Le président Hoss à la tribune.
![]() Le bâtonnier Issam Karam. |
![]() M. Fouad Turk. |
![]() L’uléma Mohamed Hassan el-Amine. |
![]() M. Mounah Solh. |
“Youssef bey Karam, a dit le président du Conseil, a été
le symbole de la dignité nationale. Son nom a émergé
dans une phase parmi les plus délicates de l’Histoire du Liban et
il a été au centre des événements durant plusieurs
années sous le mandat du premier moutassarref, Daoud Pacha, avec
lequel il a été en conflit pour des raisons nationales.”
Il rappelle que, dans la seconde moitié du siècle dernier,
avant l’éclatement de la sédition en 1860, Youssef bey Karam
a assumé des responsabilités politiques et administratives,
se signalant par sa fermeté, son esprit de justice et son élévation
au-dessus de l’esprit confessionnel, des dissensions communautaires et
religieuses.
“Son action s’est caractérisée par son esprit démocratique,
prenant le parti des paysans contre les féodaux. Les gens se sont
attachés à sa personne, d’autant qu’il a su établir
des relations cordiales avec les musulmans du Liban-Nord.
“Cependant, ajoute M. Hoss, il s’est heurté à trois instances
ayant eu, alors, une grande influence: Daoud Pacha, le patriarche maronite
Boulos Massaad et le Nonce apostolique, tous trois étant soutenus
par l’autorité ottomane.... Aussi, a-t-il été persécuté
et a passé une partie de sa vie en exil loin de sa patrie, de sa
famille et de la terre qu’il chérissait par-dessus tout. Il lui
peinait, surtout, d’entendre des propos pareils à cette réflexion
qu’émettait à l’époque le consul de France: “L’homme
d’Orient n’a pas de patrie; il se réclame de la religion à
laquelle il appartient”.
Il était persuadé que “chrétiens musulmans et
druzes peuvent vivre en parfaite entente, donc capables de cohabiter au
sein d’une même nation, soumise à une même loi”. Ainsi,
il a devancé l’Exhortation apostolique de S.S. Jean-Paul II, appelant
les Libanais de toutes les communautés à coopérer
dans l’intérêt national. De plus, il a engagé ses compatriotes
à enseigner à leurs enfants la langue maternelle, “pour que
le Liban ne soit pas une “Babel des langues”, mais la patrie de la liberté,
de la démocratie et de la fierté”.
L’uléma Mohamed Hassan el-Amine dit que Youssef bey Karam a
été l’épée du Liban et non seulement des maronites.
“Il n’était pas un simple homme politique ou un leader local dans
l’une des régions libanaises. Il œuvrait en faveur de la région
arabe et était préoccupé par les problèmes
de l’Orient.
![]() Le président Salim Hoss accueilli par Me Issam Karam... |
![]() ...et par M. Salim Karam. |
“En examinant de près l’action de Youssef bey Karam face à
l’occupation des Ottomans, on est surpris de constater que ce grand chrétien
a milité en faveur de son pays et de la liberté de son peuple...
Nous devons le prendre en exemple, aux fins de consolider les assises de
notre patrie, d’autant qu’il nous a donné des réponses aux
questions en rapport avec l’unité nationale et l’affiliation naturelle
du Liban à son environnement arabe.”
Quant à M. Turk, il se félicite de ce que la patrie honore
ses fils valeureux ayant combattu pour son indépendance et sa libération,
dans un temps où il était difficile d’entreprendre une lutte
à découvert sans risquer d’être poursuivi et persécuté.
“Youssef bey Karam a réalisé que son pays se trouve à
une croisée des chemins dans cet Orient convoité de toutes
parts. Aussi, n’a-t-il pas cessé de combattre les convoitises des
conquérants et les invasions de ceux qui ont voulu empêcher
ce petit pays de jouer son rôle de pionnier dans cette région
et dans le monde.
Il a voulu faire de ce pays un point de rencontre des religions et
des civilisations, dans une formule unique en son genre qui a été
et restera un modèle de la vie en commun.”
M. Mounah Solh observe que, jusqu’ici, on a souvent évoqué
le souvenir de Youssef bey Karam pour ses actes héroïques et
ses prises de position courageuses. “Aujourd’hui, ajoute-t-il, on insiste
davantage sur son action politique et les relations qu’il entretenait avec
les leaders de son époque.
“Il fut, sans conteste, un homme politique et d’opinion. De plus, c’était
un nationaliste se plaçant en permanence au-dessus des clivages
d’ordre communautaire ou de classes. Il se distinguait par son esprit réaliste,
en ce sens que tout en collaborant avec la puissance ottomane, il projetait
déjà de tendre la main à son environnement arabe,
d’où le message qu’il a adressé au congrès de Damas
et, spécialement, au prince Abdel-Kader Al-Jazairly. Il y émettait
le souhait de le voir unifier “Bilad Ach-Cham”, avant la chute de l’Empire
ottoman, car si notre région n’était pas réunifiée,
les étrangers feraient mainmise sur nos ressources et nous empêcheraient
d’accéder à l’indépendance. Il préférait
la solution arabe à la solution occidentale.
“Nous pouvons prendre conscience, aujourd’hui, de la justesse de sa
vision et de ses craintes, maintenant que l’Occident a pris le parti d’Israël.”
Dernier à prendre la parole, Me Issam Karam qualifie Youssef
bey Karam “d’incorruptible n’ayant pas pris sa place dans l’Histoire...
parce que l’Histoire du Liban n’a pas encore été écrite.
Car le Libanais connaît l’Histoire du monde, mais non la sienne...
“Je ne suis pas pour l’unification du livre d’Histoire, parce que je suis
contre le totalitarisme; avec le libéralisme et la liberté.
“La place de Youssef Boutros Karam est restée vide dans l’Histoire
du Liban; aussi, est-il une personnalité angoissée dans l’Histoire
libanaise, à l’instar de Selman At-Taher ou Selmane Al-Farissy ou
Selman Bey dans l’Histoire de l’Islam... Comme le sont la plupart de nos
personnalités, car une partie de leur vérité reste
cachée, y compris Bachir Chéhab II.
“Pourtant, Youssef Boutros Karam fut un homme franc et transparent,
ayant brandi l’épée face à quiconque voulait attenter
à la patrie et déroger à la loi... Il a affronté
les Ottomans, les cheikhs et les Français. A cause de ces derniers,
il a démissionné du caïmacamat (des chrétiens)
et fut le dernier caïmacam après Haïdar Abillama et son
cousin, Bachir Abillama, parce que les Français, en accord avec
Daoud Pacha, voulaient le remplacer par son adversaire Majid Chéhab
à Jezzine, après l’avoir affecté au plus petit des
gouvernorats.
“Il s’est brouillé même avec le patriarche maronite et
préconisé la formation d’un Conseil communautaire maronite,
afin que l’autorité ne soit pas accaparée par une seule personne.
“On dirait qu’il fut le fils de ce temps. Il s’est opposé au
régime des deux caïmacamats, parce qu’il le jugeait sécessionniste
et prélude à la partition, comme il a refusé le régime
du moutassarifiat, parce qu’il visait à internationaliser le problème
libanais.”
Le bâtonnier Karam retrace la lutte infatigable menée
pendant des années par Youssef bey Karam avant de conclure: “Ce
maronite pur et dur, ce Libanais sincère à l’esprit chevaleresque
n’a pas eu peur de l’arabisme et n’a pas tourné le dos à
l’islam... Abdel-Kader Al-Jazairly fut parmi les leaders avec lesquels
il a engagé le dialogue, parce qu’il avait une prédilection
à traiter avec un Arabe plutôt qu’avec un étranger,
partant de son souci de préserver la terre des ancêtres et,
dans ce domaine, il ne faisait pas confiance aux étrangers.