LE LIBAN DE L'INTEGRATION
A L'AGE DE SES LEADERS HISTORIQUES
Le
Liban vient de célébrer deux événements: le
souvenir du patriarche Hoyek et celui de Youssef bey Karam, tous deux étant
une page distinctive de l’Histoire du Liban.
Le patriarche Hoyek a occupé le siège
patriarcal durant une génération entière (33 ans),
de 1899 à 1931
Il a posé la première pierre du
siège patriarcal de Dimane et a fait beaucoup plus: il a scellé
la pierre angulaire de l’Histoire et de l’indépendance du Liban,
en coopération et coordination sincères avec tous les fils
du Liban. Nous disons cela sans oublier le pilier de base à Wadi
Quannoubine.
Dans les étapes les plus angoissées,
Hoyek a porté le Liban au nom de tous les Libanais, à la
conférence de la paix à Paris qui s’est ouverte le 8 janvier
1919.
Ce jour-là, la conférence de la
paix était l’instance internationale. Etant entendu que les deux
grandes puissances étaient, alors, la France et la Grande-Bretagne.
L’Amérique s’était imposée un isolement prôné
par les principes du président Wilson, dont le droit des peuples
de décider de leur sort et tel était son grand titre. Dans
ce contexte, l’Amérique n’a pu constituer une commission internationale
pour se rendre sur la terre du conflit, c’est-à-dire la terre de
cet Orient où la première question était celle du
legs de “l’homme malade”.
Le but de Wilson, à cette époque,
était de sonder les gens sur le système de pouvoir qu’ils
voulaient. Mais Paris et Londres ont empêché la formation
de cette commission internationale. Wilson s’est contenté d’envoyer
une commission américaine, la commission King-Crane qui n’a pu faire
grand chose.
La conférence de la paix a organisé
la situation des pays arabes soustraits à l’autorité de l’Etat
ottoman et réorganisé la géographie européenne
avec la mentalité du vainqueur et du vaincu... La confrontation
opposait les Etats alliés aux empires germaniques.
De cette conférence ont émané
des conventions: la convention de Versailles du 28 juin 1919 a imposé
à l’Allemagne des solutions dures. La convention de Saint Germain-En-Laye
du 19 septembre 1919 a imposé des solutions similaires dures à
l’Autriche. La convention de Neuilly du 27 novembre 1919 a imposé
des solutions également dures à la Hongrie. La convention
de Sèvres du 10 août 1920 a disloqué l’empire ottoman,
les pays arabes en ayant été dissociés définitivement,
bien que cette convention n’ait pas été appliquée.
En effet, le conquérant Moustapha Kamal
Ataturk, le “père des Turcs”, a ravivé les pays des Turcs;
la convention de Lausanne l’a remplacée, après la campagne
de libération menée par ce conquérant.
La conférence de la paix était
saisie de revendications internationales, arabes, syriennes, libanaises
et juives. A Mayssaloun, la France a frappé, par sa victoire en
1920, le rêve de la “patrie arabe” auquel appelait, au nom de ses
partisans, l’émir Fayçal.
Du temps de l’émirat, les Libanais avaient
réclamé, unanimement, l’indépendance. Pourtant, les
révoltes du XIXème siècle ont déterminé
ce que nous pouvons nommer l’identité de l’indépendance libanaise.
Bien que ces révoltes n’aient pu réaliser la grande idée.
Mais le maintien de la flamme indépendantiste dans l’âme libanaise,
a limité l’ambition des Libanais, preuve en est que les solutions
ayant suivi la chute de l’émirat, étaient à la dimension
du Liban, ne se rapetissant pas et ne prenant pas de l’ampleur.
L’émirat a pris fin en 1841. En 1816,
eut lieu la victoire du sultan Salim 1er sur le chef des mamelouks, Kanso
el-Ghouri, dans la bataille de Marj Dabek, près d’Alep. En 1842,
furent créés les deux caïmacamats qui se maintinrent
jusqu’en 1861; puis, le moutassarifiat, jusqu’en 1920 que le général
Gouraud abolit, légalement, la nuit du 31 août 1920, ce qui
coïncidait avec la date à laquelle il a promulgué sa
décision portant création du Grand Liban, le Liban du 1er
septembre 1920.
Cependant, la question de la terre libanaise
et des frontières du Liban, est restée en suspens dans la
mentalité des Libanais: les Libanais de la montagne, toujours soucieux
de préserver leur identité et leur entité, proclamant
leur refus par deux fois: une fois en 1876 et, une autre fois, en 1908,
de se faire représenter au Conseil des députés de
Constantinople. Jusqu’à ce que cela leur fut imposé avec
une dureté brutale. Jamal Pacha venu au nom du coup d’Etat, l’a
exécuté avec Midhat et Anouar. Il est venu au Liban où
il a égorgé Ohannès Pacha, le dernier des moutassaref
et pris sa place au nom de Constantinople.
Dans ce contexte, les Libanais ont confié
leurs revendications au patriarche Elias, consignées dans un arrêt
du Conseil administratif. Le choix du patriarche Hoyek avait une signification
auprès des instances internationales. Mais, Sa Béatitude
n’a été aucun jour le patriarche d’une catégorie déterminée,
les maronites; il a toujours été le patriarche de l’ouverture
et de l’amour, le patriarche du Liban toutes communautés confondues.
La délégation est arrivée
à Paris le 24 août 1919. Le lendemain, le journal parisien
“Le Matin” publiait une déclaration où le patriarche disait:
“Mon voyage a trois objectifs: réclamer l’indépendance du
Liban qui y a droit; puis, ramener le Liban à ses frontières
naturelles historiques, comme elles ont été tracées
par le commandement français sur la base de la carte de 1862; enfin,
affirmer le désir de perpétuer des relations intimes avec
la France.”
Hoyek est arrivé à ce point. Il
n’a pas parlé de la création du Grand Liban, sous l’autorité
du mandat, comme d’autres l’ont dit et ont été critiqués
à New York, à Buenos Aires et au Caire où les associations
libanaises réclamaient, d’une même voix, l’indépendance
totale du Liban.
Raymond Poincaré, président de
la République française et Georges Clemenceau, son Premier
ministre, ont reçu, officiellement, le patriarche et l’ont entendu
réclamer, au nom du gouvernement du Liban, de son Conseil administratif,
comme au nom des villes et des villages, l’unification du Liban, sans distinction
entre les sectes et les communautés.
Hoyek a su comment concilier la politique et
la présidence. Il a laissé au patriarche son autorité
et accepté d’engager le dialogue avec les gens d’opinion, en vue
d’une formule idéale pour Bkerké et le Liban. Tout en proclamant
son allégeance à Rome, il a pu traiter avec le principe de
la soumission et la politique “sous le coussin”; c’est-à-dire éliminer
tout ce qui ne sert pas l’unité libanaise et arabe. Comme il a su
concilier le droit des maronites et les droits des autres communautés
libanaises.
Ce grand homme a pu opter pour le Grand Liban...
Le Liban de la souveraineté, de l’indépendance et de l’ouverture.
Aussi, le 1er septembre a-t-il été, d’une manière
ou d’une autre, le prélude au “Pacte”, dans l’idée d’atteindre
ce qu’il a voulu du Liban unique, unifié et non confessionnel dans
ses frontières géographiques historiques... les frontières
de Fakhreddine. |
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