Editorial



Par MELHEM KARAM 

LA VISITE DU PRESIDENT CHINOIS EN FRANCE
LES SOLUTIONS LOIN DE L'ELYSEE ET DE RAMBOUILLET

L’événement est perçu par le pays où il se déroule. Comme la réforme et l’épuration à Beyrouth, les élections présidentielles en Tunisie et en Argentine, la visite en France du président chinois, Jiang Zemin, a suscité des remous et fait couler beaucoup d’encre, surtout en raison des grands égards dont l’a entouré “son ami” Jacques Chirac.
Les médias français ont demandé: Si Augusto Pinochet avait visité la France au moment où il était à l’apogée de la présidence chilienne, un accueil aussi chaleureux lui aurait-il été réservé? (Allusion au fait que les deux hommes sont des professionnels de la répression). Cependant, la rencontre des opposants, des dissidents chinois, les porteurs des slogans de “Tian’ Anmen et l’autorisation qui leur a été accordée de manifester sans contrainte, ont créé un climat acceptable digne de la démocratie en France.
Les Etats de l’OTAN et le Conseil de Sécurité décident d’intervenir, militairement, dans des pays dont les habitants endurent la torture et la persécution. C’est ce qui s’est passé en Bosnie, au Kosovo et au Timor oriental.
En contrepartie, des situations rendent tout le monde indifférent, comme au Tibet, en Somalie et en Tchétchénie. La Chine et la Russie poursuivent leur politique dure sans être inquiétées. Nous devons nous rappeler que la Chine représente le sixième du globe et elle est membre permanent du Conseil de Sécurité jouissant du droit de veto.
Il en a coûté aux Français de voir leur président nouer une amitié intime avec son homologue chinois, au point de l’inviter au château de “Bity”, en Corèze. Ils se sont demandé: “Le fait de laisser à la Chine les mains libres dans le commerce en France, n’est-ce pas de la légèreté et de l’improvisation, avant qu’elle offre quelque chose en retour?”. Ils ont blâmé leur président pour avoir dit: “Mon ami Jiang”.
De même, ils ont considéré qu’il n’est ni possible, ni permis de faire de l’opposition une politique d’Etat et de l’anathème le style de relations mondiales.
Cependant, l’affaire du Tibet, de Tian’ Anmen, de Taiwan, le cas des exilés, des organisations non gouvernementales et des minorités, Chirac n’a pu éviter de les soulever, serait-ce sur un ton non dur; c’est-à-dire en des termes qui endolorissent sans blesser, pénètrent dans la chair sans briser l’os. Dans cet esprit a été posée la question des droits de l’homme.
Chirac estime n’avoir à recevoir de leçons de personne dans ce domaine. Au temps où il était maire de Paris, il recevait tous les chefs d’Etat en visite en France qui rencontraient leurs homologues français.
Si le président français a invité son hôte dans son fief, c’est parce que celui-ci a tenu à connaître Chirac sur ses terres, son village natal.
Chirac pense à l’équilibre du monde de demain et à amener la Chine à intégrer le concert des nations. Il voit un monde multipolaire, formé de collectivités complémentaires, régies par un équilibre partant d’une concurrence tranquille, menant la lutte contre l’hégémonie de la Russie et le totalitarisme de la Chine.
La France, médiatrice entre la Chine et l’Amérique? Et pourquoi pas? C’est un rôle séduisant, la connaissance de la Chine par Chirac le chargeant d’une mission magique à la manière de “Sésame, ouvre-toi”.

***

“Sois l’exilé du ciel”, a dit Chirac à Jiang “son ami”, autour du bois brûlant dans la cheminée, plaidant pour une mutation lente, pacifique et ferme, dans un processus visible dès à présent. 
L’endroit n’était ni l’Elysée, ni Rambouillet où ne peuvent être traitées les questions des minorités ou des droits de l’homme et rencontrer des oreilles qui entendent, mais à “Bity” où on peut “ouvrir la porte du labyrinthe et frapper à la porte confectionnée en bois de saule”, comme a dit le poète chinois Tu Fu.
Les manifestants du Trocadero à Paris persistent dans le doute, refusant de croire qu’un “geôlier” peut aimer les arbres, les fleurs et les oiseaux ou que la visite de la campagne a assoupli son caractère.
Par rapport au président Chirac, le problème n’est pas là. Les manifestants ont bien fait et accomplissent leur devoir à sa place. Lui aussi est persuadé de jouer son rôle dans l’intérêt de la paix, des droits de l’homme et des minorités. Ce qui doit lui valoir une récompense.

Photo Melhem Karam

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