DEPUTE DU CHOUF MARWAN HAMADE:
"L'APPEL DE W. JOUMBLATT AU DIALOGUE EST SINCERE ET SERIEUX"

Connu pour être très proche de M. Walid Joumblatt et l’un de ses porte-parole, M. Marwan Hamadé rappelle les prises de position du Front de lutte nationale (bloc parlementaire du parti socialiste progressiste).
Il se prononce en faveur d’une loi électorale assurant une représentation véritable de la volonté populaire et l’intégration nationale - telle que la conçoit le chef de l’Etat. De plus, le FLN ne réclame aucune exception, mais la stricte application de l’accord de Taëf.
En ce qui concerne le “Cabinet des 16”, il estime que le grief qu’on peut lui faire est l’absence de la représentation politique parmi ses membres. Puis, tout en prenant la défense de M. Rafic Hariri (dont il a été ministre de la Santé) il réclame “le rétablissement de l’équilibre dans les relations entre les Pouvoirs”.

Nous l’interrogeons, tout d’abord, sur la trêve politique entre le Pouvoir et ses détracteurs - qui est violée, chaque fois, par la néo-opposition. “Le FLN, assure-t-il, s’est conformé à cette trêve, alors qu’elle a été violée par les loyalistes, ceux-ci ayant pris à partie les opposants, en ravalant la controverse à son plus bas niveau.

On dit que votre bloc parlementaire limite son opposition à la loi électorale. Est-ce exact?
Il est normal qu’un sujet aussi important soit à la base de l’action de tout parti et des forces politiques, la loi électorale étant le fondement du système. Chaque partie a une conception propre quant à la manière d’en élaborer le projet et quant à nous, nous nous en tenons, intégralement, aux clauses de l’accord de Taëf. Autrement dit, nous réclamons une loi égale pour toutes les circonscriptions comportant les deux conditions fondamentales de l’entente, à savoir: une représentation saine et l’intégration nationale.
Nous réalisons au FLN qu’il n’est pas facile d’assurer ces deux conditions dans toutes les régions. Ce qui nous importe, c’est que la législature ne soit pas docile au point de souscrire à toutes les décisions de l’Exécutif.

Vous êtes en faveur de la petite circonscription et le Pouvoir promet d’exclure toute exception de la nouvelle loi électorale. Qu’en pensez-vous?
Nous ne réclamons pas des exceptions, mais en revenant aux procès-verbaux de Taëf, on constate que l’accord qui y a été élaboré ne préconise, nullement, l’adoption du mohafazat en tant que circonscription électorale dans les cinq districts. Il se prononce en faveur du mohafazat après un nouveau découpage administratif.

Le FLN est d’avis, dit-on, de partager la montagne en deux ou trois circonscriptions; est-ce vrai?
Nous sommes ouverts à toutes les propositions dans ce domaine et nous l’avons clairement dit au ministre de l’Intérieur. Rien ne nous a encore été soumis à ce sujet. Naturellement et comme je l’ai déjà dit, nous sommes en faveur d’une formule assurant une véritable représentation de la volonté populaire et l’intégration nationale.
Cette double condition est garantie dans les zones méridionales du Mont-Liban où le mixage politico-communautaire est assuré d’une manière équilibrée.
J’attire l’attention sur le fait que le projet relatif à la décentralisation administrative, prévoit des “unités ou zones administratives”. Il faut demander au ministre de l’Intérieur si ces unités constitueront les mohafazats dont fait mention l’accord de Taëf. Ou bien sera-t-il procédé au regroupement de deux ou trois unités administratives pour en faire une seule circonscription électorale? Nous attendons une réponse claire à cette question.

La décentralisation administrative serait-elle le prélude au découpage des circonscriptions électorales?
Bien que l’article 3 de la loi sur la décentralisation administrative précise que le découpage administratif n’a rien à voir avec la loi électorale, j’estime que c’est le prélude au brouillage des cartes au plan électoral.

D’aucuns rapportent que les rencontres de la délégation du FLN et du PSP avec les Ordres libanais des moines maronites et mariamites auraient été négatives. Est-ce exact?
Ces rencontres avaient pour but de féliciter les nouveaux supérieurs des moines. Ce n’était pas une occasion de discuter en profondeur les questions d’actualité, mais nous avons voulu par cette démarche confirmer le désir de vivre en commun.
Il n’a été nullement question de dualité druzo-maronite, mais d’un rassemblement à l’échelle nationale dont nous faisons partie. Le dialogue sera poursuivi avec les moines, alors que le contact avec Bkerké n’est pas rompu, preuve en est la visite effectuée, dernièrement, au siège patriarcal par M. Ghazi Aridy, conseiller politique de M. Walid Joumblatt.
Puis, les députés membres du FLN assistent en permanence aux messes et aux réunions de Bkerké où ils se rendent fréquemment pour faire part au cardinal Sfeir du point de vue de notre groupe qui n’est pas souvent éloigné du sien sur bien des problèmes.

Y a-t-il du nouveau à propos du dialogue avec Baabda?
Rien n’a été décidé jusqu’ici, mais l’appel au dialogue de Walid Joumblatt est sincère et sérieux. Le chef du PSP attend que les conditions de ce dialogue soient réunies pour l’entreprendre, si l’Etat le veut bien.

Certains lient l’élaboration de la loi électorale et sa ratification à la relance des négociations de paix dans la région. Qu’en pensez-vous?
Je souhaite qu’un tel lien n’existe pas, car les négociations ne semblent pas proches. Puis, on ne doit pas lier un fait intérieur en rapport avec le système démocratique au Liban à des options dont dispose l’ennemi israélien.
Nous souhaitons que les élections aient lieu dans les délais, le Liban devant prouver au monde, comme il l’a fait auparavant, que la conjoncture régionale ne paralyse pas le jeu démocratique dans nos murs.
La loi électorale est complexe; elle ne porte pas, uniquement, sur le découpage des circonscriptions, mais sur tout le mécanisme des élections qu’il importe de rénover, à commencer par la mécanisation du scrutin, l’assainissement des listes d’électeurs, le dépouillement des bulletins de vote, tout en mettant la consultation populaire à l’abri de l’argent et de l’Autorité à la fois. Enfin, les médias doivent accorder la même marge à tous les candidats pour leur permettre d’exposer leurs programmes.

Mais le président Rafic Hariri dispose de la puissance de l’argent!
Rafic Hariri est connu pour ses prestations au double plan pédagogique et social depuis les années soixante-dix, soit vingt ans avant d’avoir posé sa candidature aux élections à Beyrouth. Il a accordé 32.000 bourses ayant permis à des étudiants libanais de poursuivre leurs études universitaires et leur spécialisation. De plus, des dizaines de milliers de nécessiteux et de malades ont bénéficié de l’aide de la fondation Hariri.
Si cela était un crime, les gens de bien devraient renoncer à secourir leurs concitoyens dans le besoin. Je n’établis donc pas de rapport entre les bourses ou l’assistance sociale et les élections, l’action de M. Hariri dans ce domaine remontant à plusieurs années.

M. Walid Joumblatt critique, en permanence, la non-application de l’accord de Taëf. De quoi se plaint-il au juste et quelles clauses dudit accord ne sont-elles pas appliquées?
Le mal réside dans la faiblesse du gouvernement et la non-représentativité politique de la plupart de ses membres. Dans ce cas, l’équilibre est rompu.

Faut-il donc changer de Cabinet?
En fait, il est demandé de rétablir l’équilibre dans les relations entre les Pouvoirs. Il est naturel que le gouvernement n’approuve pas les idées de l’opposition, alors que cette dernière s’emploie à le discréditer. Ceci entre dans le jeu démocratique.

Croyez-vous que le “Cabinet des 16” sera maintenu jusqu’aux élections législatives?
Je l’ignore, mais je crains que la situation empire, si ce gouvernement est maintenu jusqu’aux élections de l’an 2000.

Propos recueillis par
HALA HUSSEINI

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