cheikh Rafic Hariri et les Américains ont été les parrains de l’ombre, stipule que toute implantation est interdite et cet accord a été introduit comme préambule à la Constitution. Comment se fait-il dans ce cas que ce même Hariri, au cours de ses six ans au pouvoir et bien qu’il ait fait plusieurs fois le tour de la planète et rencontré ses dirigeants, comment se fait-il donc qu’il ait tu ce problème majeur et n’en a pas fait une cause nationale prioritaire? Pourquoi a-t-on, jusqu’aujourd’hui, relégué cette cause dans un monde en demie teinte régi par des vérités déguisées et des mensonges enrobés d’autres mensonges? Pourquoi l’achat de “Kraya’a”, cette colline dans l’Iklim el-Kharroub, payée, dit-on, par la Caisse des Déplacés (laquelle Caisse se trouve placée directement sous l’autorité du Premier ministre) et destinée à l’établissement des Palestiniens qui vivent, actuellement, dans les camps? Il y a dans cette histoire quelque chose qui ne tourne pas rond. Quelque chose d’extrêmement dangereux, tant il est évident que 600.000 Palestiniens, introduits brutalement dans l’équation libanaise, bouleverseraient l’équilibre social, communautaire et culturel en acculant les minorités, source majeure du caractère particulier de ce pays, de sa richesse et de sa pérennité, à la disparition. Et avec elles disparaîtrait le Liban, ce Liban dont Jean-Paul II a dit: “C’est plus qu’un pays, c’est un message.” |