Editorial



Par MELHEM KARAM 

LA LEVEE DES IMMUNITES... CACHET DE CE TEMPS

Aujourd’hui, on parle des immunités. Si nous ouvrons le dictionnaire, nous trouvons qu’immu-nité vient d’immuniser ou rendre solide. Et cette immunité est un droit, non un privilège ou une gratification. Naturellement, ce droit a des limites définies par la loi.
L’immunité du député, par exemple, est un droit pour lui et une nécessité, afin qu’il puisse s’acquitter de sa mission; c’est-à-dire légiférer et contrôler le Pouvoir exécutif, selon les termes de la Constitution libanaise, spécialement les articles 39 et 40. Les textes constitutionnels confèrent au député une immunité durant la session parlementaire, sauf comme cela est connu, en cas de flagrant délit. En ce qui concerne les poursuites pénales, l’immunité peut tout au moins les retarder, tant que la session est en cours.
Qu’on nous permette d’ouvrir ici une parenthèse et de nous étendre sur ce point en participant à cette controverse.
Partant de l’optique du responsable, je me dois de poser cette question: Si un député fait une déclaration que les moyens d’information reproduisent, est-il permis de poursuivre le journaliste et celui qui rapporte la déclaration sous la responsabilité pénale, alors que le parlementaire ne fait l’objet d’aucune poursuite de cette nature? Pourtant, on dit: “Celui qui colporte l’athéisme n’est pas forcément un athée.” Où est la justice en cela?
Puis, est-il permis que le journaliste ne s’arme pas du secret professionnel pour se défendre? Le journaliste et je ne veux pas qu’on m’accuse d’exagérer dans ce domaine, en recueillant les informations et les renseignements, ressemble au prêtre qui écoute une personne avouer ses péchés et lui donne l’absolution en vertu du pouvoir divin: “Ce qui est délié sur terre le sera au ciel et ce qui est lié sur terre sera lié au ciel”.
Le secret professionnel est pareil au secret de la confession et les “sources” dans la Presse est une question qui se pose chaque jour. A l’instar du “responsable qui refuse de citer son nom”. Nous écrivons cela à l’occasion de la législation prise en charge par le Dr Joseph Chaoul, ministre de la Justice; Me Chaker Abou-Sleiman, président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice et l’autre avocat-député, Nicolas Fattouche.
Pardon, nous nous sommes trop étendus, peut-être et parlons de nouveau des immunités. L’immunité, disons-nous, est un droit dont jouit quiconque s’occupe des affaires de tierces personnes. L’immunité de l’avocat va jusqu’au secret de la profession. D’où l’opinion selon laquelle l’homme de religion ne peut exercer l’avocature. C’est ce que disent Appleton et Crémieux, bâtonnier des avocats. Car l’homme de religion est tenu d’avoir une soumission aveugle à son supérieur. Celui-ci peut lui ordonner d’ouvrir un dossier objet de sa plaidoirie et prendre connaissance de papiers et de documents dont seul l’avocat défenseur doit être mis au courant.
L’immunité du diplomate est un droit dont jouissent ceux qui sont attachés au ministère des Affaires étrangères. La résidence du diplomate bénéficie des mêmes privilèges face aux autorités de l’Etat auprès duquel il est accrédité. Ils ne peuvent prendre des mesures à l’encontre de l’ambassadeur et des membres de sa famille.
L’immunité du juge est la garantie de son indépendance à l’égard d’éventuelles pressions. Je dis cela, parce qu’il me peine de voir un homme sans immunité, rendre justice aux gens.
Je suis de ceux qui n’approuvent pas la levée de l’immunité couvrant le magistrat. On me dira, alors, l’immunité du juge devrait-elle être une couverture pour des erreurs et des abus? Nous n’en disons pas davantage.
Ma réponse est: Non, naturellement. Mais pourquoi l’immunité serait-elle levée? Parce que des permutations, des nominations et des licenciements doivent se produire? Et l’acceptation de démissions conformément à des conditions déterminées définies par des lois promulguées chez nous?
Tout cela doit se produire, l’immunité ne devant pas l’empêcher. Cependant, nous le répétons pour la seconde fois, pourquoi les décisions ne seraient-elles pas préparées à l’avance, relatives à la mutation, à la nomination, à l’acceptation de la démission et au licenciement, tout en maintenant l’immunité dont bénéficie le juge? Elle serait levée lorsqu’il quitte le prétoire et rentre à son domicile. A ce moment, l’immunité serait levée après la divulgation des décisions prises. Il n’assumerait ses charges judiciaires qu’en jouissant de son immunité. Tel devrait être le cas de ceux qui sont nommés récemment et de ceux qui sont maintenus à leurs postes. Sauf ceux qui ont été récusés ou dont la démission a été acceptée.
L’immunité est un droit. Nous ne voulons pas ici entrer dans la controverse opposant le Pouvoir législatif au Pouvoir judiciaire, sous l’angle de la vision juridique et constitutionnelle de la “députation”. La magistrature considère le député de la même manière qu’elle le fait par rapport au citoyen ordinaire, en dehors de la session parlementaire. Et la Chambre des députés le considère comme étant immunisé dans tous les cas. Probablement, partant de la réflexion du penseur Royer-Collard: “L’homme de la tribune, n’est jugé que devant la tribune”. 

Photo Melhem Karam

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