Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD

UN COMBAT D'ARRIERE-GARDE 

Après une brève accalmie, au cours de laquelle nous avions cru (à tort d’ailleurs) que Walid Joumblatt était revenu à de meilleurs sentiments vis-à-vis de Baabda, voilà qu’il remet ça, plus virulent que jamais.
Manifestement, M. Joumblatt n’aime pas les militaires. C’est son droit. M. Joumblatt ne semble pas aimer Emile Lahoud. C’est aussi son droit. M. Joumblatt n’aime pas se retrouver hors du Pouvoir. C’est encore son droit. Beaucoup souffrent du même mal et on ne saurait lui en tenir rigueur. Est-ce, cependant, une raison suffisante pour justifier l’entreprise de démolition systématique qu’il mène tambour battant?
Qu’a fait jusqu’à présent le régime pour s’attirer une telle vindicte et des diatribes aussi enflammées? M. Joumblatt en parle comme d’un “régime présidentiel sécuritaire” (comprendre par là policier) “d’un despotisme exercé contre les citoyens avec tout son cortège de pressions, de répressions, d’écoutes et de terreur...” Ce qu’il en dit là n’est, jusqu’à preuve du contraire, qu’une vue de l’esprit, un procès d’intentions. Mais quand il dit que “la liberté n’est pas une aumône qu’on nous consent”, il a parfaitement raison. L’ennui, c’est qu’il ait attendu d’être hors du Pouvoir pour en prendre conscience.
Il ne me semble pas l’avoir jamais entendu protester, quand il était ministre, contre les arrestations arbitraires, les condamnations en masse de journalistes récalcitrants au maniement de l’encensoir, la suspension de journaux, le déluge de procès qui s’est abattu sur la presse, l’interdiction pendant de longs mois des bulletins d’informations télévisés, la fermeture pure et simple de plusieurs stations de télévision, l’interdiction des manifestations, les traitements illégaux dont ont été victimes les syndicalistes, sans compter les parodies d’élections et non sans avoir rappelé que la question des écoutes date déjà des précédents gouvernements et que c’est justement Sami Khatib qui présidait, alors, la commission d’enquête parlementaire.
La morale démocratique, politique, change-t-elle de fond, de forme, de couleur, d’orientation selon que M. Joumblatt est sur les bancs du gouvernement ou dans les rangs de l’opposition? Mais le problème de M. Joumblatt n’est pas là. Ce qu’il en dit n’est qu’une poussée d’urticaire, un péché véniel, somme toute excusable.
Ce qui l’est moins, par contre, c’est quand il parle “d’un régime présidentiel confessionnel” et évoque “l’accord de Taëf qui a jeté les bases d’un équilibre délicat dans la participation confessionnelle et politique”... Or, l’accord de Taëf est très explicite à ce sujet. Il dit qu’il ne saurait y avoir à la tête de l’Etat qu’un chef qui est le président de la République et que le pouvoir exécutif est exercé, non par le chef du gouvernement, mais par le Conseil des ministres.
A quoi avons-nous assisté depuis Taëf? A la formation d’une espèce de magma innommable d’où à surgi un attelage cahotant et boiteux - baptisé troïka - destiné, semble-t-il, uniquement à permettre le partage d’un gâteau dont chacun s’ingéniait - avec force coups de gueule et scandales - à arracher, sous le nez furieux des deux autres, la part la plus grosse et la plus juteuse et dont le ministre des Déplacés a été l’un des principaux bénéficiaires. C’est ça que M. Joumblatt appelle démocratie? Est-ce cela qu’il qualifie “d’équilibre délicat”? Bien délicat, en effet!
Mais après réflexion, ce genre d’amnésie est un phénomène très répandu dans la classe politique. Ce n’est, peut-être, pas là une excuse, mais une sorte de déterminisme à base de fatalité. Ce qui l’est moins, par contre, déterminisme ou pas, c’est l’insistance que le chef du PSP met à vouloir à tout prix faire tourner les tables pour tenter de ramener le spectre du confessionnalisme qui hante encore nos cauchemars et nous a coûté déjà (sans compter 1860) plus d’un million de morts, de disparus, de blessés à vie, de handicapés, de déplacés et des dizaines de milliards de dollars de destructions dont certaines sont irréparables, sans compter l’exclusion et la fracture sociale.
Pour quelqu’un qui s’est fait le champion de la suppression du confessionnalisme et s’est intronisé le héraut de l’arabité, est-ce là le meilleur argument pour convaincre et rassurer ceux qui s’en protègent encore comme du seul bouclier dont ils disposent face aux démagogues irresponsables et aux “surenchéristes” de tout acabit? Jouer sur la corde confessionnelle est-ce le seul moyen que Walid bey a trouvé pour asseoir sa crédibilité?
Nous savons tous que le bey en question est un fanatique de l’environnement. C’est, notamment, grâce à lui que le Chouf n’a pas souffert comme les autres régions de la folie du ciment, du déboisement intensif, de la désertification, de la pollution et des barils de déchets toxiques. Ceci étant, il ne devrait pas ignorer que l’ordre, la rigueur, la propreté et le respect de la nature sont aussi applicables à l’environnement politique. N’est-ce pas dans les deux cas une question d’écologie?... 

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