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DEJA, SAINT BASILE...
Si les promesses sont tenues, nous aurons dans quelques jours une nouvelle loi sur l’enrichissement illicite. Il y a de cela presque un demi-siècle, on avait imaginé, également, qu’on pourrait assainir les mœurs politiques et administratives en élaborant une loi pour forcer les détenteurs d’une responsabilité publique à divers échelons à révéler l’origine de leur fortune. “D’où tiens-tu cela?”, telle était la question qui devait révolutionner la République.
La loi fut faite et naturellement, elle n’eut aucune suite.
On croit pouvoir faire mieux cette fois-ci. On verra bien. En attendant, on pourrait, pour le simple plaisir intellectuel, faire un effort de réflexion.

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On pourrait, par exemple, recourir à quelques références.
Ainsi, en remontant un peu loin, on trouve au IVème siècle, un saint renommé, docteur de l’Eglise, Basile le Grand, évêque de Césarée, dont les homélies sont restées célèbres. Saint Basile dénonçait l’enrichissement illicite. On voit que le sujet n’est pas nouveau. “Tu es riche?... Tu as donc volé. Si ce n’est toi, c’est donc ton père ou quelqu’un d’autre de ton ascendance... A l’origine de toute fortune, il y a un vol”, tonnait le vénérable évêque.
Il posait déjà la fameuse question qui coiffait la loi libanaise de 1954: “N’es-tu pas sorti nu du sein de ta mère?... Tes biens présents, d’où te sont-ils venus?”
On n’ira pas aussi loin, bien entendu, jusqu’à qualifier de vol toute accumulation de capital. Mais on peut y trouver sujet à méditation, en particulier sur la vanité de tout espoir de changement des mœurs. Voyez donc, aussi, dans la même veine, un Karl Marx, docteur d’un autre type d’église et comparez avec la Russie d’aujourd’hui, dont sa doctrine a fini par accoucher, devenue territoire privilégié de toutes les maffias.
Pour Saint Basile, il ne s’agissait alors que de l’usure, de l’avarice et de l’inégale distribution des richesses. Puis, il y eut dans le même souci de justice sociale, les encycliques de Benoît XIV (1754), de Pie IX (1863) et de Léon XII (1891, Rerum novarum).
Il ne s’agit pas aujourd’hui d’ambitions aussi vastes, ni de philosophie sociale. On ne se soucie que de placer des garde-fous à la corruption des fonctionnaires d’autorité et de détenteurs de pouvoirs politiques.
La tâche n’est pas plus simple. Dans un tel domaine, on aura beau prévoir toutes les hypothèses de détournement de la loi, l’application des textes et les procédures de sanction resteront aléatoires. Les liens de parenté et les relations politiques constitueront des obstacles difficiles à surmonter. Le triomphe de la vertu n’est pas une préoccupation sérieuse dans le milieu politique.
On ne perd rien à essayer? Peut-être. Mais il y a, aussi, des inconvénients certains à soulever de faux espoirs. La démagogie sur le thème de la vertu est peut-être la pire de toutes.

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La vertu n’est pas affaire de loi. C’est un problème d’éducation.
Quand on aura fait un effort soutenu pour développer chez les Libanais, depuis l’enfance, le sens civique, la notion de devoir, de responsabilité et de loyauté, on pourra espérer un progrès.
Quand on aura organisé l’administration de l’Etat pour rendre possible un contrôle permanent du travail, assorti de sanctions effectives, on pourra espérer un progrès.
Quand tout citoyen, quel que soit son rang ou sa fortune, sera sûr que sa démarche administrative suivra un cours normal et rapide sans “piston” et sans “cadeau”, on pourra espérer un progrès.
Quand toute entreprise d’Etat, toute adjudication de travaux ou de fournitures, tout service public seront soumis à des règles strictes de contrôle financier, de qualité et d’efficacité, on pourra espérer un progrès.
Dans tous les cas de figure, l’assainissement des mœurs est une affaire d’éducation. La loi ne se conçoit que comme le cadre de l’action et un recours pour déterminer l’exception: l’infraction et la sanction.
L’origine d’une fortune pourrait parfois être difficile à établir. Mais l’usage qu’on en fait quand on participe à la vie publique, quand on ambitionne de devenir député, ministre ou chef du gouvernement, est la pierre de touche de toute entreprise d’épuration.
Car si on demande au corrompu “D’où tiens-tu cela?”, il faudrait encore pouvoir demander au corrupteur d’où tient-il un pouvoir ainsi acquis.
On a attribué, ces jours-ci, à un politicien bien nanti mais devenu opposant, ce mot révélateur: “Je ne peux renoncer à une position qui m’a déjà beaucoup coûté”.
N’est-ce pas merveilleux? 


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