"LES JOURNEES GEBRANE" A BECHARRE
AVEC UNE EXPOSITION INEDITE DES OEUVRES DE YOUSSEF HOWAYEK

Du premier au 31 août, le comité national Gebrane Khalil Gebrane a organisé, à Bécharré, un ensemble d’activités culturelles et artistiques de taille, placées sous le label de “Journées Gebrane” (“Ayame Gebraniya”).
Cette manifestation d’envergure doit figurer au palmarès des activités organisées dans le cadre de “Beyrouth, capitale culturelle du monde arabe pour 1999”.
Elle vise, aussi, à donner une nouvelle impulsion culturelle à la région, à créer un échange de pensée et de réflexion et à faire connaître le pays à ses fils, en dépassant les préjugés qui ont prévalu durant les années de guerre.
Partout dans les rues de Bécharré, des panneaux portant une pensée et une réflexion de Gebrane avaient été accrochés, rappelant la valeur du message universel de ce grand penseur et écrivain libanais.
Le mois s’est ouvert par la levée du voile sur un imposant buste en bronze de Gebrane, réalisé par l’artiste Rudy Rahmé et placé devant le musée.
 

En passant le week-end du 15 août à l’hôtel Chbat, au cadre accueillant, j’ai pu sentir de près toute l’importance de ce mois culturel et son apport au niveau de la région du Nord mais, aussi, de tout le pays.
En ce dimanche de l’Assomption, l’effervescence était encore plus vive dans la localité. La veille au soir, une retraite aux flambeaux a marqué la fête de la Vierge et la procession est partie de Notre-Dame (As-Saydé), une des nombreuses églises de Bécharré, dont on voit les clochers, au loin, s’élevant au pied de nos Cèdres millénaires, les “Cèdres de Dieu”.
Autour d’un bon café matinal et dans un accueil hospitalier traditionnel, M. Antoine Khoury Tok, vice-président du comité national de Gebrane - le président étant Me Fouad Hanna Daher - et coordonnateur des activités culturelles, évoque l’intérêt et l’importance des “Journées Gebrane”.
Le choix d’août, explique mon interlocuteur, a une valeur symbolique. C’est au cours de ce mois que le corps de Gebrane a été ramené au Liban. “Nous avons choisi d’organiser ces “journées” tout au long de ce mois, non pour marquer le retour du grand écrivain sur sa terre natale mais, celui de Bécharré et du Liban à Gebrane. Il demeure un symbole unificateur du pays et nous devons renforcer sa présence au Liban, dans la région arabe et, partout, au monde.”


L’intérieur de la maison.
 

Les sculptures de Youssef Howayek.
 
UN PROGRAMME DE CHOIX
Organiser des activités culturelles et artistiques durant un mois plein n’est pas une tâche de tout repos. Le comité a réussi une véritable performance et relevé un défi en présentant des activités diversifiées de valeur avec plusieurs centres d’intérêt. “Notre objectif, explique M. Tok, était de recréer une vie culturelle qui s’était perdue avec les années de guerre. Nous avons tenu de même à sortir des sentiers battus et des idées rabâchées pour choisir des thèmes inédits.”
A titre d’exemple, les conférences-débats ont eu pour thèmes: “La crise du livre et la crise des interdits au sein du monde arabe”, ainsi que “Gebrane dans les programmes scolaires”, ou encore “Le refus chez Gebrane”.
Le comité appréhendait, la “semaine du livre”, car les gens lisent de moins en moins. Pourtant, cette exposition fut un succès.
La musique a eu une place de choix dans ce mois culturel avec, en priorité, un hommage au grand musicologue et fils de Bécharré: Toufic Succar, à travers une soirée de musique classique qui a eu pour cadre l’église des pères Carmélites. Un jeune talent, diplômée du Conservatoire, Dolsi Succar, a donné de même un récital de piano. Les enfants eux ont été choyés par un théâtre de marionnettes.
Place, aussi, à l’artisanat sous toutes ses formes avec l’exposition en plein air, qui s’est tenue du 1er au 15 août. Les stands ont été placés sur les anciens escaliers allant de la place centrale de Mar Saba, à la maison où a vécu Gebrane.
 

M. Antoine Khoury Tok. 
 

Peinture de Youssef Howayek.
EXPOSITION INÉDITE DES ŒUVRESDE YOUSSEF HOWAYEK
Le moment fort des “Journées Gebrane” est l’exposition inédite des œuvres de Youssef Howayek qui fut le contemporain et l’ami de Gebrane Khalil Gebrane. “Il nous a fallu plus de trois mois de recherches et d’investigations, pour regrouper l’œuvre artistique de Howayek qui se trouve chez des particuliers”, confie Antoine Tok. “Tous se sont prêtés de bonne grâce à cette initiative et nous avons pu regrouper plus de 150 peintures et sculptures. Quant aux fresques murales dans les églises et couvents, on a obtenu l’autorisation de les photographier.”
L’exposition se tient au musée Gebrane où trois salles lui ont été consacrées. Inaugurée le 14 août, elle va durer jusqu’à la fin du mois, avec une possibilité de prolongation, car cette manifestation artistique d’envergure nationale, déborde le cadre de Bécharré. C’est la première fois que les œuvres de Howayek sont regroupées et présentées au public.
Originaire de Helta (caza de Batroun), Howayek (1883-1962) a partagé son temps entre son pays natal, l’Italie, la Grèce et Paris. En 1908, il se trouve à Rome, quand il apprend que son ami de classe à l’école de La Sagesse, Gebrane, est à Paris pour étudier la peinture. Il s’y rend aussitôt. Les deux jeunes gens y séjournent deux ans et Howayek se consacre entièrement à la sculpture.
Cette exposition permet de découvrir l’œuvre méconnue d’un grand artiste libanais, qualifié de classique dans sa peinture et sa sculpture. Par la même occasion, les visiteurs pourront découvrir le musée de Gebrane aménagé dans l’ancien monastère de Mar Sarkis. Construit dans le roc, le couvent appartenait aux pères Carmélites et a été acquis par la sœur de Gebrane qui l’a transformé en musée, d’où l’on a une vue exceptionnelle sur la Vallée sainte. Le musée retrace la vie et l’œuvre de Gebrane Khalil Gebrane.
Il serait souhaitable que les responsables s’intéressent à l’exposition sur Youssef Howayek, la présentent à Beyrouth et édifient un musée dans sa ville natale.
 

Partout, dans Bécharré, des panneaux 
portant une pensée de Gebrane.
 

L’exposition artisanale sur
les anciens escaliers.
 
LES JOURNÉES DU CINÉMA LIBANAIS
L’autre activité de taille des “Journées Gebrane”, est la semaine du cinéma libanais. Elle a débuté le dimanche 15 août par un hommage au cinéaste Toufic Keyrouz, fils de Bécharré, à travers la présentation de son film: “Les ailes brisées”, une œuvre célèbre de Gebrane. Le film fut suivi d’un court métrage, réalisé par Milad Tok, sur une vision poétique du monde de Gebrane: son enfance, ses sentiments, sa pensée, son amour de la nature...
Au cours de ces journées, ont été présentés, successivement, des films de cinéastes libanais.
Les présentations se sont déroulées dans la salle de “La Corrida” qui a plus d’une cinquantaine d’années, toute pittoresque avec son balcon, des posters anciens, un cadre qui rappelle “Cinéma Paradiso”.
“Les journées Gebrane” à Bécharré se poursuivent jusqu’à fin août avec d’autres activités dont une soirée poétique ce vendredi 20 août à l’hôtel Chbat et une soirée de chant avec Ghassan Saliba, le dimanche 22, sur la place Mar Saba. “Nous voulons faire revivre l’ancienne tradition des soirées populaires, ajoute M. Tok, toutes les activités étant gratuites.”
Les journées Gebrane s’achèveront les 28 et 29, par le deuxième congrès sur l’histoire de “Jebbet Bécharré” sous l’Empire ottoman (1516 - 1918) qui se tiendra à l’hôtel Chbat.

Couverture du programme, réalisée
par le designer Halim Choueiry.

DES BROCHURES DANS L’ESPRIT DES “JOURNÉES GEBRANE”
Une appréciation s’impose concernant les brochures des “Journées Gebrane”, conçues et réalisées par le graphic-designer Halim Samir Choueiry. “Il y a quelque chose, dit-il, que j’aime particulièrement chez Gebrane. C’est cette relation entre la terre et le ciel”.
Il est important de relever que les activités du mois d’août culturel et artistique de Bécharré, se sont parfaitement bien déroulées grâce à la participation active des 250 universitaires que compte la localité, à l’afflux de ses fils pour les vacances d’été. La localité compte plus de 13.000 habitants. “Les Journées Gebrane” ont permis, aussi, à de nombreux Libanais de redécouvrir le pays et les préjugés dus aux années de guerre sont tombés. On apprend à se connaître et à s’apprécier mutuellement.
Le comité national de Gebrane a de même organisé des visites guidées pour les ambassadeurs accrédités au Liban, sachant que l’œuvre de Gebrane a été traduite dans presque toutes les langues. L’attachée culturelle du Japon qui a lu Gebrane et connaît l’arabe devait affirmer: “En venant à Bécharré, j’ai réalisé mon rêve.”
En cette période d’été et de vacances, n’hésitez pas à prendre le chemin du Nord: pour visiter le musée Gebrane et l’exposition de Youssef Howayek qui mérite le déplacement; visiter Bécharré, sa région, la Vallée sainte de la Qadisha et les Cèdres et revenir les yeux remplis de belles images et de ferveurs.
NELLY HÉLOU

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