EST-CE LA FAUTE AUX ORTHODOXES? | ||
Faire
sauter une église grecque-orthodoxe au Liban-Nord n’empêchera
pas les Russes d’avancer sur Groznyï* et persécuter Mgr Corban
au nom d’Aslan Maskhadov*, n’amènera pas la victoire de la Tchétchénie
sur le Kremlin. Est-ce la faute aux orthodoxes libanais si Eltsine veut
bouffer du tchétchène à tous les repas?
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, plus de sept attentats ont eu lieu contre des églises orthodoxes au Akkar, à Aïnab, à Tarchiche, sans compter St Georges et St Michel à Tripoli, plus Notre-Dame dans le village d’Aassoun à Denniyé. Quel besoin nous pousse les uns contre les autres pour nous faire les champions des causes dont certaines, sinon toutes, nous sont totalement étrangères, à moins que nos plastiqueurs aient des lettres pour faire leur ce mot de Duhamel: “Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger”. Pour ne remonter qu’à la seconde moitié du siècle, il y a eu le nassérisme pour lequel nous nous sommes étripés en 1958. Puis, vinrent les Palestiniens et l’inoubliable Arafat qui mirent le pays à feu et à sang et nous valurent la guerre la plus honteuse de toutes, une guerre au cours de laquelle furent commises les pires atrocités et des dégâts irréparables tant sur le terrain, que dans les cœurs et les esprits. Avant cela, nous en étions venus aux mains pour l’Algérie, pour le Maroc, pour la Tunisie. Nous avions saccagé nos propres magasins pour la Somalie et manqué de nous écharper pour l’Erythrée. Aujourd’hui, nous détruisons des églises pour la Bosnie, pour le Kosovo, pour la Tchétchénie... Qu’y a-t-il de commun entre le ressortissant libanais de Tripoli qui professe un arabisme 24 carats et les Tchétchènes, peuple caucasien connu dans l’Antiquité, sous le nom de “Gargares”, ces Gargares qui furent chrétiens dix-sept siècles durant, avant de se convertir à l’Islam en 1890, non par conviction mais par réaction à l’invasion russe? Alors que les grecs-orthodoxes libanais, que l’on plastique, Arabes depuis la nuit des temps, sont les compatriotes, les conviviaux, les proches, souvent les parents par alliance de leurs plastiqueurs, leurs frères de par la race, le destin et la consanguinité de l’Histoire. Et qu’on ne nous dise pas que ce terrorisme aveugle est pratiqué au nom de la démocratie et du droit des peuples à l’autodétermination. Est-ce à dire que la Bosnie, le Kosovo et la Tchétchénie ont droit, eux, à l’autodétermination et le Timor oriental, pas? Il ne me souvient pas que quelqu’un ait jamais manifesté, fait la grève ou simplement protesté contre les atrocités que les forces indonésiennes ont commises contre la population civile au Timor oriental. Pourquoi?... Qu’est-ce qui fait agir ce genre de criminels, que l’on désigne sous le nom d’intégristes, à part un fanatisme insensé qui les pousse à s’attacher à une monstrueuse interprétation de leur religion, laquelle religion, d’après ses docteurs de la loi et son clergé autorisé et éclairé, prohibe la violence et enseigne la tolérance? Kidnapper, plastiquer, tuer, massacrer, torturer est la forme la plus hideuse du fanatisme qui, non seulement s’exerce contre une autre confession, mais porte le préjudice le plus grave à celle au nom de laquelle ces illuminés commettent leurs forfaits. Une religion éminemment respectable ne peut pas être un otage aux mains de fous dévoyés et de terroristes des consciences. Il est temps que les autorités réagissent avec vigueur et décapitent l’hydre qui menace tout un chacun d’entre nous, musulmans et chrétiens confondus. Dénoncer, protester, s’indigner, réprouver ne mènera à rien si les responsables de la Sécurité publique traînent les pieds en chemin. Prétendre que l’attentat contre l’église St Michel a été perpétré à titre individuel relève, non seulement d’une illusion d’optique, mais d’une optique sciemment déformée. A moins qu’il soit désormais toléré de pratiquer la loi des deux poids deux mesures et que comme l’écrivait Pascal: “Vérité en deçà, erreur au-delà”. Ce qui est inquiétant dans l’affaire, c’est qu’au train où vont les choses, tous les citoyens honnêtes de ce pays risquent de se retrouver dans l’“au-delà”. * Groznyï: capitale de la Tchétchénie.
|
![]() |