![]() Au cours de sa visite, le ministre français des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine a été reçu en audience par le président Emile Lahoud. |
![]() Le chef du Quai d’Orsay s’entretenant avec le président Nabih Berri. |
UNE VISITE “RÉUSSIE” ET “UTILE”
Sur le plan plus strictement libanais, le Premier ministre M. Salim
Hoss a qualifié cette visite d’”importante”, de “réussie”
et d’“utile”. D’ailleurs, aux yeux des responsables libanais, la venue
du chef du Quai d’Orsay se présente comme le prolongement des entretiens
Lahoud-Chirac à Moncton et Hoss-Jospin à New York. Elle a
été considérée chez nous comme “l’événement
politique” de la semaine écoulée. Pour la réalisation
d’une paix juste et globale, les Libanais ont mis l’accent sur plusieurs
points primordiaux: la concomitance des volets libanais et syrien, l’attachement
de Beyrouth à l’application de la résolution 425 ainsi qu’au
retour des réfugiés palestiniens dans leur pays; la libération
de tous les détenus libanais par Israël. De son côté,
M. Védrine n’a cessé de répéter avant même
son arrivée et tout au long de sa visite, que le dossier des réfugiés
palestiniens ne devrait pas être réglé au détriment
du Liban et que la France ne cautionnera pas un accord de paix au Proche-Orient
dont le pays des Cèdres ferait les frais. “Nous ne croyons pas que
l’on puisse obtenir un règlement israélo-syrien sans traiter
de la question libanaise; je ne pense pas que l’on puisse parvenir à
un règlement israélo-syro-libanais en faisant l’impasse sur
la question des réfugiés palestiniens au Liban. On ne peut
faire non plus un accord israélo-palestinien au détriment
des Libanais”, a souligné avec conviction le ministre français.
![]() Entretien avec le Premier ministre Salim Hoss qui a retenu M. Védrine à un déjeuner de travail. |
![]() Signature de deux conventions franco-libanaises de coopération à l’occasion de la visite de M. Hubert Védrine. |
UN BILAN POSITIF
Le point de sa visite, le ministre français l’a fait devant
les journalistes lors de sa conférence de presse donnée en
fin d’après-midi au Centre culturel français de Beyrouth.
Dans un exposé liminaire, M. Védrine a présenté
les résultats de ses entretiens avec les autorités libanaises
et syriennes, constatant une fois de plus que “les conditions pour une
reprise des négociations syro et libano-israéliennes ne sont
pas encore réunies et je dis bien encore, car je suis convaincu
qu’elles le seront un jour.”
Il a, également, souligné que les deux aspects du problème
qui préoccupent les autorités libanaises sont: les perspectives
d’un retrait israélien unilatéral et un éventuel oubli
de traiter le problème de la présence palestinienne au Liban.
Sur ce point, il a déclaré avoir le sentiment que ses interlocuteurs
libanais et syriens ne croyaient pas beaucoup à l’éventualité
d’un retrait unilatéral et que la France a été le
seul pays occidental à évoquer ce problème.
Questionné sur une éventuelle disposition de la France
à offrir l’hospitalité au général Antoine Lahd
et à ses officiers supérieurs dans la perspective d’un retrait
de l’armée israélienne du Liban-Sud et d’un démantèlement
de l’ALS, M. Védrine a répondu que la question est un peu
prématurée et qu’il sera procédé, en temps
opportun, à un arrangement, si les autorités libanaises en
font la demande. “C’est un point très particulier de la négociation;
il faut que celle-ci commence. Nous serons proches du Liban en cette phase,
dans le cadre d’un accord”, a certifié le ministre français.
En réponse à une question, M. Védrine a
précisé que la France n’est ni négociateur, ni un
protagoniste du conflit israélo-arabe. “Je ne suis porteur d’aucun
message des uns aux autres. Mais chacune des parties est intéressée
à écouter nos informations et nos analyses.” A son point
de vue, le cas du Hezbollah ne peut être dissocié de la situation
au Liban-Sud, de la présence de l’armée israélienne
et de l’absence de l’armée libanaise. “Il faut avoir une idée
d’ensemble de la solution”, a-t-il précisé. En conclusion,
il a déclaré qu’il n’était pas vraiment pessimiste,
car il ne faut pas oublier “que la situation n’est pas la même avec
Barak qu’avec Netanyahu. Barak cherche une solution. Et il est normal que
les parties en conflit aient des visions différentes. C’est pourquoi
il y a des négociations. La marche vers la paix dans laquelle le
Proche-Orient s’est engagé, doit aboutir coûte que coûte
et dans l’intérêt de tous”.
Avant de prendre congé, le ministre français des Affaires
étrangères a confié sa satisfaction de voir le prochain
sommet de la francophonie en de bonnes mains au Liban. “Nous nous réjouissons
de tout ce qui est déjà prévu et entamé pour
sa préparation. Le Liban est conscient de l’importance de cette
grande rencontre tant sur les plans linguistique, culturel qu’économique.
Naturellement, nous espérons tous que ce sera un grand sommet de
la francophonie dans un Proche-Orient en paix.”
UN PUZZLE INEXTRICABLE
Tel est aussi le vœu des Libanais. Mais cette paix est si tributaire
d’un véritable puzzle de facteurs disparates et souvent inconciliables,
qu’elle se présente comme un rêve difficile à réaliser.
Simple coïncidence ou suite logique à l’évolution
de la situation et au blocage des tentatives du ministre français
Hubert Védrine, le Jihad islamique palestinien, par la voix d’un
de ses dirigeants, Ziad Abou Tarek, a déclaré dimanche soir
à partir de Damas que le Liban-Sud est considéré par
son organisation comme “un front ouvert avec Israël”. En clair, cela
signifie que le Jihad s’approprie une partie de notre territoire national
pour y pratiquer une liberté totale d’action militaire face à
l’Etat hébreu, sous le prétexte de “mener la résistance
contre Israël pour défendre le Liban”.
Un diktat palestinien inacceptable pour notre souveraineté.
La réponse libanaise ne s’est pas fait attendre. Le Premier ministre
Salim Hoss a fait publier, dès lundi, un communiqué enjoignant
aux Palestiniens de s’abstenir de toute action armée contre Israël
à partir du Liban-Sud. Dans son communiqué, M. Hoss a souligné
qu’à la suite de déclarations faites au nom d’organisations
palestiniennes selon lesquelles le Liban-Sud est un “front ouvert” pour
leurs opérations militaires, “les autorités libanaises appellent
les frères palestiniens à s’abstenir de mener des actions
armées car elles nuiraient aux intérêts du Liban”.
“Au Liban-Sud, nous n’appuyons aucune action à l’exception de
celle de la Résistance libanaise qui est à même de
remplir parfaitement sa mission”, a tenu à préciser le Premier
ministre.
Une analyse de la chronologie des faits de la semaine est assez significative.
Vendredi, en exposant à la presse les résultats de ses entretiens
au Liban et en Syrie, le chef du Quai d’Orsay avait souligné le
danger réel d’un retrait-surprise et unilatéral d’Israël
du Liban-Sud. Une éventualité à laquelle, avait-il
dit, ses interlocuteurs syriens et libanais “avaient du mal à croire
que ce retrait pouvait avoir lieu”. Samedi à Paris, le chef du gouvernement
français, Lionel Jospin se disait “inquiet” du blocage du processus
de paix entre Israël et ses voisins. Tandis qu’à Beyrouth,
le président Hoss, au lendemain du départ de M. Védrine,
s’est déclaré heureux que soit amorcé un rôle
français et européen complémentaire de celui des Etats-Unis.
Le lendemain, dimanche, le Jihad islamique palestinien - qui a revendiqué
le bombardement de quatre positions israéliennes dans la zone occupée
du Liban-Sud - lançait sa déclaration incendiaire à
partir de Damas (un choix très significatif).
Parallèlement, avec la nouvelle escalade militaire sur le terrain,
en Israël les renseignements militaires ont recommandé un retrait
immédiat du Liban. Selon le “Jérusalem Post”, Barak pourrait
être amené à avancer à avril la date du retrait
unilatéral fixée à juillet prochain. A son tour, l’ancien
Premier ministre Shimon Pérès préconise, lui aussi,
d’avancer au plus tôt un retrait militaire unilatéral du Liban
sans attendre juillet 2000.
Côté palestinien, M. Georges Habache, secrétaire
général du FPLP, a appelé Palestiniens et Libanais
à faire front commun contre l’implantation des réfugiés
palestiniens dans les pays arabes. Il a accusé Yasser Arafat “de
commettre un crime notamment contre 4 millions de réfugiés
palestiniens en œuvrant pour la création d’un Etat palestinien caricatural”
sans se soucier du sort des réfugiés et des droits des Palestiniens
à l’autodétermination. Quant au Jihad islamique palestinien,
après l’interdit décrété par le Premier ministre
Hoss à son “front ouvert” au Sud, ses dirigeants ont demandé
à le rencontrer à Beyrouth.
Côté libanais, aussi bien le président du parlement
M. Nabih Berri que le vice-premier ministre M. Michel Murr ont déclaré
que les prochains mois sont particulièrement dangereux pour le Liban
et que la situation dans le pays resterait précaire jusqu’en juin
2000, soit un mois avant l’échéance fixée par Ehud
Barak pour l’évacuation de ses troupes du Liban-Sud.
Enfin, devant la multiplication des signes avant-coureurs d’un retrait
unilatéral, le secrétaire général de l’ONU,
M. Kofi Annan a décidé d’envoyer un émissaire à
Beyrouth dès le mois prochain pour étudier avec les autorités
libanaises l’avenir de la FINUL en cas de départ unilatéral
des forces israéliennes du Sud.
Comme on le voit, tout cela est très imbriqué et crée
une situation explosive, inquiétante et confuse, exacerbée
par les rivalités inter-palestiniennes pour le contrôle des
camps avant l’échéance du retrait israélien.
Une lutte sourde d’influences qui peut dégénérer, à
tout moment, en une épreuve de force.