Respecter les
droits élémentaires de la femme, l’aider au plan économique
et atténuer la discrimination sexuelle... Ces thèmes ont
été discutés durant les réunions locales ou
régionales. Quoique la situation de la femme se soit améliorée,
comme l’a affirmé le Dr Hazem Beblaoui, secrétaire général
de l’ESCWA, la discrimination féminine existe toujours dans le monde
arabe.
La Déclaration universelle des droits de l’homme s’applique,
également, aux femmes comme cela a été observé
lors de la conférence de Pékin en 1995. Mais dans quelle
mesure est instaurée l’égalité des sexes au Liban?
Comment sont promues les ouvrières au travail?
Ce dossier a pour but de répondre à cette double question.
LES PATRONS PRÉFÈRENT LES HOMMES
Suzanne est une jeune ouvrière qui a travaillé, très
tôt, dans une usine textile.
Adolescente, confie-t-elle, j’ai perdu mon père et ma grand-mère.
C’était à moi, alors, l’aînée, à prendre
la relève pour entretenir notre grande famille. J’ai quitté
l’école pour suivre des cours de couture et m’engager, par la suite,
dans cette usine.
Ma mère était contre mon initiative et voulait que je poursuive
mes études universitaires. Aujourd’hui, cela fait une trentaine
d’années que je travaille dans cette usine. Malgré les éloges
de mon patron, j’ai légèrement progressé. Mes efforts
fournis, mon application au travail, ma productivité et, maintenant,
ma grande expérience, le laissent indifférent, au point de
manifester sa préférence à un collègue mâle.
Ceci sans mentionner, aussi, la discrimination dans les salaires. Pour
le même poste et la même qualité de travail, je touche
moins qu’un ouvrier. En somme, je donne beaucoup plus que je reçois.
Même les nouvelles ouvrières sont payées autant que
moi, ou un peu moins. Est-ce équitable?
“Rien ne me motivait à demeurer plus dans cette usine, n’était-ce
le chômage auquel on est confronté actuellement dans le pays.
Le salaire et rien que le salaire! Pas de bonus, ni de récompense
comme reconnaissance du travail accompli. Tous les ouvriers sont traités
de la même manière. Je n’aurais pas dû contredire l’avis
de ma mère, puisque ce travail ne m’a permis aucune évolution,
ni une réalisation de mes capacités, sinon qu’une accentuation
du clivage entre les deux sexes, à force d’entendre les louanges
de mon patron concernant les ouvriers-hommes. Ils peuvent, dit-il, fort
bien vous remplacer, offrir une meilleure qualité de travail en
un temps record et sans absence continuelle.
Cette mentalité masculine affecte l’ouvrière et c’est pourquoi,
la femme continue à assumer massivement des fonctions subalternes,
traditionnellement féminines.
AFFLUX DE FEMMES DANS LE TEXTILE
Le cas de Suzanne n’est pas unique, ni même rare. Les visites effectuées
dans maintes usines ont démontré que cette situation était
un dénominateur commun aux ouvrières libanaises malgré
leur nombre qui s’accroît, actuellement, de plus en plus. Si en 1970,
la participation de la femme sur le marché de l’emploi s’élevait
à 17.5%, en 1986, elle a atteint les 21.7%, malgré tous les
obstacles qui se dressaient sur son chemin. Les statistiques permettent
de constater que l’afflux massif des femmes se produit particulièrement
vers l’industrie textile, plutôt que vers d’autres secteurs.
En essayant de dresser un profil des ouvrières et de leur statut
professionnel, il en ressort que les femmes qui travaillent ont entre 25
et 29 ans ou entre 30 et 34 ans. Leur participation diminue par la suite,
la plupart du temps, pour cause de mariage. La maternité contribue,
aussi, à éloigner les femmes de leur travail. C’est pourquoi,
la plupart des ouvrières sont des célibataires.
Si le pourcentage des ouvrières analphabètes est bas, elles
n’ont toutes pas terminé leurs classes primaires, ni entamé
des études techniques ou universitaires.
Les jeunes filles célibataires, relativement bien éduquées,
sont amenées à travailler pour des besoins financiers.
PRESIDENT DE LA CGTL
E. ABOU-RIZK: "LE POURCENTAGE DES FEMMES VARIE SELON LES SECTEURS, MAIS LE MOUVEMENT SYNDICAL SE FEMINISE" M. Elias Abou-Rizk, président de la CGTL, constate que le rôle de la femme s’affirme de plus en plus et le taux de féminisation du mouvement syndical ne cesse de s’élever. Il précise, toutefois, que le pourcentage des femmes varie selon les secteurs. On
n’a pas de statistique précise au Liban, précise-t-il, concernant
le rôle ou le volume de la participation de la femme dans le mouvement
syndical. Si il y a environ cinq ans, son rôle au niveau du premier
rang était limité et symbolique, aujourd’hui, un changement
radical s’est produit, dû à des mesures et des actions signalées
récemment au niveau de la direction centrale syndicale, afin d’activer
le rôle de la femme. On suppose, en ce moment, que le taux de féminisation
syndicale s’élève, approximativement, entre 20 et 25% au
niveau de l’assemblée générale. Il faut noter, en
général, que le pourcentage des femmes varie selon les secteurs.
LA FEMME, PARTENAIRE ACTIF |
CONDITIONS DU TRAVAIL
Sur les conditions du travail, l’étude révèle que
la majorité gagne entre 200 et 300 dollars. On voit encore subsister
l’inégalité dans les salaires féminins et masculins,
notamment dans le secteur industriel. Les branches dans lesquelles prédomine
la main-d’œuvre féminine sont, généralement, celles
dans lesquelles le niveau des salaires est le plus bas. On note, aussi,
des différences entre salaires masculins et féminins pour
des postes de même qualification. Rares sont les femmes qui font
des heures supplémentaires, car si les employeurs compensent ce
travail, ils ne respectent pas le quota stipulé par le code du travail.
Les heures supplémentaires doivent être payées une
fois et demie le salaire normal.
Un autre problème se pose, celui de l’égalité d’accès
aux emplois. Malgré une évolution importante, certains emplois
sont considérés, sans justification valable, comme typiquement
masculins. C’est le cas du travail dans une fabrique de verrerie où
la proportion d’ouvriers qualifiés ne dépasse pas les hommes,
alors que les femmes ne sont là que pour épurer le verre.
La mixité n’existe pas, en fait. De nombreux ateliers continuent
à ne recruter que des garçons. “On trouve encore de justification
dans la notion de métier masculin et féminin, souligne M.
J. Azar. Chez nous à l’usine, ce sont uniquement les hommes qui
travaillent sur les machines.”
AUTOMATISATION DU TRAVAIL
L’introduction de l’automatisation au Café Super Brésil a
transformé les tâches et modifié l’organisation du
travail, dans la mesure où elle le rend moins pénible et
où elle devrait être un élément favorable au
développement du travail féminin.
Cependant, cette automatisation a aggravé le clivage entre travaux
masculins et féminins dans une usine de glace. Les femmes, en effet,
ont été transférées vers les secteurs non automatisés,
plus précisément, vers les postes où la rapidité
et la précision gestuelles constituent encore les exigences essentielles
des tâches à accomplir.
M. Hallab insiste sur l’importance, dans la période actuelle, d’une
formation professionnelle posée par les perspectives de l’évolution
des techniques. Il pense qu’une extension importante de l’automatisation
pourrait ouvrir des perspectives nouvelles aux femmes. Une formation professionnelle
leur donnerait la chance d’être appelées à des postes
qui leur sont actuellement fermés.
S’il apparaît que des changements sont intervenus dans la condition
féminine, ces mutations qui se poursuivent rencontrent encore des
résistances. Pour les analyser, il faudrait évoquer les difficultés
que rencontrent les femmes, résultant du cumul des activités
professionnelles avec les tâches familiales. “Malheureusement, remarque
Zeina, ouvrière, la tendance actuelle du monde du travail à
exiger de leur personnel dévouement et productivité en tout
temps, n’est sûrement pas de nature à favoriser les liens
familiaux.”
Il faudrait évoquer, aussi, les éléments d’ordre psychologique
qui, lorsqu’ils contribuent à freiner l’évolution de la condition
féminine, trouvent leur origine dans la persistance des modèles
traditionnels du rôle des femmes. “A propos des obstacles, observe
Mirna, le fait d’être une femme, constitue une barrière pour
d’autres opportunités de travail ou pour toute possibilité
de promotion. Le travail tient compte du sexe de l’employé”.
PRESIDENTE DE LA LIGUE DES FEMMES
TRAVAILLEUSES IKBAL DOUGHAN: "DES CAS DE DISCRIMINATION ET DE MALTRAITANCE EXISTENT ENCORE. IL FAUT Y METTRE FIN" Mme Ikbal Doughan, présidente de
la Ligue des femmes travailleuses, évoque l’historique de cette
association fondée en 1994, pour venir en aide aux citoyennes et
défendre leurs intérêts. CAMPAGNES
D’ÉVEIL ET DE PRÉVENTION QUATRE OBJECTIFS |
LE HARCÈLEMENT SEXUEL NON DÉNONCÉ
L’horaire dépend de plusieurs facteurs: âge de l’employée,
statut matrimonial, niveau d’éducation et années d’expérience.
La majorité des ouvrières n’obtiennent pas de rénumération
pour le transport et n’ont pas accès à la Sécurité
sociale. Rares sont celles qui avouent avoir des problèmes avec
leur employeur, les plaintes les plus fréquentes portant sur l’exploitation
et le mauvais traitement. Par contre, le harcèlement sexuel n’est
jamais dénoncé.
En ce qui concerne l’environnement et le cadre dans lequel travaillent
les ouvrières, des mesures de protection doivent être prises
pour une salubrité industrielle, étant donné la négligence
et l’absence de toute mesure de protection de la main-d’œuvre, les ouvriers
souffrant, énormément, de cette négligence.
A ceci s’ajoute l’ignorance totale des ouvriers des risques auxquels ils
sont exposés à tout moment du travail. Le pire, c’est que
la majorité n’est pas consciente de la nécessité des
moyens de protection.
Le grand risque commence par les instruments de travail, sans mentionner
les autres facteurs: vacarme, tremblement, produits nocifs, haute température,
etc...
Une des résultantes de la productivité est la pollution de
l’air par des produits nocifs pour les yeux, la peau et les voies respiratoires.
La forte température influe, aussi, sur la santé et la productivité,
puisqu’ainsi la fatigue se répercute plus vite sur l’ouvrier, réchauffe
plus son corps et accentue la transpiration. Ceci conduit à une
baisse dans la concentration, à un relâchement et impliquera
probablement des accidents. Plus la température s’élève,
plus le taux de la fatigue augmente.
Même les positions et les tâches les plus simples et faciles
qui ne demandent aucune ardeur, dont l’exécution ne demande que
les 10Kgcal/h, ne sont même pas souvent adaptées aux conditions
du travail.
Les mesures de sécurité impliquent les zones chaudes, l’organisation
de pauses et de salles adaptées. Le repos durant le travail se révèle
nécessaire. La pause de 10 à 15 minutes doit se dérouler
dans une salle qui permet de régulariser la température de
leur corps et l’inciter de nouveau au travail.
L’appareillage du progrès technique n’a fait qu’exposer en permanence
l’ouvrière, tout comme l’ouvrier, d’ailleurs, au vacarme. Ce qui
influe en premier sur le système nerveux, sur le cœur et conduit
à la surdité. Car sur les lieux de travail, le vacarme diminue
la concentration de l’ouvrier, son effort physique, ses réactions
psychologiques et même sa productivité.
Ces appareils peuvent provoquer une tension phonique qui pourrait être
évitée si les ouvrières étaient équipées
par des moyens de prévention.
Un autre problème est celui de la lumière. Une mauvaise luminosité
contribue à une mauvaise productivité, puisque, provoquant
une fatigue prématurée des yeux.
EXPOSANT LE ROLE DU SERVICE
SOCIAL RAYMONDE R. AOUN: "ON DOIT VIVRE LES PROBLEMES QUOTIDIENS DES OUVRIERS POUR POUVOIR LES RESOUDRE" “Le service social agit sur les lieux mêmes du travail pour suivre et faciliter la vie personnelle des travailleurs, notamment, des femmes, des jeunes gens, des déficients et, éventuellement, en dehors des lieux de travail pour seconder l’action des services sociaux de la famille sur les questions qui sont en rapport avec l’activité professionnelle.” AIDER L’HOMME AU TRAVAIL TENIR COMPTE DES FACTEURS HUMAINS
|
LE POINT DE VUE DES CHEFS D’ENTREPRISES
50% des patrons interrogés se disent indifférents au statut
civil de la femme, l’important étant le résultat. Puis, la
plupart des employeurs qui envisagent de développer leur société,
préfèrent les femmes célibataires “parce que plus
actives; en revanche, les hommes mariés sont plus productifs.”
La majorité des patrons considèrent qu’il existe des formes
de travail plus adéquates pour les hommes que pour les femmes. “Ces
dernières sont plus habilitées, pensent-ils, pour les travaux
administratifs, le département des ventes, que pour les départements
liés à la production.”
M. S. Hammoud, quant à lui, ne se tourne ni vers le statut de l’ouvrière,
ni vers le poste à lui accorder.
“A quoi servent les femmes, dit-il, sinon à bavarder et à
perdre du temps? Mon souhait serait d’en finir de celles engagées
par mon regretté père et de les remplacer par des ouvriers.
Elles ne peuvent fournir une même qualité et quantité
de travail, puisqu’elles n’ont pas une force et une capacité physique
similaire à celle des hommes.”
“Les femmes sont vraiment bizarres, constate M. J. Azar. Elles affichent
un besoin d’augmenter leur revenu, mais n’ont pas la volonté de
travailler: c’est tout un paradoxe. Elles excellent dans les plaintes.”
Par contre, M. C. Makari les apprécie, même pour les petites
tâches qu’elles accomplissent, misant sur leur goût et leur
finesse.
PROFESSEUR D'UNIVERSITE TANNOUS
CHALHOUB: "L'ABSENCE D'UNE POLITIQUE DE SOUTIEN AFFECTE L'INDUSTRIE NATIONALE... "... ET LES NORMES DE TRAVAIL ONT BESOIN D'ETRE REPENSEES" Professeur à l’Université Libanaise, le Dr Tannous Chalhoub, auteur de plusieurs ouvrages sur l’environnement industriel, expose, tout d’abord, sa conception d’un cadre sain, visant à amoindrir la gravité du danger qui menace les travailleurs par des moyens de prévention efficaces. Normalement, dit-il, les conditions du milieu ambiant doivent se limiter
aux potentialités de l’être humain, sinon son système
de défense ne pourra plus remplir sa fonction. Le repos est un facteur
important à ne pas négliger car, à la base, le travail
est déjà une contrainte. L’élémentaire doit
être respecté pour une meilleure productivité et production.
LE RÔLE DES MINISTÈRES NON DÉFINI
|
VICE-PRESIDENT DE LA COMMISSION
DE L'ONU POUR LE STATUT DE LA FEMME FADI KARAM: "IL Y A NON CONFORMITE ENTRE LES LOIS NATIONALES ET INTERNATIONALES REGISSANT LE MONDE DU TRAVAIL" La situation de la femme reste très
inégale dans le monde, malgré les changements dans les modes
de vie et les mentalités qui ont été favorables à
son émancipation et à son avancée dans les hiérarchies
sociales. LE CODE DU TRAVAIL LIBANAIS TRAVAIL DE NUIT NON CONFORMITÉ LÉGALE
|