CANDIDAT AU POSTE DE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE BEYROUTH
LE Dr EDMOND NAIM: "JE NE SUIS MEMBRE D'AUCUN PARTI ET J'AI
DEFENDU LE Dr GEAGEA AU NOM DE L'EGALITE DEMOCRATIQUE"

Sommité juridique, éternel jeune homme alerte et musclé au propre comme au figuré (il fit longtemps de la lutte libre!), le Dr Edmond Naïm reste, sans doute, un grand gaillard au Barreau et dans la vie.
Né à Chiyah, fils de feu Wadih Naïm qui fut député, ministre et membre du Barreau, quatre fois bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth, Edmond Naïm a, lui aussi, un palmarès impressionnant: professeur de droit après une licence et un doctorat de l’Université Saint-Joseph, doyen de la faculté de droit de l’Université libanaise; puis, recteur de l’UL pendant de longues années; gouverneur de la Banque Centrale de 1985 à 1992, il se porte aujourd’hui, à la demande de nombreux de ses confrères - qui ont signé une pétition à ce sujet - candidat au poste de bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth. Une première!
 
 

Votre candidature au poste de bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth est proposée par plus de soixante de vos confrères. Etes-vous, effectivement, candidat et approuvez-vous la démarche des membres du Barreau?
Certains confrères que je remercie, vivement, ont d’eux-mêmes, présenté ma candidature par une pétition signée par plus de 60 avocats conformément au statut de la profession, en vertu d’une loi. Depuis deux ou trois jours, j’ai acquiescé à la demande de mes collègues et présenté ma candidature. C’est un honneur pour moi d’être plébiscité par eux.

Près de six mille avocats sont inscrits au Barreau de Beyrouth. Vous sentez-vous encore capable d’assumer cette lourde responsabilité?
Bien sûr, je n’ai jamais eu peur des responsabilités. Ma vie en est jalonnée. D’ailleurs, vivre sans responsabilités est sans saveur. Depuis que j’étais écolier chez les Pères Jésuites, je me suis toujours conduit en homme responsable et c’était, comme toujours, un plaisir pour moi d’assumer de lourdes tâches.

L’âge n’est-il pas pour vous aujourd’hui un handicap?
Vous le savez peut-être: je suis né à Chiyah le 5 septembre 1918. J’ai déjà quatre-vingt-et-un ans passés. J’ai fait dans ma jeunesse de la lutte libre et pratiqué plusieurs autres sports: le football, le basket-ball, les échasses, le volley-ball, le tennis. J’étais, à l’école, le capitaine de toutes les équipes et c’est de mon temps, en 1937 ou en 1938, je ne me rappelle plus, que le collège des Jésuites où j’étais élève, a obtenu la coupe interscolaire de football. C’était la seule et unique fois où les Pères Jésuites raflaient ce trophée. Aujourd’hui, je me sens encore capable de faire de la lutte libre en cas de besoin.

Des rumeurs courent disant que vous êtes le candidat des Forces Libanaises. Est-ce vrai?
Les Forces Libanaises (F.L.) m’appuient, peut-être et, surtout, parce que j’ai défendu le Dr Samir Geagea devant les tribunaux, comme m’appuient - je le présume - d’autres partis. Je les en remercie. Mais tout le monde sait et les F.L. à leur tête, que je ne suis pas membre des F.L. J’ai défendu le Dr Geagea et je continue à le faire en tant qu’avocat au nom de l’égalité qui est la base de toute justice dans une société démocratique.
Pourquoi poursuivre Samir Geagea seul, alors que d’autres - et à leur tête les chefs de la Résistance palestinienne - ont initié des troubles, bien avant 1975 et que, maintenant, ils jouissent de l’amitié des grands? D’autant plus que les Libanais qui ont pris les armes, avec plusieurs Etats arabes, pour défendre la cause palestinienne, sont aujourd’hui poursuivis, soi-disant, parce qu’ils ont, occasionnellement, regardé, en souriant, un leader israélien ou ont pris sur vidéo, en Jordanie, des photos et des déclarations d’Israéliens invités par les autorités jordaniennes.

Le fait pour vous d’être l’avocat du Dr Geagea n’est-il pas de nature à influer sur votre candidature?
Tout le monde sait que bien avant 1948, je défendais déjà la fraternité entre tous les Libanais et même entre tous les Arabes. Je souhaite que le Liban devienne réellement un Etat unitaire dans ses lois et dans la conception de la grande majorité des citoyens libanais à quelque religion qu’ils appartiennent.
Si j’ai défendu Samir Geagea, c’est parce qu’en 1994 il était seul, tout seul et sans appui... et cela ne devrait nullement influer sur ma candidature, cette défense faisant partie de l’exercice de la profession d’avocat.

N’estimez-vous pas votre candidature quelque peu tardive?
Je n’ai pas moi-même présenté ma candidature au départ. Je n’y ai jamais songé, mais des amis et des confrères ont pensé à moi. Ce n’est pas parce que je ne suis pas l’égal de tous les autres candidats, mais c’est parce qu’ils me connaissent bûcheur et travailleur, en plus de toutes les autres qualités dont jouissent les candidats qui sont déjà en lice. Tout en sachant moi-même que je n’ai pas les possibilités matérielles nécessaires me permettant de faire une campagne électorale. Car malheureusement, pour arriver aujourd’hui au poste de bâtonnier, il faut mener une campagne. Par possibilités matérielles, j’entends exclusivement les contacts qu’un candidat doit effectuer. Il le fait souvent, pas toujours, par l’intermédiaire d’un parti politique qui le soutient. Je ne suis membre d’aucun parti politique. Je suis socialiste, il est vrai, mais je ne suis pas membre du parti socialiste progressiste.
Dans ma conception de la société démocratique, j’arbore le drapeau socialiste qui est, pour moi, le drapeau de l’égalité, de la justice sociale et, en conséquence, de la laïcité.
Quel mal François Mitterrand a-t-il fait à la France? Quel mal Lionel Jospin est-il en train de lui causer? Quel mal le lauréat du concours d’agrégation Jean Jaurès, a-t-il fait à son pays?

Quel est votre programme électoral?
Pour avoir un programme, il faut bien se rendre compte de l’état des lieux. A mon avis, les priorités pour un bâtonnier sont de poursuivre la voie tracée par ses prédécesseurs, en y ajoutant une certaine touche personnelle. La première priorité est de maintenir l’Ordre des avocats dans sa dignité et sa puissance morale, de faire obstacle à tout abus de pouvoir de la part de l’autorité, qu’elle soit exécutive ou législative.
Quand on dit vouloir appuyer l’Etat de droit, cela veut bien dire, tout à la fois, s’opposer à l’application abusive des lois et à l’élaboration de lois elles-mêmes abusives. C’est pourquoi, les termes arabes de “Dawlat al Kanoun” (Etat de droit), ne sont pas adéquats, car la loi peut être injuste et “il n’est de pires injustices que celles qui sont faites sous le couvert des lois”.

Quelles sont, d’après vous, les caractéristiques d’un bâtonnier?
Un bâtonnier doit être, pour ses confrères, l’image de la dignité et de la lutte pour les idéaux démocratiques figurant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans tous les pactes de l’ONU qui en découlent. J’aurais toujours devant moi, si je réussis, la nomenclature de tous les droits qui figurent dans la Déclaration universelle, pour suggérer aux responsables l’adoption progressive et la défense de ces droits.
Puissent le Bon Dieu et la chance me permettre d’arriver à cette fin.

NICOLE EL-KAREH

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