![]() M. Mouawad répondant aux questions de notre collaborateur Jean Diab. |
Un
des soucis majeurs des Libanais au cœur de cet été caniculaire
est la distribution de l’électricité dont les longues coupures
sont la conséquence des bombardements destructeurs israéliens
sur les sous-stations de Jamhour et de Bsalim, sévèrement
endommagées le 24 juin dernier.
Depuis cette date, les Libanais vivent au rythme d’un programme draconien de coupures perturbant le travail et la vie des citoyens. Pour y voir plus clair et éclairer à notre tour, nos lecteurs sur ce problème vital, nous avons rencontré le directeur général de l’Electricité du Liban (EDL), M. Georges Mouawad qui nous a fait le point de la situation. |
![]() L’EDL: Un programme ambitieux pour les prochaines années. |
![]() Installation d’un nouveau transformateur: cent tonnes à manipuler. |
UN MATÉRIEL DATANTD’UNE TRENTAINE D’ANNÉES
Devant l’ampleur de cette catastrophe, poursuit M. Mouawad, et en présence
d’un matériel datant d’une trentaine d’années dont la fabrication
même de pièces de rechange n’existe plus dans le monde, notre
tâche urgente était de réparer les transformateurs
par nos propres moyens. Et cela en faisant des réparations, des
soudures de pièces récupérables, en remplaçant
le matériel endommagé par des pièces trouvées
dans nos dépôts; un matériel usagé, certes,
mais encore en bon état. Un tour de force qui a étonné
l’expert italien de la firme constructrice de ces transformateurs, il y
a une trentaine d’années, que nous avons consulté et qui
m’a dit clairement: “Mais qu’est-ce que vous faites avec ces transformateurs
d’un autre âge; il faut les jeter!
DES DÉBOIRES EN CHAÎNE
Les usagers se plaignent que les autorités tant gouvernementales
que de l’EDL avaient promis une amélioration dans la distribution
assurant jusqu’à 18 heures de courant par jour...
Oui, j’ai établi à ce propos un programme transmis par
notre ministre de tutelle, M. Sleiman Traboulsi, au Conseil des ministres.
Dans ce rapport, j’ai bien spécifié que le premier transformateur
sera mis en marche le 7 août.
Malheureusement, à cause de plusieurs problèmes techniques
graves, le retard s’est produit.
Le Premier ministre, M. Salim Hoss constatant
la marche des travaux à la sous-station de
Jamhour.
Il est accompagné du ministre des Ressources
hydrauliques et électriques,
M. Sleiman Traboulsi et guidé par le directeur
général de l’EDL, M. Georges Mouawad.
DES AMÉLIORATIONS À UN RYTHME
CRESCENDO
Dans l’immédiat, que peut-on annoncer à vos abonnés,
après tant de déboires?
Je voudrais éviter d’annoncer des choses. Mon objectif prioritaire
est une meilleure alimentation actuelle que ce soit au centre-ville, dans
le Beyrouth administratif et résidentiel ou bien dans les banlieues.
Il y a maintenant cent mégawatts supplémentaires que je veillerai
à distribuer d’une façon équitable. Les améliorations
vont aller crescendo, puisque toutes les deux semaines un transformateur
sera installé.
En période de pointe, quels sont les besoins du Liban tout entier?
Environ 1600 mégawatts. Nous pouvons produire facilement 1750
mégawatts et vers la fin de l’année, 2000 mégawatts.
Ordinairement, nous produisons beaucoup plus que nous consommons. Actuellement,
pour alimenter la région de la Békaa, nous achetons 40 mégawatts
à la Syrie, comme un apport supplémentaire, faute de grandes
liaisons entre Zouk, le Nord et Jiyeh avec la Békaa.
UN PLAN DE RÉHABILITATION
Existe-t-il un plan général de réhabilitation
quand tout sera normalisé?
La station de Bsalim va passer à 220 mégawatts sur base
d’un plan directeur établi par l’Electricité de France et
approuvé par le conseil d’administration. Quant à la station
de Jamhour, elle va travailler en 150 mégawatts mais avec un matériel
de 220. Nous allons commander des transformateurs qui travaillent en bi-tension
du côté primaire. Nous sommes en train de négocier
pour l’achat de neuf transformateurs (220-150) d’une compagnie pouvant
nous donner satisfaction dans les cinq mois.
D’ailleurs, je suis en train d’installer actuellement à Bsalim
deux transformateurs neufs travaillant en 220-150 déjà commandés
après les raids israéliens de 1996 et réceptionnés
il y a six mois. Le premier sera en marche dans trois semaines et le second
avant fin septembre.
La première phase du plan de réhabilitation court jusqu’à
fin septembre pour rétablir une bonne alimentation dans tout le
Liban; mais pour compléter les travaux dans les deux sous-stations,
il faut aller jusqu’à la fin de l’année.
DIX NOUVELLES SOUS-STATIONS
Outre la réhabilitation, M. Georges Mouawad nous parle d’un
projet à long terme: “Nous avons un plan d’équipement qui
continue. Il se poursuivra avec l’aménagement de dix sous-stations
ainsi que l’installation de centaines de kilomètres de câbles
aériens. La sous-station d’Aramoun est terminée, celle de
Horch aussi; la sous-station de Mkallès sera opérationnelle
dans deux mois, celle de Ksara suivra, etc... C’est un travail permanent
qui ne s’arrêtera pas. Mais le malheur dans notre réseau,
c’est que les efforts ont été concentrés jusque-là
sur la satisfaction de la clientèle: les compteurs, les services
de distribution et la génération du courant et sa production.
Mais la partie la plus importante a été négligée:
c’est le réseau de câbles servant au transport du courant.
C’est pourquoi, ce réseau est en souffrance: il ne va jamais être
prêt avant 2001-2002. Il nous faut au moins trois ans pour renforcer
ce réseau. Et, actuellement, je suis en train de bricoler sur le
réseau existant afin de pouvoir assurer le transit de puissance
de transport, une puissance entre les centrales et les sous-stations. Il
aurait fallu commencer par une réhabilitation du réseau de
transport en même temps que le renforcement des centrales de production.
C’est pourquoi, nous nous retrouvons avec deux centrales chacune capable
de produire 450 mégawatts sans, toutefois, pouvoir soutirer de chacune
d’entre elles plus de 150 mégawatts. Tout cela parce que la partie
transport n’a pas été traitée au moment opportun”.
LES REVENDICATIONS SYNDICALES
Le dernier volet de notre entretien concerne les revendications
syndicales exprimées ces jours-ci par les employés de l’EDL,
étayées d’une menace de grève. De quoi s’agit-il?
Ceci n’a rien à voir avec ce que font nos techniciens qui sont
très compétents et travaillent jour et nuit avec des journées
de 16 à 18 heures. Ils ont même travaillé 42 heures
d’affilée pour assurer le rétablissement du courant après
les frappes israéliennes. Malheureusement, la nouvelle échelle
des salaires pour les offices autonomes - dont l’EDL - élaborée
par le gouvernement ne tient pas compte du fait que nous sommes un service
technique déployant un travail de nature dangereuse et à
risques. Le syndicat des employés de l’EDL a certaines revendications
concernant également les heures supplémentaires et des acquis
tels le 13ème mois, ainsi que le mois de bonus pour la production
figurant dans l’ancienne grille et occultés dans la nouvelle.
En ce moment, ils sont 2840 employés alors qu’ils étaient
4285 en 1985. Pourtant à titre comparatif, nous avions 600.000 clients;
actuellement, nous avons plus d’un million d’abonnés; nous produisions
1000 mégawatts; aujourd’hui, notre capacité de production
va atteindre 2000 mégawatts. Ainsi, la clientèle a doublé.
La production a doublé, pourtant le nombre d’employés a diminué
de moitié. Et avec tout cela on refuse le paiement des heures supplémentaires.
Comment expliquez-vous cette diminution brusque du nombre des employés?
Il n’y a pas de diminution brusque. Cela est dû à deux
facteurs: la moyenne d’âge de la retraite ramenée à
55 ans et l’interdiction d’embauche. Toutefois, le Conseil des ministres
vient de nous autoriser à embaucher 300 personnes pour les centrales
de Zahrani et Beddaoui et pour l’exploitation des centrales dont la maintenance
était précédemment confiée à une société
étrangère. D’après le décret-loi 13.537, notre
cadre se compose de 5020 employés, cadre approuvé fin 1998.
Or, nous n’avons maintenant que 2840 employés. Si j‘embauche 300
personnes, ce n’est pas suffisant pour les centrales actuellement en fonctionnement.
Que serait-ce avec dix sous-stations nouvelles? Avec une seule équipe
d’entretien, les sous-stations actuelles travaillent avec un seul wattman
demeurant 24 heures sur 24 pour assurer l’exploitation, alors qu’il faut
changer de wattman toutes les huit heures.