Editorial



Par MELHEM KARAM 

LUTTE POUR L'EXISTENCE ET NON POUR LES FRONTIERES
LE ROLE VITAL FRANCAIS DANS LE REGLEMENT EQUITABLE

Le rôle vital français dans le règlement équitable met en relief la France en tant qu’axe de rencontre dans le problème du Proche-Orient. M. Farouk Chareh, ministre syrien des Affaires étrangères, a passé deux heures le 18 septembre au palais de l’Elysée. De même que Ehud Barak, le 22 et Yasser Arafat le 25 du même mois. Hubert Vedrine est devenu ministre des Affaires proche-orientales et effectuera deux visites au Proche-Orient: la première le mènera en Jordanie, auprès de l’Autorité palestinienne et en Israël. Dans la seconde moitié d’octobre, il visitera le Liban et la Syrie.
Le président Salim Hoss avait rencontré son homologue français, Lionel Jospin, à New York. Celui-ci a conféré avec la plupart des chefs des délégations ayant participé aux travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies. Barak a laissé son conseiller pour la sécurité, Dani Yatom, dans la capitale française, pour discuter avec les responsables français le dossier du retrait du Golan.
L’action française émane du président Chirac, personnellement, le président français étant devenu une partie active dans la paix du Proche-Orient, avec le soutien et la bénédiction de l’Administration américaine. D’autant que le palais de l’Elysée est un médiateur jouissant de la confiance du commandement syrien. Chirac a notifié Barak de la nécessité de revenir aux résolutions internationales 338, 242 et 425, pour instaurer la “paix des braves” et parvenir à signer un traité de paix, définitivement, avec le Liban et la Syrie.
La diplomatie française a formulé maintes équations de nature à faciliter les négociations sur les fronts palestinien et libano-syrien. Les principaux points de la négociation sont, premièrement, par rapport aux Palestiniens: le statut final. Il s’agit d’une étape délicate comportant cinq titres: Jérusalem, les réfugiés, les colonies de peuplement, la forme du futur Etat et les frontières. Tous ces points seront pris en charge par des commissions spécialisées et étudiés, dossier après dossier, sur la base du principe de “la terre contre la paix”.
Le commandement français sait que ces négociations seront difficiles et longues; que les listes de Barak et ses rendez-vous temporels pourraient ne pas coïncider avec l’échéance de “l’affrontement” négociatoire. D’autant que dans ces dossiers, l’Histoire s’imbrique avec la géographie, les tractations du conflit, son poids et ses accointances religieuses.
Sur la ligne libano-syrienne, la situation est plus facile par rapport à Paris, parce que le retrait du Golan et l’établissement d’arrangements de sécurité selon les principes de l’équivalence et de l’équilibre peuvent trancher le nœud syro-israélien.
Les Français estiment que le fond du conflit et son essence est la Cisjordanie, où Jérusalem et les colonies sont des blocs de ciment édifiés comme des citadelles sur base de combat, de défense, d’extension et de colonisation difficiles à détruire, parce qu’ils constituent une partie de sa stratégie militaire et cadrent avec la carte de ses victoires dans les guerres qu’il a engagées.
La situation dans le Sud libanais et le Golan syrien est plus facile, car c’est un conflit militaire et un mouvement de troupes non entremêlés comme la question de Jérusalem ouest et la ceinture des colonies.
Sur la ligne libano-syrienne, le président Chirac et Hubert Vedrine, ministre des Affaires étrangères, poursuivent chaque jour les contacts et les développements de la situation négociatoire. Ils sont parvenus à une vision claire, par rapport aux mécanismes pouvant relancer les négociations syro-israéliennes.
Naturellement, les sources de l’Elysée relèvent que Damas pose les priorités historiques: insistance sur la reprise des négociations au point où elles avaient abouti en février 1996, entre les délégations des deux pays, auxquelles s’étaient joints, ce jour-là, le général Hikmat Chéhabi, chef d’état-major syrien et le général israélien Amnon Shahak. Les deux délégations étaient, alors, dirigées par l’ambassadeur Walid Moallem (Syrie) et Raitamar Rabinovich (Israël).
La Syrie insiste sur la paix juste et globale qui restitue les territoires occupés en 1967, sur base du slogan de la conférence de Madrid: “La terre contre la paix” qui constitue l’ombrelle pratique des négociations. Puis, les arrangements de sécurité feront l’objet d’un accord, conformément aux principes de l’égalité et de l’équilibre.
Les sources françaises disent que les paris d’Israël sur d’éventuelles perturbations dans la situation syrienne interne, sont écartés, ne figurent pas dans les comptes des personnes intelligentes ou sont déplacés. Parce que le président Hafez Assad n’édifie pas son pouvoir sur une base tribale individuelle, mais sur des règles institutionnelles ayant acquis une solidité et une immunité au cours des trente années de son commandement.
Le président Assad insiste sur un retrait jusqu’aux frontières du 4 juin 1967; c’est-à-dire de tout le Golan jusqu’aux rives du lac de Tibériade. La Syrie s’oppose à l’installation d’organismes de contrôle sur le mont Hermon (Jabal el-Cheikh) et le mont Barouk, au Liban. Mais pourrait admettre, en contrepartie, que des forces internationales contrôlent l’opération du retrait, en plus des satellites américains.
Ces principes, Paris les a notifiés à Israël qui a répondu par un “oui” à la reprise des négociations au point où elles se sont arrêtées. Il a dit qu’il acceptait de traiter sous l’ombrelle des résolutions 242 et 338. Quant au retrait, il est conditionné par la signature d’un traité de paix, Israël s’opposant au retour des Syriens sur les rives du lac de Tibériade, car ceci le priverait de ressources hydrauliques et insistant pour la conservation de la zone des sources sur les hauteurs du Golan où se trouvent les chutes d’eau, prenant prétexte de son besoin pressant du précieux liquide. Il insiste, également, sur l’installation d’organismes de contrôle sur terre et non dans l’espace.

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Ces conditions israéliennes contradictoires, la diplomatie française œuvre en vue d’en arrondir les angles et de les aplanir, en compréhension avec Washington qui juge Chirac, personnellement, habilité à s’entretenir avec son homologue syrien, étant donné la confiance et la cordialité qui les rapprochent et les protocoles de coopération liant leurs deux pays.
Dans le cadre de cette dynamique diplomatique française, le Liban paraît occuper une place politique. Le chef du gouvernement français, Lionel Jospin, a écouté avec attention l’exposé que lui a fait le président Salim Hoss à New York. Chirac avait été notifié de cette position par le général Emile Lahoud, président de la République libanaise, au sommet de la francophonie à Moncton.
La position se présente comme suit: Premièrement, le Liban s’aligne sur la Syrie et se tient à ses côtés, estimant qu’il n’y a pas un substitut à cette position. Deuxièmement, les retraits doivent être simultanés au Sud et au Golan, dans le cadre d’une formule de règlement unique. Le président Chirac a insisté devant Barak sur les risques du retrait unilatéral du Liban-Sud, sans coordination avec Beyrouth et Damas, tout en exprimant ses craintes des dangers d’un retrait.
D’autant que selon des rumeurs circulant à Paris, l’état-major israélien, sous la présidence du général Chaoul Mofaz, a établi un plan pour un retrait subit du Sud, dans le but d’embarrasser Beyrouth et Damas à la fois. Ce plan prévoit une échappatoire aux effectifs de l’Armée du Liban-Sud qui collaborent avec Israël: il consiste en l’aménagement, à leur intention, de complexes résidentiels près de la Galilée, les membres de l’ALS devant être considérés comme des éléments relevant d’institutions militaires et sécuritaires, alors que l’Etat hébreu facilite l’émigration d’un certain nombre d’entre eux en Europe et en Amérique.
Paris et Washington semblent devoir procéder à une nouvelle lecture approfondie de tous les détails consignés dans les procès-verbaux des discussions entre les délégations syrienne et israélienne. Et ce, dans le but d’élaborer une formule consensuelle dépassant les divergences actuelles, pour dégager des points d’entente et les éléments d’un règlement acceptable par les deux parties, pouvant constituer un cadre valable pour une solution dans le Golan, susceptible de garantir un retrait de toutes ses parties. Et, aussi, de permettre le tracé des nouvelles frontières restituant tout le Golan à la Syrie et sauvegardant les intérêts vitaux d’Israël.
Là réside le grand pari sur la médiation française qui s’emploie à sortir les parties antagonistes du goulot de la bouteille; c’est-à-dire du point délicat et à dégager des données d’un accord répondant aux impératifs fondamentaux de chaque partie. Ceci est plus difficile que la quadrature du cercle, car le conflit, en définitive, entre les Arabes et Israël, porte moins sur les frontières que sur l’existence, avec tout ce que cela comporte d’idéologie, d’économie, de culture et de défis futuristes. 
Photo Melhem Karam

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