La
situation à Beyrouth, dix ans après Taëf, ressemble,
à quelques variantes près, à celle de Berlin, une
décennie après la destruction du mur qui divisait la capitale
allemande en deux zones distinctes, comme l’était notre capitale
au cours des douloureux événements. Notre photo montre une
délégation de confrères près du panneau - qui
a été conservé à Berlin - indiquant qu’on quittait
le secteur américain.
En lisant un reportage intitulé: “Berlin, dix ans après”,
on relève des situations et des impressions similaires à
celles qu’on ressent à Beyrouth, une décennie après
la fin de la “sale guerre” et l’accord de Taëf.
“Il n’y a plus de mur à Belrin, mais il reste un fossé...
Le mur est toujours dans les têtes. Ossis et Wessis, comme les Allemands
s’appellent mutuellement, n’ont pas encore compris qu’ils sont dans le
même bateau: l’Europe... On cherche à savoir les raisons pour
lesquelles Allemands de l’Est et Allemands de l’Ouest ne se parlent pas
ou si peu. On observe que le fossé s’est encore creusé depuis
dix ans...”
Et ces autres réflexions: “La chute du mur a fait voler en éclats
les espérances de prospérité. L’envolée des
prix et un marché de travail impitoyable ont semé le chômage
dans les foyers de l’ex-Berlin-est. Il n’est donc pas étonnant
qu’on y vote communiste, (40% des suffrages sont allés au parti
communiste contre 4% à Berlin-ouest)... L’Europe, se demande-t-on,
peut-elle unifier les divergences et effacer le fossé moral qui
subsiste à la place de l’ancien mur?”
Ce dernier est, désormais, méconnaissable, mais on a
gardé la pancarte indiquant qu’on quitte le secteur américain....
Un ami lecteur ayant pris connaissance de ces détails, entre
tant d’autres sur l’ancienne capitale du Reich, pose cette question: “La
situation n’est-elle pas pareille à Beyrouth de l’après-guerre?
Les lignes de démarcation ont, certes, disparu, entre les secteurs
est et ouest de la ville, mais le fossé moral persiste. Preuve en
est que beaucoup d’hommes politiques réclament le découpage
de la cité en deux circonscriptions au moins, si ce n’est plus...
en prévision des législatives”.
- Oui, avons-nous répondu, mais les gens se parlent et ont compris
qu’ils sont dans le même bateau, conscients du fait que ci ce dernier
venait, à Dieu ne plaise à couler, personne n’en réchapperait...
“Ce n’est pas très sûr, rétorque notre interlocuteur,
à en juger par le discours politique qui s’est institué entre
le gouvernement et ses déctracteurs... alors que la situation au
Liban-Sud redevient explosive et que la conjoncture régionale dissipe
tout espoir en l’instauration d’une paix dans un avenir prévisible...”
- C’est en partie exact, le chef du Quai d’Orsay ayant dit, au terme
de son périple proche-oriental que ‘les conditions d’une reprise
des négociations ne sont pas encore réunies”...
Oui, on est loin du concept d’une paix juste et globale et la visite
de M. Védrine a confirmé les difficultés qui entravent
le processus de paix.
Mais et cela rappelle, aussi, la situation à Berlin, où
on continue à vivre intensément, en attendant des jours meilleurs.
Comme dans la capitale allemande, la vie culturelle a repris ses droits
à Beyrouth: metteurs en scène, cinéastes, hommes de
théâtre, galéristes y affluent de toutes parts “attirés
par l’ambiance de folie et de liberté”. |