Depuis plusieurs
années, des artistes plasticiens utilisent des ordinateurs comme
moyen de création. Ainsi, Miguel Chevalier, le défricheur
de “l’Art numérique” crée lui-même, depuis plus de
vingt ans ses propres logiciels. Il a même développé
de nouvelles techniques de projection, utilisant à la fois: ordinateurs,
écrans géants et vidéo-projecteurs pour créer
des images tridimensionnelles, en mouvement et interactives.
Cette technologie moderne, qu’il maîtrise parfaitement, lui a
ouvert un champ d’exploitation énorme. Grâce aux nouvelles
puces électroniques, qui sont en train de reléguer dans les
placards les anciennes unités centrales de traitement, il peut représenter
et explorer des effets visuels très complexes.
Le projet “d’exposition/installation”, que Miguel Chevalier présente
à Beyrouth, comporte quatre créations liées à
une réflexion globale sur le problème des villes, aujourd’hui,
leur croissance et la prolifération des banlieues.
La plus grande des créations intitulée “Mémoires
et Mutations” est réalisée en grande partie sur place avec
la collaboration d’un groupe d’étudiants de l’Ecole de cinéma
et de réalisation audiovisuelle et de l’Ecole des Arts plastiques
à l’ALBA. Un tournage est réalisé sur place, dans
divers quartiers de la ville et l’ensemble sera remixé. Il s’agit
de créer une vidéo constituée d’images réelles
de l’ancien Beyrouth, mélangées à des images du grand
chantier de la “reconstruction”.
D’après Miguel Chevalier, aujourd’hui on ne peut plus seulement
penser en termes d’images fixes; il faut introduire dans l’expression d’une
ville comme Beyrouth, placée sous le signe du mouvement, les notions
fondamentales de mobilité, de circulation, de déplacement.
BEYROUTH, PLAQUE TOURNANTE ET CARREFOUR DE
CIVILISATIONs
En effet, l’histoire de Beyrouth montre comment cette ville, à
la frontière de l’Occident et du Moyen-Orient, est une sorte de
plaque tournante, de carrefour de civilisations. Hier, la guerre et, aujourd’hui,
sa reconstruction modifient complètement sa structure urbaine et
ses quartiers.
Miguel Chevalier affirme que les modes d’expression traditionnels -
peinture, photographie - ne suffisent plus, aujourd’hui, à exprimer
cette mutation si particulière.
Ainsi, pour créer une œuvre forte, capable de raviver la mémoire
de ce qui a été et de ce qui reste de Beyrouth, il a imaginé
dans la nef de la Fabrika (Imprimerie catholique), un espace de “peine-ombre”
où les visiteurs pourront voir un immense écran en diagonal,
tendu entre sol et mur, sur lequel seront projetés des fragments
de mémoires mélangés avec le paysage actuel, sa topographie.
L’ensemble de ces images seront de nature à générer
un maillage cybernétique où l’espace est perçu entre
réalité et simulation. Il devient, ainsi, un espace transformable
sans cesse recréé par l’imaginaire, métaphore de cette
ville en mutation et des grands changements qui la modifient en profondeur.
Les spectateurs pourront aller sous l’écran translucide ou monter
sur la mezzanine, pour avoir une vision géographique et aérienne
à l’image des cartes satellites.
Fait à noter: les trois autres œuvres sont des créations
qui vont être adaptées par rapport au lieu. Elles viendront
en complémentarité de la nouvelle installation: “Mémoires
et Mutations”.