tribune
SUSPENDUS AUX LEVRES DE M. BARAK
Sortira? Sortira pas?... Il n’y a plus d’autre question pour nous occuper. M. Barak et ses généraux entretiennent un suspense bizarre sur ce qu’ils entendent faire au Liban-Sud à part, bien sûr, bombarder les populations civiles et brûler les cultures.
Les réactions officielles au Liban et celles des organisations de résistance, à ces annonces devenues presque quotidiennes des intentions de M. Barak, ne sont pas moins bizarres.
Les uns affirment que l’armée israélienne ne pourra pas se retirer sans des arrangements préalables, afin que ce retrait se déroule paisiblement et ne se transforme pas en déroute. Des arrangements? Avec qui?
Les autres soutiennent que ce retrait est conçu, au contraire, de manière à créer des désordres et des affrontements.
Il en est, aussi, qui continuent à croire que M. Barak ne prendrait pas le risque d’un retrait sans un accord préalable avec la Syrie sur le Golan. Des optimistes, ceux-là.
Enfin, certains prétendent que tout cela, c’est du bluff. Les malins.
Quant à M. Védrine, ministre français des Affaires étrangères, qui vient d’achever une tournée dans les pays de la région, il nous propose d’être réaliste: il faut prendre au sérieux cette annonce répétée de retrait israélien, a-t-il dit. Et pour ce qui concerne les négociations sur le Golan, les positions sont bloquées, a-t-il constaté à l’issue de sa visite à Damas. Autrement dit: débrouillez-vous!
Voilà, en résumé, le tableau. Il n’est pas plus transparent après l’entrée en scène de la diplomatie française longtemps tenue à l’écart.

***

M. Barak, lors de son passage à Paris pour la réunion de l’Internationale socialiste, avait paru solliciter l’intervention de la France pour débloquer le processus de paix sur les fronts syrien et libanais. Cela avait été interprété comme une évolution de la politique israélienne qui, jusque là, s’était acharnée à refuser tout rôle à la France et à l’Europe.
Déjà, le rôle des Etats-Unis a été réduit à sa plus simple expression: apporter, à l’occasion, un appui au négociateur israélien dans ses démêlés avec le négociateur palestinien. M. Barak ne veut pas de “parrain”, ni de médiateur. Et M. Clinton s’est rendu d’autant plus volontiers à ses arguments qu’il n’a, en fait, jamais bien su assumer ce rôle de “parrain” du processus de paix que la conférence de Madrid avait conféré aux Etats-Unis.
Pour la Syrie et le Liban, Washington a, carrément, passé la main à Paris. Mais c’est toujours dans le même esprit et dans les mêmes conditions: il n’est pas demandé autre chose à la France (comme à l’Amérique) que d’amener les deux parties à s’asseoir autour d’une table. Il ne s’agit pas de dire le droit et de préconiser des solutions, mais seulement de faciliter une rencontre en tête-à-tête des négociateurs, tout en leur laissant entendre qu’ils pourraient, éventuellement, compter sur des  “secours” financiers et des “services” sécuritaires.
On est loin des résolutions de l’ONU et des procédures convenues, il y a presque dix ans, à la conférence de Madrid pour les mettre en pratique. M. Netanyahu avait réussi à stopper complètement ce processus de Madrid. Les “parrains”, l’américain et le russe, impuissants, ont laissé faire. M. Barak poursuit dans la même voie que M. Netanyahu en assortissant cette politique d’un langage fleuri (on dansera le tango, la paix des braves, Hafez Assad est un grand homme et je vous jouerais du Chopin, etc...). L’Amérique, qui a fini par mesurer les limites de son influence en Israël et, à l’opposé, l’étendue de l’influence israélienne chez elle, ne fait plus qu’approuver les tactiques de M. Barak. La France ne pourra pas faire mieux.
Avec M. Arafat, la méthode Barak s’achemine, avec des hauts et des bas, vers un succès. Israël impose ses conditions et M. Arafat est libre de chanter “victoire” tant qu’il voudra.
“Je sais ce que j’ai à faire et je le ferais. Surtout, que personne ne s’en mêle!” Telle est la position de M. Barak.
Avec Damas, il ne peut en être de même. M. Védrine vient de le constater.
C’est dans ces conditions que M. Barak cherche une issue du côté libanais par un projet de retrait militaire, dont les formes demeurent incertaines comme pour mieux faire craindre une déstabilisation, dont Damas aurait tout à redouter.
En faisant surgir dans les camps palestiniens du Liban des groupes armés de “résistance islamique”, M. Arafat se prête-t-il consciemment à ce jeu? Chez lui, n’a-t-il pas mâté toute résistance armée et ne négocie-t-il pas la création d’un Etat?

***

Pour affronter une situation aussi confuse, les responsables libanais sont appelés à revoir leur stratégie politique et à la mieux coordonner avec Damas. Jusqu’ici, le Liban a été confiné dans un seul rôle: la résistance armée. Il lui faut élaborer une politique qui ne se limiterait pas à ce rôle.
Il ne suffit plus de chanter sur tous les tons la solidarité indéfectible des deux pays. L’heure n’est plus à la langue de bois. Il y a autre chose à faire que de se contenter de spéculer sur les véritables intentions de M. Barak. Il y a des responsabilités à assumer. 


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