![]() Victoire de Castellane arborant fièrement son collier “Roi-Soleil” tout en émeraudes et présentant quelques bagues de ses dernières créations. |
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UN PARCOURS MAGIQUE
Créatrice de très beaux bijoux fantaisie chez Chanel
pendant quatorze ans et égérie de Karl Lagerfeld, elle décide,
depuis un an, de s’occuper du vrai bijou et accepte illico la proposition
de Bernard Arnault d’être à la tête de la nouvelle ligne
haute joaillerie de Christian Dior.
Depuis, ses créations font sensation et la rutilante boutique
Bijoux Dior, située au 28 Avenue Montaigne, attire de très
nombreux admirateurs et acheteurs du monde entier.
Sa première collection est époustouflante de beauté,
de luxe, de provocation et d’originalité. Spectaculaire, elle est
composée de parures aussi uniques qu’une robe de haute couture et
s’articule autour de trois thèmes: l’esprit couture, le jardin (celui
de M. Dior à Milly-la-Forêt) et les aristocrates des années
50, époque du New Look. Ces derniers lui ont soufflé le collier
Roi-Soleil, parsemé de saphirs patparatchia ou le collier Pluie
d’Eté, dont les diamants parent la gorge d’une cascade de fines
gouttes d’eau, reliés à une fine trame d’or blanc.
A travers le muguet, le ruban, le nœud, le monogramme, le pied-de-coq
et le “O” de Dior, on retrouve avec nostalgie tous les codes de la griffe.
La ligne “Quatre Epices”, inspirée par les marchés orientaux
et hindous, regorge de pierres jaune orangé rappelant le curry et
le piment. La bague panthère lui a été suggérée
par Mme Mitza Bricard, muse de Dior qui portait toujours au poignet un
carré de mousseline imprimé panthère.
CRÉER EST UNE JOIE, UN PLAISIR
Pour mieux sonder cet univers du Beau et de l’insolite dans lequel
baigne Victoire de Castellane, nous l’avons rencontrée chez Dior
et elle s’est confiée à nous en toute simplicité.
Pourquoi avez-vous quitté les bijoux fantaisie pour le vrai
bijou?
Parce que depuis que j’étais petite, j’adore les vrais bijoux,
les vraies pierres qui ont une magie, quelque chose de fantastique; j’ai
décidé de ne faire que cela. Quand Bernard Arnault m’a proposé
de faire cette première joaillerie, j’ai considéré
que c’était un défi extraordinaire, une merveilleuse aventure;
j’ai tout de suite été séduite, ravie et je me suis
mise à l’œuvre.
Vous réalisez, donc, vos aspirations d’enfance?
Absolument, c’est un rêve qui remonte à ma plus tendre
enfance. De plus, c’est une passion, parce que j’adore les bijoux, les
vrais bijoux: l’or, le métal... C’est fabuleux. Déjà
petite fille, je démontais les bijoux de ma mère et de ma
grand-mère pour en créer d’autres; rien ne me résistait.
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![]() Ambiance décontractée lors de l’interview: (G.D.): Victoire de Castellane, Marie Bteiche et Brigitte Lefèvre, déléguéede Dior au Moyen-Orient. |
J’AI ÉTUDIÉ LA GEMMOLOGIE
Avez-vous fait des études dans ce domaine?
J’ai fait un an de gemmologie pour mieux connaître les pierres,
mais quand on crée, on n’a plus vraiment besoin de faire des études.
C’est toute l’expérience que j’ai eue chez Chanel, aussi le fait
de créer tous les deux mois de centaines de pièces pour les
défilés et collections; la machine se met en route toute
seule. Puis, quand c’est une passion, l’idée du travail est écartée.
C’est une joie, un plaisir de produire, d’innover et de créer.
Le fait de travailler dans les vrais bijoux et de surprendre à
l’instar de John Galliano vous enchante-t-il?
De surprendre dans les bijoux, oui absolument. Je trouve que toutes
ces pierres méritent d’être montées avec de la création.
On doit, par rapport à tout ce qui se fait dans la joaillerie un
domaine très traditionnel et très conventionnel, apporter
quelque chose de nouveau, surtout quand on est Dior, qu’on travaille avec
les meilleurs ateliers et les plus belles pierres. Je suis très
exigeante sur la qualité; ainsi, j’apporte une image nouvelle, plus
jeune, plus féminine à la joaillerie dont je crée
une collection par année.
Où choisissez-vous vos pierres?
Je sais exactement ce dont j’ai besoin et je demande à des gens
qui sont des professionnels dans le métier de me ramener la meilleure
qualité des pierres où je choisis les couleurs.
Sur quels éléments vous basez-vous pour créer
votre collection?
Je me suis beaucoup inspirée du passé de Christian Dior
et des identités de la maison, que j’ai puisés dans les archives
et livres consacrés à Dior; j’y ai trouvé mille et
une richesses et trésors.
Il y a, aussi, l’air du temps de la maison qui m’inspire au quotidien.
Mais, en même temps, je n’ai pas appliqué mot pour mot les
identités, j’aime bien aussi leur apporter ma touche avec de la
poésie, de la féminité, j’aime les faire bouger, les
faire vivre de manière très précieuse. En bref, les
identités passent par mon goût et le bijou voit le jour.
C’est donc une osmose de votre sensibilité propre avec les
identités?
Oui, mais les identités changent avec les jours et les ans,
il faut savoir les capter et aussi en créer de nouvelles.
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![]() Le collier “Pluie d’Été”. |
![]() Bague en or créée par Victoire de Castellane. |
JE NE SERAI PAS FEMME AU FOYER
Le muguet, emblème de la maison Dior, est-il souvent présent
dans vos créations?
Oui et parce que je trouve que le muguet est une fleur ravissante sentant
très bon et c’est un porte-bonheur pour Dior. Les petites clochettes
qui bougent de cette fleur, sont très amusantes et ludiques; j’en
ai fait des bijoux. C’était la fleur fétiche de M. Dior;
d’ailleurs, à ses funérailles, ses amis en avaient entièrement
recouvert le cercueil.
Comment alliez-vous votre vie de femme à votre vie professionnelle?
Je crois que je suis comme toutes les femmes qui travaillent, partagée
entre ma famille et mon travail. J’adore mes trois petits garçons,
mais aussi mon travail. Je trouve que pour une femme, c’est merveilleux
d’avoir un travail; c’est très important et pour rien au monde,
je ne serai femme au foyer. C’est très enrichissant pour une femme
de pouvoir travailler, d’avoir une passion, autre que le côté
foyer, ménage...
Le soir, je suis ravie de retrouver ma famille, mais je suis tout aussi
heureuse de pouvoir repartir le matin. Je ne suis pas une mauvaise mère;
au contraire, quand je retrouve mes enfants le soir après une journée
de séparation, j’ai des moments très privilégiés
avec eux et notre relation est plus profonde.
Les enfants s’adaptent à ce rythme, car de nos jours, toutes
les femmes travaillent. Je trouve, d’ailleurs, en général
que leur vie est plus dure que celle des hommes.
Racontez-nous une de vos journées?
Je suis quelqu’un d’assez énergique qui se réveille tôt
le matin; je suis à la limite du fatigant pour les autres, car je
ne sais pas me reposer. Je démarre la journée avec les enfants;
puis, quand ils vont à l’école, je peux enfin m’habiller,
me coiffer, me maquiller et me rendre chez Dior où je passe la journée.
Je gère mes horaires comme je le veux. Le bijou étant
en permanence dans ma tête, je n’ai pas d’heure pour y penser et
le créer, il vit en moi. Je suis toujours en éveil et j’adore,
en même temps, m’inspirer de la mode, même à la télé:
les films et l’actualité m’inspirent. Après Dior, je fais
un peu de sport; le soir, je vois mes enfants et il m’arrive souvent de
sortir à des soirées. Dans ma vie, je n’aime pas choquer,
mais provoquer une réaction de façon toujours positive.
Pour conclure notre entretien, je tiens à vous dire que, malheureusement,
je ne connais pas le Liban et j’aimerais tellement m’y rendre un jour.
J’adore la cuisine libanaise et je pense que les Libanais sont très
chaleureux et ont en eux quelque chose d’envoûtant; ce sentiment
est aussi partagé par mon mari.
Quel est votre souhait le plus cher?
C’est de pouvoir toujours créer jusqu’au bout.