Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
SAUVE QUI PEUT
Je ne sais pas comment nos ancêtres des cavernes se débrouillaient pour survivre parmi les mammouths, dinosaures stégosaures, tyrannosaures et autres bestioles en “saure”, lâchés librement dans la nature. Sans compter les cyclones géants, les raz-de-marée titanesques, les monstrueux bouleversements géologiques.
Je ne sais pas non plus comment nous, après des millions de siècles d’évolution, nous nous arrangeons pour survivre dans ce Liban du XXIème siècle, que certains rêveurs attardés ont surnommé “la Suisse du Moyen-Orient”. Ce que je sais par contre, c’est que si les mammouths ont disparu, les tyrannosaures sont toujours là, ainsi que les inondations. Et, évolution oblige, nous y avons ajouté les chauffards et les incendies, ces ahuris des cavernes n’avaient pas encore eu l’idée de frotter deux silex l’un contre l’autre pour découvrir le feu.
Il serait erroné de voir dans cet avant-propos purement scientifique, une quelconque allusion à notre gouvernement. Malgré l’incurie généralisée et l’indifférence totale aux problèmes des pauvres diables que nous sommes, nous n’accusons pas nos dirigeants d’avoir provoqué les inondations, fait pleuvoir de la grêle, allumé des incendies et incité les chauffards à écraser les piétons.
Il convient d’avouer, aussi, que des pays autrement plus évolués que nous et possédant bien plus de moyens sont encore plus que nous le théâtre de ce genre de catastrophes. Mais qu’en est-il, chez nous, sur le plan de la prévention, à part faire des vœux pieux pour que la Providence s’en charge? Qu’en est-il des moyens de sauvetage?
Il y a à peine quelques jours, un homme est mort à Mousseitbé, au cours des dernières inondations: électrocuté par un câble de haute tension balançant dans l’eau. Sans parler des milliers de sans-abri et des petits  commerces complètement ravagés. Faute d’avoir, aux unes et autres, porté secours à temps, nos responsables ont nommé une commission d’enquête. Et chacun sait qu’au Liban nommer une commission d’enquête ou d’étude signifie procéder à un enterrement à la sauvette, c’est-à-dire dans la plus stricte intimité des oubliettes de l’administration.
Autre malédiction céleste (?) les incendies. Qu’a-t-on fait pour y remédier ou même les combattre? Nous nous contenterons à la rigueur, des services de nos pompiers qui sont des héros méconnus, vu les risques qu’ils prennent malgré la vétusté de leur matériel, le nombre ridiculement réduit de leurs voitures et un salaire qui leur suffit à peine pour mourir de faim. Nous nous en contenterions donc si ces braves gens n’arrivaient pas sur les lieux du sinistre, les citernes vides, comptant sur l’habitant pour les remplir, lequel habitant monte la garde deux jours sur trois devant ses robinets secs.
Qu’en est-il des incendies monstrueux qui, pour cette année seulement, ont dévasté une cinquantaine de forêts? Quand on songe que malgré les vingt milliards de dollars dépensés par les précédents gouvernements (dont certains par mégalomanie et d’autres pour remplir les poches des bien-en-cour), ils ont trouvé hors de nos moyens d’acheter ou même de louer un Canadair, on en demeure non seulement pantois mais franchement écœurés.
Ce qui est dit là est loin d’absoudre la quadriplégie des autorités actuelles dans ce domaine. Evidemment, quelques millions de dollars pour un Canadair, ça ferait grimper (mais de combien?) le pourcentage des 38% couvés comme une mère poule par notre grand argentier. Mais la vie des Libanais, la végétation nécessaire à l’air respirable que menace une désertification galopante, sont-ils moins importants que la valse des chiffres du déficit de M. Corm? Devons-nous nous prosterner devant ce nouveau veau d’or et sacrifier nos vies et celle du pays à ce dieu au nom duquel nous harcèlent jusqu’à l’usure le chef du gouvernement et son surchargé de diplômes qui pagaie bravement aux Finances? Et quand (je parle dans l’absolu) le Liban et les Libanais auront disparu comme le diplodocus, à quoi servirait un budget équilibré ou même excédentaire?
Quant aux chauffards, il ne s’agit peut-être pas là d’une catastrophe naturelle, mais plutôt surnaturelle, dans la mesure où elle est apocalyptique. Il n’en demeure pas moins que si, faute de pouvoir mettre ces énergumènes hors d’état de nuire, on prévoyait au moins un moyen pour sauver les victimes qui respirent encore. La Croix-Rouge fait ce qu’elle peut. Mais comme le veut l’adage “une seule main n’applaudit pas”. De plus, avec les embouteillages monstres qui, presque en permanence, rendent nos rues et nos routes impraticables, il est difficile sinon impossible que les victimes arrivent à temps à l’hôpital. Pour cela, il faudrait un hélicoptère, comme ceux de la SAMU en France, par exemple. J’entends d’ici les lamentations de M. Corm!
Vous me direz: à vous en croire, comment restons-nous encore en vie au Liban? Eh! bien, par hasard et c’est encore ce qui pourrait nous arriver de mieux, puisqu’on prétend que “le hasard fait bien les choses”. 

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