ANCIEN PREMIER MIINISTRE
RACHID SOLH: "J'AI CRITIQUE HARIRI PARCE QU'IL
A SURCHARGE LE LIBAN ET LES LIBANAIS DE DETTES"

L’homme se distingue par son intelligence et sa façon personnelle de s’attaquer à ceux qui ne partagent pas ses opinions, sans les blesser, ni porter atteinte à leur dignité et leur renom.
De fait, le président Rachid Solh excelle dans la manière de traiter les problèmes d’intérêt public, de dégager des solutions marquées par le bons sens et l’esprit réaliste, qualités qui apparaissent dans ses réponses à nos questions touchant les questions d’actualité.
 

De la nouvelle loi électorale en cours de gestation, il dit “qu’elle doit se caractériser par son équilibre, car comme c’est le cas dans les pays démocratiques, une telle loi constituant la base dans l’évolution de la vie politique et nationale.
Puis, établissant un parallèle entre ce qu’était l’action politique dans les années quarante, au temps où deux partis dominaient la scène locale: “Ad-Destour” et le Bloc national, le président Solh observe qu’aujourd’hui la situation n’est plus la même, du point de vue des partis et des alliances politiques.
“Pour cela, ajoute-t-il, il faut espérer que le gouvernement parviendra à élaborer une loi électorale assurant la représentation saine de la volonté populaire, loin de l’esprit confessionnel ou sectaire.

DES MOHAFAZATS NON CONFESSIONNELS
Justement, comment con-cevez-vous la nouvelle loi électorale?
Il importe, avant tout, de s’en tenir aux clauses de l’accord de Taëf à l’élaboration duquel j’ai participé. Cet accord prévoit un découpage des mohafazats et des circonscriptions affranchis de tout esprit confessionnel.
Ainsi, le découpage administratif doit être sain. Le citoyen résidant au Mont-Liban, est tenu de se rendre à Baabda pour accomplir ses formalités administratives, alors qu’il peut tout aussi bien le faire à Jounieh, grande ville située à mi-chemin entre les divers cazas du district. De cette manière, nous rendrons service aux citoyens, tout en assurant mieux l’intérêt public au triple plan politique, administratif et national.
Partant de là, j’imagine qu’on peut partager le Mont-Liban, après mûre étude, en deux ou trois mohafazats.

Et quel système électoral adopter dans ce cas?
Celui de la proportionnelle, celle-ci étant de nature à garantir une meilleure représentation de la volonté populaire. En effet, au cas où deux listes s’affrontent aux élections, celle qui obtient 60% des suffrages n’accapare pas tous les sièges. Celle qui recueille 40% des voix a, également sa part, proportionnellement au nombre des voix.
Naturellement, l’adoption d’une telle formule se heurte à maintes difficultés qu’il faut surmonter et j’espère que le gouvernement parviendra à les aplanir.

Comment concevez-vous le découpage de Beyrouth?
Je ne pense pas que le découpage adopté dans les années soixante-dix était valable, parce qu’il plaçait les électeurs d’une même couleur d’un côté, face aux autres. Mon gouvernement a pris l’initiative d’unifier la capitale, électoralement. Malheureuse-ment, ma décision a provoqué le boycottage du scrutin par une large frange de l’électorat.

POUR LE DÉCOUPAGE DE BEYROUTH EN DEUX ZONES
Actuellement, êtes-vous pour l’unification de Beyrouth ou son découpage et sous quelles formes?
En principe, je préfère qu’elle soit unifiée. Si on devait la découper, que ce soit différemment de ce qu’elle était précédemment, en la partageant en deux circonscrip-tions: celle du côté nord englobant les zones donnant sur la mer; et la zone sud.
De cette manière, l’électorat sera formé de citoyens de différentes communautés. Puis, il importe de satisfaire la volonté de la majorité des électeurs qui souhaitent des élections propres, placées à l’abri des pressions et de la puissance de l’argent.

Si on vous proposait de former un Cabinet chargé de superviser les prochaines législatives, accepteriez-vous l’offre?
Cela dépend de la demande qui me sera faite. Je remercie tous ceux qui m’avaient accordé leur confiance en 1992, en me chargeant de superviser les élections de l’époque. Sans le boycottage du scrutin, ce dernier se serait déroulé dans les meilleures conditions. Je souhaite que les législatives de l’an 2000 ne soient pas boycottées.

Vous avez assumé, à deux reprises, les charges de la présidence du Conseil. Comment évaluez-vous la gestion de l’actuel Cabinet?
Je respecte beaucoup le président Salim Hoss et son Cabinet, naturellement. Mais on ne peut ni ne doit exiger de cette équipe ministérielle davantage que ce qu’elle peut donner.

Vous aviez refusé votre confiance au président Hariri...
J’ai accordé la confiance à l’ancien Premier ministre quand j’étais membre de l’Assemblée, ce qui ne m’a pas empêché de critiquer certaines de ses initiatives, surtout sa politique d’endettement. Je respecte le président Hariri, mais j’estime qu’il a surchargé le Liban et les Libanais de lourdes dettes. Beaucoup d’autres que moi l’ont également blâmé pour avoir suivi une telle politique.

Est-il possible, comme d’aucuns le rapportent, que les dettes du Liban seraient annulées dès la signature d’un traité de paix avec Israël?
Une telle éventualité ne doit même pas effleurer notre imagination, car nous ne devons pas laisser aliéner notre liberté d’action et de décision. Nous devons obtenir l’application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité qui exige le retrait inconditionnel d’Israël.

Que pensez-vous de l’implantation et par quels moyens, à votre avis, peut-on empêcher sa concrétisation aux dépens des pays d’accueil?
J’ai déjà rejeté l’implantation dans le fond et la forme. Je m’y oppose pour la simple raison qu’elle nierait le droit du retour aux Palestiniens à leurs terres. Ceux-ci ne peuvent être privés de ce droit sacré. Puis, les Libanais, toutes communautés et tendances confondues, ont proclamé leur soutien à la Résistance. Le président de la République, les présidents de la Chambre et du Conseil, de même que l’Assemblée nationale ont adopté une position honorable envers le Liban-Sud et la Békaa-ouest, tout en s’attachant à la concomitance des volets libanais et syrien dans les négociations de paix.

Dès l’élection du général Emile Lahoud, vous avez soutenu le nouveau régime. Votre soutien est-il aussi ferme qu’il y a un an?
J’ai appuyé le président Lahoud et je continue à le soutenir, car il a réussi dans les missions qui lui incombent, ce qui a assuré un climat de stabilité au peuple. De plus, il œuvre dans la transparence et est déterminé à édifier l’Etat des institutions. Il parviendra à son but, d’autant qu’il persiste dans sa coopération avec la Syrie.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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