LE MEMORANDUM DE CHARM EL-CHEIKH
UN PAS POSITIF SUR LA VOIE D'UN ACCORD FINAL?
COTE SYRIE ET LIBAN, PAS DE PROGRES APPARENTS

Un climat d’optimisme plane toujours dans l’atmosphère, à la signature d’un accord. Les signataires, les “témoins” et “parrains”, s’en félicitent et les contestataires n’arrivent pas à entacher l’euphorie du moment. C’est à l’épreuve de l’application que les  clauses de l’accord prennent leur véritable signification. Par rapport au dossier israélo-palestinien, chaque accord a dû être relancé par un autre pour en assurer un début d’application. Il y a eu Oslo, en 1993; “Wye Plantation”, en 1998 et, aujourd’hui, le mémorandum de Charm el-Cheikh. Le calendrier d’application mis au point, sera-t-il respecté? L’opposition, du côté palestinien comme du côté israélien, laissera-t-elle les coudées franches à MM. Barak et Arafat sous parrainage américain? Qu’adviendra-t-il quand il faudra entamer les négociations du statut final, décider du sort de Jérusalem et des réfugiés? En ce qui concerne les dossiers syro-israélien et libano- israélien, le secrétaire d’Etat américain ne semble pas avoir réussi, du moins en apparence, à fixer une date pour la reprise des négociations. Un surplus de tractations est donc nécessaire pour relancer le processus de paix.


MM. Barak et Arafat signent le mémorandum de Charm el-Cheikh.
Le roi Abdallah de Jordanie observe satisfait; Mme Albright
et le président Moubarak échangent un commentaire.

ACCORD À L’ARRACHÉ ISRAÉLO-PALESTINIEN
Mme Madeleine Albright qui croyait pouvoir parrainer la signature d’un accord israélo-palestinien le soir même de son arrivée, le jeudi 2 septembre, à Alexandrie, a dû faire le go-between entre Jérusalem et Gaza pour amener, par un véritable forcing, les deux parties à surmonter les obstacles dans leurs négociations. La commission mixte israélo-palestinienne chargée de mettre au point un mémorandum d’application de l’accord de Wye Plantation, a continué jusqu’à la dernière minute de buter sur le problème des prisonniers palestiniens. En vertu de cet accord signé en octobre 1998 à Wye River, l’Etat hébreu s’était engagé à libérer 750 Palestiniens, sans spécifier s’il s’agissait de détenus politiques ou de droit commun. 250 prisonniers avaient été relâchés par le gouvernement Netanyahu, dont 150 de droit commun.
Dans les présentes négociations directes qui ont duré près de deux mois et des dizaines de réunions, les Palestiniens réclamaient la libération de 400 prisonniers, alors qu’Israël n’était disposé qu’à en élargir 350.
Il a fallu l’intervention de Mme Albright, le vendredi 3 septembre pour obtenir, in extremis et à l’arraché l’approbation du chef de l’Autorité palestinienne.
Yasser Arafat a aussitôt téléphoné de son bureau, à Gaza, en présence de Mme Albright, au Premier ministre israélien, pour lui annoncer la nouvelle. Ehud Barak s’en est félicité affirmant, selon la radio israélienne, que “cette entente ouvrait une nouvelle page dans les relations israélo-palestiniennes.”
 

Poignée de mains chaleureuse entre 
les deux signataires, pendant que 
les trois “témoins” applaudissent.

A Alexandrie, le secrétaire d’Etat américain
rencontre le président Hosni Moubarak.
SIGNATURE À CHARM EL-CHEIKH
Samedi 4 septembre, peu après minuit, dans l’un des hôtels de la fameuse station balnéaire de Charm el-Cheikh, au bord de la mer Rouge dans le Sinaï, MM. Barak et Arafat ont signé le mémorandum d’application, en présence du président égyptien Hosni Moubarak; du roi Abdallah II de Jordanie et, bien entendu, de Mme Albright. Tous les trois ont parafé l’accord en tant que “témoins”.
L’accord signé porte un titre officiel assez long et complexe: Mémorandum sur l’application et le calendrier des obligations en suspens des accords signés et reprise des négociations sur le statut permanent”. Il comporte les principales clauses suivantes:
1- Négociations sur le statut final des territoires, qui doivent reprendre au plus tard le 13 septembre et aboutir à  un accord dans un délai d’un an.
2- Retraits militaires israéliens en trois étapes d’ici au 20 janvier 2000. A la fin du troisième retrait, les Palestiniens administreront 11% de la Cisjordanie, en plus des 29% actuels.
3- Libération des prisonniers: Elle se fera en trois étapes: 200 le 5 septembre (mais) l’application de cette étape a été retardée de quelques jours; 150 le 8 octobre et un nombre indéterminé en décembre qui sera décidé par une commission.
4- Mesures unilatérales: les parties renoncent à commettre des actions ou à prendre des mesures unilatérales qui peuvent changer le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Les autres clauses concernent “les mesures de sécurité” que doit adopter l’Autorité palestinienne, la question des “personnes déplacées” à étudier en commission à partir du 1er octobre, à cette même date, doit démarrer aussi la construction d’un nouveau port à Gaza; une route sera ouverte pour permettre “le libre passage” de Gaza vers Hébron, à travers le territoire israélien.
 

A Jérusalem, Mme Madeleine Albright
s’entretientavec le Premier ministre Ehud 
Barak, afin de mettre au point l’accord de 
Charm el-Cheikh.

A Gaza, le chef de l’Autorité palestinienne
Yasser Arafat téléphone à Barak en présence
de Mme Albright pour donner son accord.
ACCUEIL FAVORABLE ET SATISFACTION
Médiateur incontournable, jouant un rôle de plus en plus actif dans les négociations israélo-palestiniennes, le président égyptien exprime l’espoir que “l’application de cet accord se fera rapidement et sans trop de handicaps”. Pour Mme Albright, l’accord de Charm el-Cheikh “marque un nouveau début, car l’esprit de partenariat entre Israéliens et Palestiniens, absent ces dernières années, est présent aujourd’hui. Il faut le maintenir en surmontant les obstacles qui vont surgir lors des négociations sur le statut final et avancer dans l’esprit de partenariat né avec l’accord d’Oslo.”
Ehud Barak qui signait son premier document depuis son accession au Pouvoir, affirme que l’avenir du processus de paix dépendrait de la “bonne volonté, des consultations et, par-dessus tout, d’une direction déterminée. Il salue Yasser Arafat “qui, dit-il, est un leader déterminé à protéger les droits de son peuple mais engagé, aussi, à la recherche constante de la paix”.
De son côté, le chef de l’Autorité palestinienne déclare: “Je tends la main à M. Barak, mon nouveau partenaire dans le processus de paix et nous lui disons que nous sommes prêts à reprendre la fondation d’un partenariat israélo-palestinien et à coopérer sans cesse pour la paix. C’est notre grand pari et défi.”
Le monde occidental accueille avec satisfaction l’accord de Charm el-Cheikh. A peine est-il signé, que le président Bill Clinton adresse ses félicitations à MM. Barak et Arafat. Paris, Londres, Moscou, Berlin, Madrid, Vienne... expriment leur satisfaction, leur espoir, ainsi que le secrétaire général des Nations Unies. S.S. Jean-Paul II parle de “rayons de lumière réconfortants”.


Rencontre à Damas entre le président
syrien Hafez Assad et Mme Albright,
sans résultat fructueux, en apparence.

RÉACTIONS HOSTILES
L’accord de Charm el-Cheikh n’a pas été toutefois, accueilli unanimement de façon positive. En effet, il a suscité des réactions négatives et même hostiles. Les Fronts populaire et démocratique de libération de la Palestine dirigés, respectivement, par Georges Habache et Nayef Hawatmeh, opposés aux accords d’Oslo, mais qui ont entamé récemment un dialogue avec Yasser Arafat, ont catégoriquement dénoncé ces arrangements et une politique de “bradage des droits palestiniens.”
Pour Téhéran, aussi, “cet accord bafoue les droits des Palestiniens, accorde des concessions aux Israéliens et satisfait leurs exigences légitimes.”
Dans les territoires occupés, le mémorandum a suscité des remous. Des parents de détenus palestiniens en Israël ont manifesté, reprochant aux négociateurs palestiniens d’avoir accepté “une série de conditions israéliennes”, dont l’exclusion de la libération de prisonniers originaires de Jérusalem, de militant du “Hamas” et du “Jihad islamique”. Quant au guide spirituel du “Hamas”, cheikh Ahmed Yassine, il a déclaré: “Cette nouvelle version de Wye est inacceptable”, déclarant aux journalistes de son domicile à Gaza: “Assez de concessions palestiniennes à Israël et aux pressions américaines qui ne servent que la sécurité d’Israël. Tout ce qui a été pris par la force ne peut être récupéré que par la force.”
L’accord de Charm el-Cheikh a, surtout, été entaché par deux attentats à la voiture piégée perpétrés dans l’après-midi du dimanche 5 septembre: l’un à Tibériade et, l’autre, à Haïfa au nord d’Israël. Les seules victimes de ces actes de sabotage ont été leurs auteurs qui ont été identifiés; il s’agit d’Arabes israéliens originaires de villages du nord d’Israël. Le fait qu’il ne s’agisse pas de Palestiniens infiltrés des territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne, conforte la position de M. Arafat qui s’est engagé à lutter contre le terrorisme.
 

Ariel Sharon qui vient d’être 
élu à la tête du Likoud (opposition 
de droite), a qualifiéde “faillite morale” 
la libération de 350 prisonniers palestiniens.
 

Nabil Chaath, ministre palestinien de
la Coopération internationale, s’est rendu
pour une tournée en Europe, afin d’obtenir 
l’appui de la C.E. dans la phase actuelle 
du processus de paix.
ALBRIGHT À DAMAS
Venant d’Israël, Mme Albright a eu des entretiens à Damas, le samedi 4 septembre, avec son homologue Farouk el-Chareh; puis, avec le président Hafez Assad. Le porte-parole de la présidence, M. Gebran Kourié, a déclaré qu’au cours de la rencontre, le président Assad a exprimé la disponibilité de la Syrie à reprendre les négociations là où elles s’étaient arrêtées en février 1996. Il a ajouté que l’entretien a porté sur le processus de paix, les contacts en cours pour le relancer, au niveau des partenaires et du parrain américain.
De son côté, le chef de la diplomatie syrienne devait affirmer: “Nous nous attendions à ce que Mme Albright, après sa visite en Israël, amène avec elle de bonnes nouvelles pour la relance du processus de paix. Nous espérons toujours que ces nouvelles viennent par la suite, car, tel que nous l’avons déjà dit, la position de la Syrie est claire: nous croyons en une paix juste et globale. Cette paix peut se réaliser en quelques mois, s’il y a de bonnes intentions des deux côtés.”
Quant à Mme Albright, elle devait affirmer: “Nous avons devant nous une chance. Espérons que la lumière qui a brillé avec l’accord de Charm el-Cheikh puisse éclairer toute la région.”
De fait, la visite du secrétaire d’Etat américain à Damas; puis, à Beyrouth (voir par ailleurs), ne semble pas avoir porté les fruits que Washington en escomptait. Aucun calendrier de reprise des négociations des volets syrien et libanais n’a été décidé, les parties israélienne, syrienne et libanaise campant sur leurs positions.
La presse syrienne s’est faite l’écho de l’absence de résultats apparents de cette visite et exprimé sa déception. Le quotidien “Al-Baas”, organe du parti au Pouvoir, écrit: “Mme Albright est arrivée à Damas venant d’Israël, sans apporter des propositions bien définies. Il est clair qu’elle n’a pas obtenu de Barak un engagement sur une reprise des pourparlers au point où ils s’étaient arrêtés.”
Le journal estime “qu’une solution juste et globale reste encore lointaine”.
 
MOUBARAK LEGEREMENT BLESSE PAR UNE TENTATIVE D'ASSASSINAT
Lundi 6 septembre, au moment où le convoi du Raïs passait dans les rues de Port-Saïd, un homme muni d’une arme blanche, s’est jeté sur la voiture présidentielle, alors que le chef de l’Etat saluait la foule, le blessant légèrement à la main.

La garde a répliqué tuant l’assaillant sur le coup. L’agresseur a été identifié: il s’agit d’un marchand ambulant âgé de 40 ans, connu des services de police pour des activités criminelles et pour vol.
Dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur a précisé que “l’agresseur n’avait aucun lien avec les organisations islamiques et qu’il représentait un caractère impulsif et irrationnel.”
La blessure légère du président Moubarak ayant été soignée sur- le-champ, il a poursuivi sa visite et prononcé un discours retransmis, en direct, à la télévision. 

PAR NELLY HELOU

Home
Home