PRESIDENT DE LA MUNICIPALITE DE BAABDA
ANTOINE KHOURY HELOU: "MON OBJECTIF: INFORMATISER LA GESTIO MUNICIPALE"

Au mois de juin, des élections municipales complémentaires à celles de l’an dernier ont eu lieu dans certaines localités. A Baabda et Louaizé, un conseil municipal de quinze membres, présidé par Me Antoine Khoury Hélou, a été élu, dont treize de la liste qu’il présidait et deux de la seconde (il y en avait trois). 50% des 5000 électeurs ont participé au scrutin où la famille a joué un rôle plus important que les partis et groupes politiques.
Me Khoury Hélou explique, d’ailleurs, la victoire de sa liste par le fait “qu’elle était plus équilibrée sur le plan de la représentation familiale”.
Ayant une longue expérience dans le domaine juridique et de la gestion, il voudrait, surtout, pouvoir engager la municipalité sur la voie de la modernité en l’informatisant et protéger l’environnement.
 

Avocat de formation, Me Khoury Hélou fait son stage à l’étude de Me Antoine Jazzar; puis, de Me Hamid Frangié, avant d’ouvrir son étude  personnelle. Nommé conseiller juridique de la Régie des tabacs et tombacs, il en devient, ensuite, le secrétaire général, disposant des pleins pouvoirs.
“J’ai pu, dit-il, assurer la survie de cet établissement et de ses 4000 employés aux heures les plus dures des premières années de la guerre.”
Avec l’accalmie de 1977 et début 78, Me Khoury Hélou qui avait donné un important conseil juridique à un grand groupe européen, reçoit une offre de travail alléchante. “J’ai accepté, non pour fuir la guerre, mais parce qu’on croyait, à l’époque, qu’elle était finie”.
Il est appelé à suivre d’importantes affaires en Europe, en Amérique du Sud, installe ses bureaux à Paris, à Rome, en Sardaigne, affirmant ses qualités de juriste et de gestionnaire dans de grands projets immobiliers ou autres.
Qu’est-ce qui l’a donc motivé à se présenter aux élections municipales à Baabda sa ville natale?
Ayant  atteint l’âge de la sagesse, pour ne pas dire de la retraite, répond-il avec humour, (il n’a que 63 ans), j’ai voulu faire profiter mon pays de l’expérience que j’ai acquise ailleurs. Le décalage entre les pays évolués et le Liban est de plus en plus grand et il nous faut absolument faire un pas décisif sur la voie du modernisme, du progrès, de la bonne gestion des affaires publiques et administratives.
D’autres facteurs, explique-t-il, ont motivé cet engagement: le besoin de rentrer au bercaïl, de me ressourcer. Il y avait, aussi, un défi à relever: prouver qu’il y a des éléments valables et je le dis en toute modestie, capables de faire quelque chose pour leur pays. Je ne suis pas le seul. Certains, toutefois, considèrent qu’on doit aller à leur recherche. Moi, je pense le contraire: il faut aller soi-même au devant de l’action et s’imposer. L’essentiel est d’être motivé, de vouloir réaliser quelque chose d’utile dans sa vie. Sinon on ne produit rien de positif.

Est-il disponible pour cette tâche qui l’attend? Qu’en est-il de ses activités à l’étranger?
Je les ai limitées à l’essentiel dit-il et me suis libéré pour la municipalité. D’ailleurs, sans la disponibilité on ne peut rien accomplir dans la vie.
Dans son programme électoral, Me Khoury Hélou avait déjà précisé ses objectifs: en priorité, informatiser la gestion municipale.  Croyez-moi, explique-t-il, ce n’est pas difficile à réaliser. Ayant effectué des études et recherches dans ce domaine, j’ai vu comment cela se passe ailleurs. J’ai eu, notamment, accès à un programme informatisé aux Etats-Unis: la cartographie de la région avec l’implantation des immeubles, l’infrastructure, les espaces verts, etc... tout dans les moindres détails est scanné sur ordinateur.

C’est quand même, un projet bien ambitieux à réaliser!
Il peut être appliqué en six mois. Il nous faut la cartographie de la région avec l’indication des parcelles de terrain, des immeubles, etc... L’E.D.L. a déjà réalisé cette cartographie pour Beyrouth et, m’a-t-on dit, la région de Baabda est couverte à 70%. Il suffit de compléter les plans et d’informatiser les données. Il n’est plus permis de travailler manuellement; c’est une perte de temps et d’énergie.
A partir de cette informatisation, on peut faire de l’urbanisme. Car, à ce niveau-là, ce qui se passe à Baabda, comme ailleurs dans le pays, est inadmissible. Chacun construit à sa façon. C’est la foire  aux “villes-merveilles”. Regardez comment on a gâché le secteur de Yarzé, en y construisant des immeubles. Tout, sur le plan de l’urbanisme est à revoir au Liban, en fonction de l’environnement, de nos valeurs, traditions culturelles et architecturales. J’ai construit une ville en Sardaigne, où on nous imposait la couleur des murs et la forme des fenêtres.
Dans l’immédiat le président de la municipalité de Baabda accorde la priorité aux problèmes de la vie quotidienne auxquels les citoyens sont confrontés: scolarisation, hospitalisation, habitat, remise en état de l’infrastructure. Pour la scolarisation, par exemple, il étudie les solutions adéquates avec les directeurs des établissements scolaires tant privés que publics de la région. Idem pour les hôpitaux. Au plan de l’habitat, il voudrait encourager la construction d’appartements à la portée des jeunes couples qui se marient, afin de les maintenir dans leur localité. Car les appartements sont trop chers et beaucoup de jeunes vont ailleurs.
Sur les difficultés rencontrées en prenant en charge ses fonctions, Me Khoury Hélou s’étend longuement affirmant: “En arrivant, j’ai trouvé le vide au niveau des archives, des dossiers, régistres et même du personnel. Tout est à restructurer, d’autant plus que mon objectif est d’ouvrir la municipalité 24 heures sur 24. Je pratique la politique de la porte ouverte et travaille plus de 14 heures par jour.”

Qu’en est-il des caisses?
Elles sont presque vides,car depuis des années, les gens ne payent plus les  taxes municipales. Il faut donc remettre la machine en marche, stimuler à la fois les percepteurs et les citoyens. La municipalité devrait pourtant être riche, car les établissements publics doivent, eux aussi, acquitter les taxes.
Au cours de ces deux mois de prise en charge de nos fonctions, nous avons déjà déployé un gros effort de restructuration interne, ainsi qu’au niveau de la propreté, de l’environnement, afin de redonner confiance à nos concitoyens en leur conseil municipal.”
Me Khoury évoque, aussi, le décalage entre la loi et son application. La loi des municipalités accorde au président et au conseil municipal des pouvoirs plus étendus que ceux du président de la République. Dans les faits, on ne peut prendre aucune initiative ni décision, sans l’autorisation a priori du contrôleur financier, de l’administrateur ou du ministère de tutelle. On parle de décentralisation administrative et on fait juste le contraire. Chaque semaine on grignote un peu de nos prérogatives. Tout est décourageant au possible.”

 Etes-vous découragé?
Pas du  tout, car je suis de caractère combatif. Nous avons rencontré le ministre de l’Intérieur, l’administrateur du Mont-Liban, j’ai été à la Fonction publique et j’ai exprimé ouvertement mon point de vue.

Reste un problème majeur: la superficie de Baabda qui a été amputée par arrêté du ministère de l’Intérieur. Où en est cette affaire?
Avec un groupe d’avocats, nous avons engagé un recours devant le Conseil d’Etat, en annulation de cet arrêté. Nous avons, par la suite, rencontré le ministre de l’Intérieur qui s’est dit prêt à nous donner en compensation un autre terrain ailleurs. Mais ce n’est pas la même chose, car il prend 25 à 26% de la superficie de notre région pour nous donner en échange l’équivalent de 5 à 6%. Personne à Baabda n’est prêt à transiger sur la superficie de la localité, non seulement pour des raisons rationnelles mais, aussi, sentimentales. Nous attendons donc la décision de la Justice. Le fait, aussi, que le ministre de l’Intérieur se dit prêt à discuter de l’affaire, est déjà un acquis important.

Propos recueillis par
NELLY HELOU

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