TUNISIE
“L’heure est à l’initiative, à la course contre la montre,
dans un esprit de compétition et avec une mentalité de dépassement.
C’est l’époque où n’est récompensé que celui
qui parvient à se maintenir debout par la force de sa volonté
et de sa détermination, chacun selon ses aptitudes et ses compétences,
quel qu’en soit le niveau. Car la carence est, d’abord, affaire de mentalité
avant d’être une faiblesse ou une incapacité”.
Par ces propos tenus dans le discours prononcé, lundi 15 novembre,
devant la Chambre des députés, marquant le début de
son nouveau mandat de cinq ans à la suite de sa réélection
le 24 octobre dernier, le président Zein El-Abidine Ben Ali a donné
le ton de ce que sera la prochaine étape, avec les divers défis
qu’elle comporte, l’enjeu étant de hisser la Tunisie à l’orée
du siècle prochain au rang des pays avancés.
Pour le président Ben Ali, il importe que les Tunisiens, particulièrement
les jeunes, comprennent que “l’ère de la mentalité de dépendance
est révolue; que l’attentisme et la quête des solutions de
facilité conduisent à l’impasse”.
Avant de prononcer son discours, le président de la République
tunisienne a, au cours d’une séance solennelle, prêté
serment devant le parlement.
Le président Ben Ali prononçant son
discours devant la Chambre des députés.
ENSEIGNEMENT: RIVALISER AVEC LES MEILLEURS
Quant aux secteurs de l’éducation, de l’enseignement, de la
recherche scientifique et de la formation professionnelle, qui ont constamment
bénéficié d’une sollicitude particulière en
Tunisie, dont la principale richesse réside dans les ressources
humaines, le président Ben Ali en a souligné le rôle
primordial, insistant sur son souci de veiller à ce que les diplômés
de l’école tunisienne acquièrent une “employabilité”
effective, dans le cadre d’une économie moderne, pleinement intégrée
dans la mondialisation et qu’ils soient aptes à rivaliser avec leurs
semblables dans n’importe quel pays. Il a, à cet effet, annoncé
un train de mesures de nature à favoriser la réalisation
de ces objectifs.
UNE INFRASTRUCTURE MODERNE POUR UNE ÉCONOMIE
COMPÉTITIVE
Dans le but de moderniser l’infrastructure et, partant, d’accroître
la compétitivité de l’économie tunisienne, le président
Ben Ali a, par ailleurs, annoncé la prochaine mise en œuvre de nombreux
grands projets au nombre de 45, totalisant un investissement de l’ordre
de 4.600 millions de dinars tunisiens (environ 4.500 millions de dollars
US), intéressant les domaines de l’environnement, du transport,
des communications, de l’agriculture, de la pêche, de l’énergie
et de l’enseignement. C’est que, à la lumière des taux de
réussite enregistrés dans les différents cycles de
l’enseignement, les prévisions montrent que le nombre des nouveaux
arrivants dans l’enseignement supérieur augmentera de manière
notable, à telle enseigne que le nombre des étudiants actuellement
de 183.000, passera à près de 300.000 en 2004/2005, d’où,
a dit le président Ben Ali, l’impératif de déployer,
dès maintenant, un effort particulier pour accélérer
la construction des établissements universitaires programmés
dans l’actuel plan quinquennal (1997/2001) ou devant être inscrit
dans le prochain plan.
“Notre programme est conçu pour l’avenir, pour une société
dans laquelle la femme accède à une place plus importante,
où les jeunes apportent, avec compétence, leur concours au
modelage du présent et à la préparation du futur et
où la famille constitue l’essence même du tissu social”, a
encore dit le président Ben Ali.
NOUVELLES MESURES POUR RENFORCER LA DÉMOCRATIE
ET LES DROITS DE L’HOMME
Dans le volet politique de son discours d’investiture, le président
Zein El-Abidine Ben Ali a annoncé une multitude de mesures destinées
à renforcer le pluralisme et la démocratie dans le pays,
dont notamment une nouvelle révision du code électoral, en
vue des prochaines élections municipales de février 2000,
une révision du code de la presse, dans le but de promouvoir le
secteur de l’information et un projet de loi tendant à consolider
les droits de l’homme.
L'ENVOYE SPECIAL EUROPEEN POUR
LE P.-O. RECU PAR LE PRESIDENT
BEN ALI
Les volets palestinien, libanais et syrien du processus de paix ont
été au centre d’une entrevue que le président Zein
El-Abidine Ben Ali a accordée au palais de Carthage, à l’envoyé
spécial de l’Union européenne chargé du processus
de paix au Moyen-Orient, M. Miguel Angel Moratinos.
MESSAGE DU PRESIDENT AHMED TAYAA AU PRESIDENT BEN ALI
Le président Zein El-Abidine Ben Ali a reçu du président
de la Mauritanie, Mouaouia Ould Sid Ahmed Tayaâ, un message de fraternité
et de considération qui lui a été transmis par Cheikh
El Afia Ould Mohamed Khouna, Premier ministre mauritanien et envoyé
spécial du chef de l’Etat mauritanien.
SECRETAIRE GENERAL DU RCD (PARTI
D'OPPOSITION ALGERIEN)
SAID SAADI: "LA TROISIEME VOIE
DOIT ASSUMER LA MUTATION
ET AFFRANCHIR LA POLITIQUE DES
DOGMES IDEOLOGIQUES"
“On ne peut plus faire de l’économie avec des slogans, la réussite
économique devant faciliter la démocratisation politique”,
soutient M. Saïd Saâdi, secrétaire général
du Rassemblement pour la Culture et le progrès (RCD), parti d’opposition
algérien.
De la situation en Algérie, il croit qu’une opportunité
se présente pouvant déboucher sur la fin de la crise interne.
A son avis, cette dernière a été provoquée,
notamment, par le fait pour le tissu social d’avoir été quelque
peu déconnecté du régime politique. “Dans ce divorce,
ajoute-t-il, s’est engouffrée toute une série de surenchères
d’approximation politico-idéologique. Cela a amené le peuple
algérien là où il se trouve.
LA MONDIALISATION ÉCONOMIQUE S’IMPOSE
M. Saâdi, vous venez d’assister aux travaux du symposium international,
organisé les 4 et 5 novembre par le Rassemblement constitutionnel
démocratique (RCD/parti au Pouvoir en Tunisie), à l’occasion
du XIIème anniversaire du Changement du 7 novembre, sur le thème:
“La troisième voie et les orientations des partis politiques”. Qu’est-ce
que la troisième voie à vos yeux?
Il y a, d’abord, le constat de cette fin de siècle qui fait
que l’économie notamment, qui a été dominée
par l’idéologie depuis quasiment la Révolution d’octobre,
voit maintenant ses prérogatives prendre le dessus. La pression
idéologique s’estompe et la mondialisation économique s’impose
à tous les pays. A partir de là, la tendance tend à
s’occuper de la performance économique et de la gestion de la richesse
nationale, pour préserver un tant soit peu, les grands équilibres
de la société. C’est dans cet espace-là qu’il faut
que nous essayions de nous placer, nous en tant que pays du sud et, plus
spécifiquement, en tant que pays maghrébins. Le Maghreb a
beaucoup souffert des divergences doctrinales, notamment entre l’Algérie
et ses deux voisins. Cela s’est traduit par une désarticulation
de la sociologie maghrébine qui est une grande matrice particulièrement
féconde. Aussi, cette question de troisième voie nous interpelle-t-elle
directement, elle doit nécessairement assumer la mutation économique
et le nouveau climat politique qui est relativement libéré
des dogmes idéologiques. On ne peut plus faire de l’économie,
comme on l’a trop longtemps fait, malheureusement en Algérie, avec
des slogans. C’est vrai que l’expérience tunisienne est assez intéressante
à suivre, avec le passage de la décision politique d’une
génération à l’autre, sans grand heurt, malgré
tout et, la réussite économique qui prévaut ces dernières
années. La grande question est de savoir si elle peut maintenant,
implicitement, amener une démocratisation politique et, là,
je crois que l’un conditionne l’autre: la réussite économique
doit faciliter la démocratisation politique et celle-ci fait nécessairement
émerger les compétences d’un pays pour permettre une plus
grande capacité de mobilisation des forces structurantes.
Cela dit, si cette question nous interpelle prioritairement en tant
que Maghrébins, le débat existe sur la scène mondiale.
Il y a un grand débat, y compris en Europe, entre le socialisme
français historiquement plus rivé à gauche et la social-démocratie,
anglo-saxonne notamment, à travers la Grande-Bretagne et l’Allemagne.
Donc, c’est un vrai débat de cette fin de siècle et il serait
souhaitable que les Maghrébins que nous sommes n’y réfléchissent
pas trop tardivement, pour ne pas se laisser distancer par une exigence
politique, économique et culturelle de notre temps.
LE RÉGIME AVAIT TOURNÉ EN CIRCUIT
FERMÉ
Pour ce qui est de la situation en Algérie, avez-vous le
sentiment que l’issue de la crise est proche?
Il y a une opportunité qui se présente au pays pour la
raison suivante: jusque-là, il y avait un régime politique
qui a plus ou moins tourné en circuit fermé. Il avait ses
repères. Il avait ses mécanismes. Il avait son personnel.
A côté, il y avait un tissu social qui était quelque
peu déconnecté de l’institution. Dans ce divorce, s’est engouffrée
toute une série de surenchères d’approximation politique
et idéologique qui nous ont emmenés là où nous
sommes.
Il semble aujourd’hui, si je m’en tiens à ce qui apparaît
comme une expression consensuelle dans la société, mais aussi
- et c’est là la vraie nouveauté en Algérie - à
travers une institution comme la présidence de la République,
qu’il y a une tendance vers une convergence minimale sur les grands dossiers
qui doivent être appréhendés de manière binaire,
par le biais de la société qui les a assumés depuis
de longues années maintenant, mais aussi par l’institution, c’est-à-dire
par l’Etat. Je pense notamment au problème de l’éducation,
à la réforme de la justice, à la révision du
code de la famille, aux réformes économiques qui s’imposent
dans l’urgence au pays. Il y a un climat politique qui favorise une démarche
consensuelle. C’est important mais pas suffisant parce qu’il faut ombrager
sur le réel pour voir comment mettre en œuvre cette possibilité,
comment la gérer dans le temps, comment en classer les priorités
et, surtout, quelles sont les ressources mobilisables pour pouvoir lui
garantir les meilleures chances de succès possibles.
L’INTÉGRISME EN REFLUX
Et la question de l’intégrisme? Le problème persiste-t-il
ou est-il en recul?
Quand on parle de l’intégrisme, il faut voir les choses à
plusieurs niveaux. Il y a l’aspect doctrinal et politique. Là, nous
pouvons dire clairement oui, l’intégrisme est en reflux. Il y a
l’aspect militaire. Là aussi, je pense que l’intégrisme est
défait au sens où ils (les intégristes ou terroristes)
ne peuvent plus aujourd’hui entreprendre le type d’opérations qu’ils
avaient réalisées dans les années 93 à 96,
attaquer de grandes casernes, un pénitencier comme celui où
je fus détenu, si vous n’avez pas quelques centaines de personnes,
vous ne pouvez pas y approcher. Il reste l’aspect, dirions-nous, terroriste.
Malheureusement, il y a un certain nombre de groupes qui ont été
très loin dans les exactions terroristes et qui, à mon avis,
ne vont pas reculer, parce que condamnés à la fuite en avant.
Certains d’entre eux ont été vus en train de tuer, d’égorger,
de violer. Il y a peu de chances qu’ils s’amendent et qu’ils acceptent
de s’en remettre à une décision de justice. Là il
faut s’attendre, me semble-t-il, à des actions terroristes, encore
pour quelque temps en Algérie, d’abord parce qu’ils n’ont pas besoin
d’avoir des bataillons pour poser une bombe dans un marché ou dans
une salle de cinéma, il suffit d’une ou deux personnes et puis,
encore une fois, parce qu’il y a un certain nombre de personnes qui ont
été trop loin pour aujourd’hui reculer. Cela dit, je ne crois
pas que l’action terroriste qui peut encore se produire et qui, à
mon avis, va se produire, constitue une contrainte politique. La matrice
politique et doctrinale de l’intégrisme est en voie de réduction
importante dans le pays.
C’est là le versant, disons, négatif. Je crois que pour
dépasser définitivement ce fléau, il faut comptabiliser
l’acquis enregistré par le peuple algérien qui a payé
un lourd tribut, il faut bien le dire, notamment dans la société
civile. Il est important que l’on lance une alternative de construction
démocratique. Là, il y a une possibilité qui s’offre
au pays. Reste à savoir avec qui? Comment procéder? Quelles
sont les urgences à repérer et à identifier? C’est
le travail qui reste à faire. Je n’ai pas encore vu le président
de la République pour en parler.
POUR UNE DÉMARCHE COLLECTIVE
Qu’est-ce que vous entendez par alternative démocratique?
Je suis à la tête d’un parti politique. Dans mon esprit,
il y a un projet de société qui est clair, mais il ne s’agit
pas non plus de faire valoir uniquement des positions partisanes dans une
situation qui, nécessairement, appelle une démarche collective
et solidaire dans le pays. Il s’agit de fédérer le maximum
d’énergie dans la classe politique, voire dans la société
algérienne, autour d’un minimum consensuel, à savoir un Etat
de droit. L’Algérie a été bien abîmée,
bien déstabilisée, l’élément fédérateur
au départ c’est la loi, avec un L majuscule qui doit servir de dénominateur
commun à toute action, à toute organisation sociale ou institutionnelle.
Le deuxième élément, c’est la prise en charge
rapide d’un certain nombre de dossiers que nous n’avons pas voulu identifier,
que nous avons escamotés, ou alors que nous avons trop longtemps
différés, dossiers qui s’imposent à nous dans l’urgence
actuellement. Je pense notamment à la stabilisation de nombre d’institutions.
Le parlement tel qu’il est aujourd’hui - je ne sais pas trop si le président
de la République ne pense pas pareil - doit être revu. Il
est né dans des conditions de discrédit telles que sa représentativité
lui ôte toute compétence législative. Outre cet aspect
institutionnel, sur le plan politique, il me semble que le moment est venu
en Algérie où une convergence doit s’opérer rapidement,
en laissant les formations politiques garder leurs propres identités
respectives, mais en se mettant d’accord sur un certain nombre de points
qui font consensus aujourd’hui dans le pays. Si tout cela pouvait se faire,
une synergie politique peut être créée en Algérie,
qui doit nécessairement se traduire sur le terrain économique.
Il y a des ressources naturelles et un potentiel humain importants qui
existent dans le pays et qui ont été trop longtemps dévalorisés.
Je crois que c’est le moment de réhabiliter tout cet encadrement
que nous n’avons pas su valider. Et sur le plan économique aussi,
à l’extérieur, s’il y a cette stabilité et cette volonté
de composer avec les cadres nationaux, un nouveau climat peut s’instaurer
au niveau régional, notamment avec les voisins immédiats
de l’Algérie, les voisins maghrébins, le Maroc et la Tunisie
et même au niveau méditerranéen.
Les choses sont interdépendantes. Les problèmes internes
sont aujourd’hui connectés à l’environnement international
et a fortiori régional. Les problèmes politiques déterminent
aussi la prise en charge des problèmes économiques. Donc,
c’est une perception consensuelle, globale, à laquelle il faut arriver
rapidement. Le principe est acquis, mais la manière de concrétiser
cette nouvelle démarche politique mérite une discussion plus
approfondie, notamment avec le chef de l’Etat.
Et l’armée dans tout cela?
L’armée c’est une institution dans le pays. Elle a eu une part
prépondérante depuis l’indépendance jusqu’à
maintenant, pour des raisons historiques connues. Mais, il me semble que
là aussi il y a un consensus, pour que le poids politique de l’armée
vienne à se réduire progressivement et que l’armée
algérienne doit comprendre qu’elle a une mission militaire que personne
ne peut lui contester, mais que le poids politique qui a été
le sien jusqu’à présent ne peut pas être reconduit.
De toute façon, le bilan on est en train de le faire. Il s’agit
simplement d’organiser cette évolution dans les meilleurs délais
possibles avec le minimum de désagréments.
PAS DE BRAS DE FER ENTRE LE PRÉSIDENT
ET L’ARMÉE
S’agissant justement de délais, il y a ce que d’aucuns ont
qualifié d’“ultimatum” lancé par le président Bouteflika
pour le 13 janvier. Certains parlent même d’un bras de fer entre
le président et l’armée après le rejet, dont des informations
de presse ont fait état, par l’armée du projet de gouvernement
du président Bouteflika. Qu’est-ce que vous en pensez?
D’abord, il y a ce qui se dit, comme quoi c’est la guerre ouverte entre
la présidence et l’armée. Je ne partage pas cette analyse
qu’on retrouve beaucoup dans un certain nombre d’organes de presse. Il
doit y avoir très certainement des discussions serrées, d’aucuns
appelleraient cela des tensions, sur la manière d’assumer cette
nouvelle décantation politique dans le pays. Cela se traduit, effectivement,
par une meilleure définition des prérogatives de tout un
chacun. Cela peut se faire de manière douce. Cela peut se faire
de manière un peu plus rude. Mais je ne confère pas à
ces incidents, que je considère comme des incidents de parcours,
la gravité qu’on leur décrit par ailleurs. En tout cas pas
pour l’instant. A partir du 13 janvier, il ne faut pas oublier que nous
allons entrer dans une phase qui fait que le délai accordé
aux terroristes non coupables de crimes de sang prendra fin. Donc, le fonctionnement
de l’Etat sera autre et, naturellement, sur la scène politique,
le profil et la dynamique institutionnelle seront différents. Ce
qu’il faut bien savoir dans le cas algérien, c’est que nous ne sommes
pas en train de gérer un changement de gouvernement, nous sommes
en train d’assister à un changement de régime politique et
c’est un peu plus compliqué qu’une alternance de pouvoir au sens
classique du terme.