Editorial



Par MELHEM KARAM 

LES IMMUNITES A L'ORDRE DU JOUR: LEURS EXIGENCES ET LEURS OBLIGATIONS

Le sujet de l’immunité, plutôt des immunité, est à l’ordre du jour. Du moment qu’une telle cause a été posée, elle doit être un droit pour quiconque traite les affaires de tierces personnes.
Quiconque les traite a droit à l’immunité: le député quand il légifère; le médecin lorsqu’il opère; l’avocat quand il plaide devant un tribunal, le journaliste lorsqu’il publie une nouvelle et la commente... et tous ceux qui traitent les affaires de tierces personnes.
Ce qui nous incite à parler de ce sujet, en le considérant comme étant d’actualité et présent en permanence dans la pensée, c’est la grève des médecins et, surtout, les paroles prononcées par certains d’entre eux à cette occasion. Ces médecins n’ont pu procéder à une action médicale, même préventive, de crainte de s’exposer à des poursuites pénales.
Ces propos sont graves, leur gravité étant similaire à celle de la grève elle-même. Car la grève des médecins n’est pas permise, en principe, parce que la maladie n’attend pas; elle peut surprendre en permanence chaque jour, à toute heure et toute seconde. Et la maladie qui se déclare d’une façon subite, exige une intervention aussi rapide de la part du médecin. C’est pourquoi, il est interdit aux membres du corps médical de se mettre en grève.
Ceci dans le principe, naturellement. Mais si le médecin est frappé de quelque frustration flagrante, il a le droit de recourir à tout moyen pacifique lui permettant de défendre son droit.
Mais est-il permis que l’homme devienne un numéro, comme c’est le cas aujourd’hui dans certains de nos hôpitaux?
L’homme est devenu un numéro entre les mains du médecin, un “inconnu” entre les mains du pharmacien et pour la communauté médicale dans son ensemble.
Nous ne demandons pas de l’hôpital, ni du médecin de connaître le nom du malade, de sa famille, du village ou du quartier où il habite. Cependant, nous demandons et c’est un droit pour l’homme, que le patient ne soit pas un numéro vidé de son humanité.
Cela ne signifie pas, par le fait même, que la main du médecin soit liée chaque fois qu’il traite un malade. Mais, et nous disons cela dans le cadre de la réclamation de l’immunité, il n’est pas permis de demander au patient ou à ses parents, s’il est incapable d’écrire ou de signer, d’assumer la responsabilité de tout médicament qui lui serait administré; de toute opération chirurgicale qu’il pourrait subir et de toute formalité le concernant, sans que l’hôpital et le médecin soient responsables du médicament et du traitement; autrement dit, d’innocenter le médecin à l’avance, même s’il venait à commettre mille erreurs par la suite.
Nous ne sommes pas contre les immunités, dont celle du médecin. Mais, d’une manière qui ne soit pas moins dangereuse, nous réclamons une immunité pour le malade, le mettant à l’abri de la négligence, de l’indifférence et de la légèreté.
L’homme que Dieu a créé à son image et à son modèle, ne doit pas être sous la dépendance de qui que ce soit, surtout d’un homme comme lui, quand il met son sort entre ses mains. Ni d’un homme semblable à lui, ni de la matière.
De là, nous nous sommes inquiétés face à l’allégation qui place l’homme sous la dépendance de la matière, pour être, en définitive, la plus généreuse des créatures.

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La mondialisation est devenue générale ou dans l’étape préliminaire à le devenir. A l’instar de la privatisation, car le rôle de l’homme a commencé à se retrécir, face à l’évolution de la matière et de la machine, au point de devenir un petit employé auprès d’elles. Le cerveau humain qui n’a pu, jusqu’à ce jour, travailler plus que dans la proportion de 3% de ses capacités, même avec Socrate et Einstein, lui est-il permis d’inventer un pouvoir matériel et de l’imposer aux êtres humains?
Des millions d’années après avoir acquis la possibilité de parler et 30.000 années après être parvenue à écrire, l’humanité progresse sur la voie de la recherche de l’homme aux dépens de ce qui a été créé, à l’effet d’utiliser cet homme pour son bien.

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De la philosophie? Quelque chose de cela, peut-être. Cependant, la philosophie cesse d’être utile, le jour où elle s’éloigne de l’homme et des affaires terrestres, car la philosophie vise à élever les choses de la terre à un niveau sublime.
Les immunités sont quelque chose de la philosophie des faits et du fait quotidien qui s’impose sur le cycle de cette planète mobile.
Toujours est-il que les immunités étant quelque chose de la philosophie, ne peuvent aller jusqu’au point de confier à un homme la vie d’un autre homme et son destin. Car en cela, elles s’insèrent dans le cadre du préjudice et s’excluent du cadre de l’utilité pour lequel elles ont été instituées. 

Photo Melhem Karam

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