MINISTRE DE L’INFORMATION ET DES DÉPLACÉS
ANOUAR EL-KHALIL: “IL N’EXISTE PAS DE LOI ÉLECTORALE PARFAITE”
Il est connu pour son aménité et sa discrétion. En tant que ministre de l’Information et que porte-parole du “Cabinet des 16”, il réplique aux détracteurs du Pouvoir en termes courtois.
M. Anouar el-Khalil refuse de se laisser entraîner sur le terrain confessionnel ou communautaire, préférant maintenir son discours politique au niveau national.
Reconnaissant que la nouvelle loi électorale, récemment ratifiée par la Chambre, n’est pas idéale, mais répond aux impératifs de l’heure, il est persuadé que le “Cabinet des 16” sera maintenu jusqu’après les législatives de l’an 2000, du moment qu’il bénéficie de la confiance des députés.
Quant au dossier des personnes déplacées dont il a la charge, il s’oppose à sa “politisation” et à sa clôture “d’une manière discrétionnaire”.

Justifiant le retard à élaborer le projet de loi électorale que l’Assemblée vient de ratifier à une majorité confortable, M. el-Khalil fait état des tractations ayant opposé les différents courants politiques, suivies d’une longue gestation.
Toutes les parties ont été appelées à émettre leur opinion et à suggérer des propositions à la commission ministérielle ad hoc, laquelle s’est employée à dégager des dénominateurs communs.
Sur la base de ces éléments, elle a mis au point un projet “le meilleur possible”, prenant en considération les principes définis par le chef de l’Etat dans le discours d’investiture, à savoir: assurer l’égalité pour tous et l’intégration nationale.
Le ministre de l’Information observe que, dans un pays comme le nôtre, il est difficile d’élaborer une loi électorale parfaite, surtout en l’absence de partis couvrant l’ensemble du pays.
Il a été reconnu, après l’examen de toutes les suggestions, que la formule des quatorze circonscriptions est la plus adéquate et que le découpage de Beyrouth en trois empêche la prédominance d’une partie sur l’autre. Cette formule assure le brassage de l’électorat; puis, pourquoi ce qui est toléré au Mont-Liban, ne le serait-il pas dans la capitale?
Vous me demanderez si tous les Libanais souscrivent à la nouvelle loi électorale et je vous répondrai par la négative, car il est difficile, voire impossible d’élaborer une loi idéale.
Nous ambitionnons, naturellement, de disposer, à l’avenir, d’une loi la plus parfaite possible, lorsque le confessionnalisme politique sera aboli.

ÉTAPE CONFESSIONNELLE
On peut donc la considérer comme une loi exceptionnelle?
Pas du tout, mais elle intervient dans une étape exceptionnelle, sans comporter aucune exception, en ce sens que toutes les régions ont été découpées de la même manière et selon les mêmes critères, celles-ci ayant été traitées sur le même pied d’égalité dans la mesure du possible.
Ainsi, les citoyens auront la possibilité d’exprimer leur volonté dans un climat vraiment démocratique, sans qu’une fraction exerce son hégémonie sur l’autre.

D’aucuns disent que cette loi transgresse les principes consignés dans l’accord de Taëf en ce qui concerne, notamment, le découpage des circonscriptions?
L’accord de Taëf ne prévoit nullement l’adoption du mohafazat, ni ne détermine le nombre des circonscriptions.

Certains prétendent que le découpage de la capitale vise à affaiblir des personnalités déterminées, tel M. Rafic Hariri. Qu’auriez-vous à leur répondre?
Le président Hariri peut vous donner la réponse à cette question. Puis, je me demande pourquoi le découpage de Beyrouth affaiblirait l’ancien chef du gouvernement et non les autres candidats devant poser leur candidature dans la Békaa, par exemple? Je crois que la nouvelle loi électorale permettra à la plupart des familles libanaises d’assurer leur représentation d’une manière saine sous l’hémicycle.

HOSS, HOMME DE PRINCIPE
Comment expliquer la position adoptée par le président Hoss en Conseil des ministres?
Le chef du gouvernement a exprimé sa conviction personnelle. Il n’a pas dévié de sa ligne de conduite du temps où il était dans l’opposition. Je respecte cet homme de principe qui reste sur ses positions, qu’il soit au Sérail ou en dehors du Pouvoir.

Etes-vous satisfait du découpage des circonscriptions en tant que représentant de la communauté druze?
A aucun moment, je n’ai envisagé mon action politique ou au plan national à travers l’optique druze, car mon ambition va beaucoup plus loin que la dimension géographique du pays pour s’étendre à la diaspora qui compte près de 12 millions d’âmes, alors que les résidents ne sont pas plus de 4 millions.
Lorsque j’assumais les charges de président de l’Union libanaise culturelle mondiale, beaucoup de gens se demandaient si j’étais chrétien, druze, chiite ou sunnite. Je suis ouvert à tous les courants d’idées et à toutes les communautés; le fait d’être né à l’étranger me permet d’avoir une vision des choses la plus large possible, sans me limiter à ma communauté.

Qu’en est-il de vos rapports avec M. Walid Joumblatt et pourquoi le Chouf a-t-il été maintenu en tant que circonscription unique?
Walid bey a pu imaginer qu’il était visé par le projet de loi électorale. En fait, la nouvelle loi l’a rassuré, bien qu’il aurait préféré le partage du Chouf en trois circonscriptions.

Le “Cabinet des 16” sera-t-il chargé de superviser les prochaines législatives?
J’ai déjà dit plus d’une fois que le gouvernement sera maintenu tant qu’il bénéficie de la confiance de l’Assemblée et je crois que cette confiance lui restera acquise jusqu’après les élections générales.

QUID DES NÉGOCIATIONS AU VOLET LIBANAIS?
Ne pensez-vous pas que si les négociations étaient reprises au volet libanais, il serait préférable qu’elles soient menées par un ministre des Affaires étrangères autre que le chef du gouvernement?
Je tiens à observer que le président Hoss, en sa qualité de chef de la diplomatie, a réussi à s’acquitter des responsabilités de sa charge de la meilleure manière possible, en consacrant les constantes nationales et en explicitant la position du Liban envers les questions vitales: l’implantation des réfugiés palestiniens et la Résistance, tout en donnant à l’opération de paix son véritable concept, en ce qui a trait à la concomitance des volets libanais et syrien.
Il est, donc, moins important de désigner un ministre titulaire des Affaires étrangères que de garantir les résultats de l’action du ministre en poste.

Comment concevez-vous la façon dont le Liban doit reprendre les négociations avec Israël et qu’en attendez-vous?
Le Liban sera le dernier pays arabe à signer la paix avec l’Etat hébreu. Puis, l’action de la Résistance nous a permis d’obtenir des acquis et de forcer Israël à se rasseoir à la table des négociations. En dépit des pressions et du blocus qui leur est imposé, nos frères sudistes tiennent le coup et notre ennemi n’aurait pas accepté de reprendre le dialogue avec Damas et Beyrouth.

À QUAND LA CLÔTURE DU DOSSIER DES DÉPLACÉS?
A quelle date approximative prévoyez-vous la clôture du dossier des déplacés?
Nous nous sommes accordé un délai de deux ans et demi; autrement dit d’ici à l’an 2002, il n’y aura plus ni ministère, ni caisse des déplacés. Affirmez-le en mon nom. A cette date, le Liban recouvrera son unité nationale, notre plan de travail s’étalant sur trois ans dont quatre mois se sont écoulés jusqu’ici; c’est-à-dire depuis le mois d’août après la promulgation du budget de 1999.
Nous agissons conformément au plan établi et tout rentrera dans l’ordre à l’expiration du délai fixé.

Certains villages se disent frustrés; comment procéderez-vous pour leur rendre justice?
Nous ne sommes pas responsables des erreurs du passé et avons déjà dit qu’un gaspillage effroyable s’était produit. Malheureusement, une bonne partie de l’argent dépensé n’est pas allée aux ayants-droit. Nous reconsidèrerons le versement des dédommagements octroyés aux personnes déplacées, afin de nous assurer que les fonds ont été versés à leurs véritables bénéficiaires.
Par ailleurs, M. el-Khalil infirme les rumeurs et informations selon lesquelles ses rapports avec le président Berri se caractériseraient par un certain froid. “Au contraire, affirme-t-il, nos rapports sont excellents; ils sont marqués par le respect, l’affection et la confiance mutuels.”

LE DOSSIER DE TÉLÉ-LIBAN
Qu’en est-il du problème de Télé-Liban?
C’est un grand problème. Toutes les tentatives de renflouement de Télé-Liban ont échoué. La raison en est la léthargie aux niveaux administratif, technique et financier de cette institution qui compte des employés non assidus ou incompétents. Le règlement du problème nécessite plusieurs étapes: d’abord, remercier beaucoup d’employés; ensuite, reconsidérer la situation du personnel qualifié afin d’améliorer le rendement. Nous devons mener notre action en fonction de la révolution dans le monde des communications et de l’audiovisuel.

Y a-t-il un délai déterminé pour régler ce dossier?
Son règlement nécessite dix-huit mois. Il consiste en une restructuration financière, administrative et technique. A partir de la nouvelle année, la facture des employés aura baissé, suite aux licenciements. La restructuration du personnel, de l’administration et de l’équipement se fera par étapes. Une nouvelle vision et une équipe homogène assureront la réussite de l’institution.

PLAN DE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE
Le vice-président du Conseil a fait état d’un plan de redressement économique que le régime compte appliquer. Où en sommes-nous et la reprise des négociations de paix produira-t-elle un impact positif sur la situation économique du pays?
Le cycle économique comprend plusieurs données et prend un certain temps pour atteindre son ultime objectif à savoir: la prospérité du pays et le bien-être des citoyens. La baguette magique n’existe pas en économie. Quelle est donc la solution? Elle consiste à élaborer un plan de redressement économico-financier. A cet effet, le gouvernement a préparé un plan quinquennal, la vision économique étant basée sur la création d’un cycle économique complémentaire, en réactivant le secteur privé qui, à l’instar des pays développés, est le cœur battant de l’économie.
La prospérité du secteur privé favorise l’emploi et assure la bonne marche de l’économie.
Notre objectif principal consiste à réactiver et à appuyer ce secteur, tout en assurant un développement équilibré. Il n’est plus permis de trouver des régions défavorisées, telle Hasbaya à l’entrée du Hasbani qui manque d’eau et dont les habitants s’en procurent d’Israël.
Enfin, il faut permettre à l’Etat de jouer son vrai rôle. Notre action à l’échelle gouvernementale consiste à assurer la culture, la santé, la sécurité et la souveraineté. Les possibilités de financement et d’investissement du secteur privé sont plus élevées que celles de l’Etat. Aussi, faut-il créer un climat propice à l’investissement. Certains secteurs doivent être développés. Le ministère de l’Information a entamé un projet visant à créer une “cité médiatique” qui rassemblera des éléments compétents, se conformant à nos mœurs et traditions. Que dire de la dette publique? Aux Etats-Unis, lorsque celle-ci a atteint 250 milliards de dollars (soit 1000 dollars par habitant), cela a été considéré comme une catastrophe. Que serait-ce chez nous, où elle est évaluée à 21 milliards de dollars (soit 5.000 dollars par habitant)? Cependant, le gouvernement a freiné l’effondrement et, selon les indices économiques, nous allons dans le bon sens. Nous nous attendons à une baisse des taux d’intérêt et des dépenses, à la réduction de la dette publique et à l’afflux des investissements.

QUID DES NOMINATIONS?
Pourquoi les nominations ont-elles été promulguées à une grande fréquence? Y a-t-il eu compromis entre les instances ayant facilité leur promulgation?
Le principe de rotation adopté au début, n’a pas été retenu par les organismes de contrôle. Il a été suivi pour les nominations, à condition que les personnes concernées soient valables.

Propos recueillis par
HODA CHEDID

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