Avez-vous eu des difficultés avec les acteurs?
J.H.: Trouver les acteurs a été difficile, car
on avait vingt-trois rôles principaux et le casting a été
long. Notre choix fait, le travail a été assez agréable.
Pendant plusieurs semaines, on faisait des répétitions ensemble,
chacun retravaillant son personnage. Tout le monde était à
l’aise.
K.J.: Durant les répétitions, les acteurs ont
donné beaucoup d’eux-mêmes. Les dialogues étaient très
bien écrits dès le début, alors chaque acteur comme
Hassan Farhat a apporté des expressions à lui que je ne connaissais
pas et qui ont donné de la matière. Tous ont travaillé
véritablement leurs personnages. C’était génial!
Combien vous ont pris de temps la préparation et la réalisation
du film?
J.H.: Trois mois pour le script; puis, quand on a fini par trouver
notre producteur, Edouard Mauréat, on a recherché pendant
six ou neuf mois le financement. Et on est revenu en mars à Beyrouth
pour faire le décor, le repérage des lieux, le casting et
l’équipe technique. Le tournage a débuté en août.
Où vous avez tourné?
K.J.: On a tourné presque un mois à Wadi Abou-Jmil
dans le quartier de SOLIDERE. Toute notre décoration, tout notre
travail ont été montés dans un endroit non habité.
On a fait tout un studio, puisqu’on voulait faire un quartier populaire
vivant avec une maison rose.
Pourquoi “rose”?
J.H.: D’abord, parce qu’il y avait une petite ironie dans le
titre; les couleurs aussi sont un peu bleues, jaunes pour trancher avec
ce qui se passe, en général, dans le cinéma ici, sombre
et panoramique. On voulait rattraper un peu la situation d’après-guerre
à Beyrouth où tout le monde dit que tout va bien.
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Il ne suffit pas qu’on ait l’histoire et le style pour faire un film
quand on n’a pas les moyens. Est-ce que la coproduction est une solution?
J.H.: La coproduction impose des contraintes au niveau de la
langue et de l’équipe. L’idéal serait de produire, à
travers ce système, mais en ayant signé des accords de coopération
avec ces pays-là.
K.J.: Nous, par exemple, étions obligés de sortir
une autre version en France qui passera sur Canal+.
Votre budget s’élève à combien?
J.H.: Nous avons un budget d’un peu moins d’un million de dollars,
ce qui est peu pour un film.
Que faire pour empêcher la disparition du cinéma national?
J.H.: Il existe beaucoup de solutions, comme le fond de soutien
du ministère; ensuite, la participation des télévisions
avec des montants qui encouragent les autres pays à mettre de l’argent.
Comment évaluez-vous le festival et vous attendiez-vous à
beaucoup plus?
J.H.: On est déjà content qu’il y ait ce festival
qui est un beau tremplin pour le film. Cependant, on le souhaitait plus
compétitif, avec une plus grande présence étrangère,
notamment des journalistes.
AVENIR DU CINÉMA INDÉPENDANT
Etes-vous pessimiste ou optimiste quant à l’avenir du cinéma
libanais?
K.J.: Je suis pessimiste tout court. Aujourd’hui, l’industrie
américaine gère le cinéma. Un type comme George Lucas
veut changer même le support cinématographique. Il existe
une concurrence au niveau du marketing et non de la qualité des
films. Il y a des productions américaines intéressantes,
mais l’important est que d’autres productions puissent exister, surtout
au niveau du territoire et du contexte. Le cinéma italien a presque
disparu.
J.H.: Je pense qu’il faut absolument continuer à travailler
dans la qualité, d’écrire de bons scénarios et d’encourager
le cinéma libanais dans les pays arabes, en Europe, dans certains
milieux américains.
D’abord, il faut lancer l’intérêt comme dans le cas du
cinéma iranien. Autre chose qui va encourager les films d’auteurs:
le digital qui permet de tourner un film avec beaucoup moins de moyens
et beaucoup plus de liberté. Les cinéastes libanais doivent
profiter de cette chance.
Comment défendre l’exception culturelle face à l’hégémonie
américaine?
K.J.: L’exception culturelle est, d’abord, une décision
politique. On pense, immédiatement, à la France qui travaille
dans ce sens. Il faut essayer d’influencer un peu le goût du public
qui, lui, tranche à la fin.
Préparez-vous, actuellement, un autre film?
J.H.: On prépare un long métrage. On est en phase
finale de l’écriture; puis, on a aussi des films plus légers,
ainsi que des documentaires.
Votre film est-il sorti à l’étranger?
K.J.: Il est en deuxième semaine au Canada. Il sortira
en France le 15 décembre. Au Brésil, on discute encore avec
un distributeur. Le film fait sa tournée, c’est déjà
bien.
Et pour la télévision?
J.H.: En France, il passera à la télévision
sur Canal+. Au Liban, on est encore en discussion, mais je pense que la
LBCI aura les droits de diffusion.
L’Academy of Motion Pictures a invité 75 pays à présenter
leur candidature pour l’Oscar du meilleur film étranger. Y participerez-vous?
K.J.: Oui. Notre producteur a envoyé notre demande il
y a déjà un mois au ministère de la Culture et de
l’Enseignement supérieur et au Centre national du Cinéma.
Il faut aussi que la commission qui sélectionne les films aux Oscars
se réunisse pour décider d’envoyer le film, mais c’est assez
pressé, car il faut qu’elle donne sa réponse avant le premier
novembre, dernier délai pour présenter sa candidature.