Sa
position envers la nouvelle loi électorale est connue: à
son avis, elle doit assurer une saine représentation politique et
respecter les principes de la démocratie.
M. Boutros Harb insiste sur la nécessité de promulguer cette loi, un an au moins avant les législatives de l’an 2000 et estime que le chef de l’Etat a clairement défini les grandes lignes de la réforme électorale qui doit garantir le respect de la volonté populaire et l’intégration nationale. Le député de Batroun ne cache pas son appui au régime et, en ce qui concerne le gouvernement Hoss, il précise son attitude à son égard: il approuve toute action positive de la part du “Cabinet des 16”, mais s’oppose à toute initiative qui lui paraît inadéquate. Du document de l’entente nationale (accord de Taëf), il reconnaît qu’il n’est pas parfait, mais a constitué une formule ayant contribué à l’arrêt de la guerre au Liban. Enfin, il critique le président Rafic Hariri, lui faisant grief d’avoir placé sous sa coupe le Conseil des ministres, alors que le président Hoss exerce ses attributions conformément à la Constitution. |
POUR UNE LOI ÉLECTORALE ÉQUITABLE
M. Harb met l’accent sur la nécessité de promulguer la
nouvelle loi électorale, un an au moins avant les législatives
de l’an 2000, le retard dans son élaboration risquant de se répercuter,
négativement sur le scrutin. De plus, il n’écarte pas que
la conjoncture régionale soit l’une des causes du retard mis à
réaliser la réforme électorale.
“Aucune loi électorale, dit-il, ne peut satisfaire toutes les
parties; aussi, le gouvernement doit-il assumer la responsabilité
d’opter pour la formule qui lui paraît la plus valable. L’important
est que la loi respecte les principes de la démocratie et une saine
représentation politique, en tenant compte de nos particularités.
Comment évaluez-vous la position du président Lahoud
envers cette question?
Sans la position claire et ferme du chef de l’Etat, le projet de loi
électorale aurait été mis au point. En effet, le président
Lahoud insiste sur l’élaboration d’un projet équitable traitant
tous les Libanais sur le même pied d’égalité.
Je crois que la tendance est, à présent, en faveur du
découpage des mohafazats, en réservant au Liban-Sud un traitement
à part si son occupation devait se perpétuer.
Je suis pour l’adoption de la proportionnelle, s’il s’agit d’une grande
circonscription, car cela préserve les droits de tous les citoyens.
Mais des difficultés empêchent son application. J’estime que
ma proposition reste valable: elle préconise le maintien de la circonscription
telle qu’elle est, chaque citoyen ayant la latitude d’élire dix
députés.
L’important est d’assurer le mixage des électeurs, de manière
à ce que tous les citoyens puissent participer à l’élection
de leurs représentants à la Chambre. Cela suppose d’affranchir
les régions des liens familiaux et des intérêts personnels.
Puis, il n’est pas prouvé que la petite circonscription attise
l’esprit confessionnel. Le contraire serait vrai, car nous connaissons
des parlementaires élus dans les grandes circonscriptions qui se
distinguent par leurs prises de position extrémistes.
ALLIANCES NORDISTES
Qu’en est-il de vos alliances au Liban-Nord? En d’autres termes,
quelle est la nature de vos rapports avec les forces politiques de ce district?
Un changement s’est opéré dans la carte politique au
Liban-Nord où ont émergé de grandes forces populaires
qu’on ne peut ignorer, parce qu’elles peuvent influer sur l’opération
électorale.
Aux législatives de 1996, il y a eu des alliances entre les
candidats forts. En ce qui me concerne, je suis enclin à m’allier
avec ceux qui partagent mes principes et ont la possibilité, une
fois élus, de former un bloc cohérent apte à influer
sur la vie politique et au plan du développement.
Si la grande circonscription était adoptée, je pourrais
me prêter à des alliances susceptibles d’assurer des suffrages
et, dans ce cas, mes colistiers se sépareraient une fois élus.
Je pourrais, aussi, ne pas exclure des alliances de caractère
idéologique. En ce sens que si je m’alliais au président
Omar Karamé et à M. Sleimane Frangié, cela ne me libèrerait
pas de mes responsabilités vis-à-vis des gens qui m’auraient
accordé leur confiance et leur soutien.
Partant de là, j’ambitionne de former un bloc au sein de l’Assemblée,
reposant sur des principes clairs et un programme de travail, capable d’influer
sur la vie politico-parlementaire.”
RIEN N’EMPÊCHE MA COOPÉRATION
AVEC FRANGIÉ
Comment qualifiez-vous vos rapports avec le président Karamé
et M. Sleimane Frangié?
Une amitié personnelle me lie au président Karamé
et des circonstances ont empêché nos rencontres sans que cela
affecte la cordialité de nos relations. D’ailleurs, nous avons fait
partie de la “Rencontre parlementaire nationale” et de l’opposition sous
l’ancien régime.
En ce qui a trait à M. Frangié, nous avons engagé,
en 1996, des batailles électorales à partir de positions
opposées. Après les élections, il a pris plus d’une
initiative de rapprochement à laquelle j’ai réagi positivement,
car rien n’empêche l’établissement de relations normales entre
nous. Celles-ci partant d’une reconnaissance réciproque de la dimension
politique de chacun de nous.
M. Frangié a, d’ailleurs, exprimé le désir de
coopérer et ceci fut la conséquence d’un début de
dialogue entre nous. Bref, rien n’empêche notre coopération
au plan électoral. D’ailleurs, la possibilité de coopération
avec tout le monde est ouverte et aucune inimitié ne m’oppose à
qui que ce soit au Liban-Nord. Pratiquement, je ne peux encore parler d’alliances
avant la promulgation de la nouvelle loi électorale.
Quelle est votre position envers le régime et le Cabinet Hoss?
J’approuve toute action positive et constructive et réprouve
toute initiative qui me paraît négative. Il m’est arrivé
de critiquer le gouvernement pour certains de ses actes et de le soutenir
pour certains autres.
LA “RENCONTRE NATIONALE” PERSISTE...
Qu’est devenue la “Rencontre nationale parlementaire” dont vous
faisiez partie avec les présidents Husseini, Hoss, Karamé,
MM. Nassib Lahoud et Mohamed Y. Beydoun?
Après l’élection du président Lahoud à
la magistrature suprême et l’accession de l’un des nôtres (le
président Hoss) à la présidence du Conseil, il nous
fallait reconsidérer certains faits, car nous devions nous adapter
aux nouveaux développements de la conjoncture locale. D’autant que
nous nous proposions d’élargir cette “Rencontre” en y joignant de
nouvelles forces politiques, des intellectuels et d’autres éléments
pouvant lancer notre mouvement au plan populaire et se transformer en force
de pression. La “Rencontre nationale” continue à se réunir
et à se concerter chaque fois que la nécessité l’exige.
D’aucuns se plaignent de la non-application de l’accord de Taëf.
Qu’en pensez-vous?
Nous nous plaignions, au cours des neuf dernières années,
du fait que cet accord était appliqué d’une manière
sélective, certaines de ses clauses ayant été violées
dans leur esprit et leur lettre.
Pour la première fois, nous sentons que ledit accord est mis
en application d’une manière saine, en particulier ses clauses tendant
à édifier l’Etat des institutions. Il va sans dire que le
document de l’entente nationale n’est pas une formule parfaite ou idéale,
mais il a permis l’arrêt de la guerre. Il est sujet à révision
et nous pourrions y apporter certaines modifications sur la base d’un consensus,
de façon à faire sentir aux Libanais que nous évoluons
vers l’Etat de la loi et des institutions.
PAS DE PROSTRATION
Il y a une certaine prostration, en particulier chez les Beyrouthins,
en ce qui concerne les prérogatives du président du Conseil.
Qu’en dites-vous?
Le Conseil des ministres est une institution et le ministre, selon
le document de l’entente nationale, est responsable de la politique du
pays. Ainsi, le pouvoir se répartit au sein du Conseil présidé
par le Premier ministre. Au temps où il était chef de gouvernement,
le président Hariri et, contrairement aux règles de la Constitution,
a transformé les ministres de son Cabinet en fonctionnaires obéissant
à des ordres. Ainsi, le Conseil des ministres était représenté
par sa personne. Ce qui explique la constitution de la troïka et la
disparition du pouvoir de l’Etat.
Le président Hoss exerce ses fonctions selon la Constitution.
Son âge et son tempérament calme font croire à un affaiblissement
de la position de la présidence du Conseil. Mais ce sentiment de
prostration n’est pas vrai; puisque le jeu démocratique s’exerce
tel qu’il est dicté par la Constitution. Si on continue sur cette
voie, tous les Libanais sentiront qu’ils participent à la décision
nationale.
ENRICHISSEMENT ILLICITE
Comment trouvez-vous les amendements apportés au projet de
loi sur l’enrichissement illicite?
La loi sur l’enrichissement illicite existe depuis 1954 et il est honteux
qu’elle n’ait pas été appliquée jusqu’à présent.
Nous avons suggéré des amendements afin de la rendre plus
applicable. La majorité est en faveur de cette loi sans en enlever
la substance. J’espère que nous arriverons à en maintenir
les bases; le climat parlementaire y est favorable.
Comment évaluez-vous l’action de l’Assemblée nationale,
durant cette période?
Son action est sérieuse. Cependant, nous trouvons un problème,
étant donné le nombre restreint de législateurs. Lorsqu’il
y a un vide dans la législation, nous craignons de tomber dans l’erreur.
En dépit de cela, l’Assemblée est active; elle a ratifié
des lois, aussi bonnes que contestables, telle que l’amnistie au trafic
de stupéfiants.
DÉCENTRALISATION ADMINISTRATIVE
Que pensez-vous du projet de loi sur la décentralisation
administrative?
Ce projet devrait être étudié au début de
la prochaine législature, bien qu’il soit une des clauses du document
de l’entente nationale. Il n’a aucun lien avec la loi électorale
ni avec le découpage des circonscriptions.
Prévoyez-vous un remaniement ministériel avant les
élections législatives?
Non. Mais je considère que ce gouvernement aurait pu être
meilleur, puisqu’il avait une occasion historique de lancer son action.
Aussi, ne suis-je ni loyaliste, ni opposant dans l’absolu.
A la lumière du dialogue sur la scène politique, comment
jugez-vous le discours politique?
Il y a une tentative de transformer la discussion politique en propos
injurieux. J’espère que cette situation prendra fin. A titre d’exemple,
toute décision émanant du palais de Justice est contredite
par une autre. Mais ceci ne doit pas porter certains à tenir des
propos à l’encontre des instances judiciaires. Chaque jour, les
manchettes des journaux annoncent un nouveau scandale, qui n’est qu’une
histoire futile, alors que d’autres questions plus importantes méritent
d’être soulevées.
Il y a une tendance à amplifier les choses, dans le but de montrer
que la situation du pays est mauvaise. Ceci s’inscrit dans le plan de l’opposition.
Il est malheureux de recourir à ces procédés qui entravent
l’instauration de l’Etat des institutions. Un vrai dialogue devrait être
amorcé entre l’opposition et le gouvernement. Nous devons reconnaître
les fonctions des institutions et leur collaboration au sein du système
parlementaire démocratique.