En plus des dispositions logistiques prises par les forces armées
dans les zones névralgiques, le Conseil des ministres a passé
en revue, cette semaine, les développements de la conjoncture locale
au double plan politique et sécuritaire, en prévision des
prochaines échéances.
Au niveau politique, rien de nouveau à signaler, la scène
libanaise suivant de près les négociations syro-israéliennes,
dont le second round s’est déroulé à Shepherdstown
en Virginie. Le chef de la diplomatie syrienne, M. Farouk Chareh viendra
de nouveau à Beyrouth pour informer les responsables, le chef de
l’Etat en tête, de la teneur des pourparlers bilatéraux et
de l’étape à laquelle ils ont abouti.
Il semble que ces derniers n’aient débouché sur aucun
résultat tangible, ainsi que le président Lahoud l’a laissé
entendre en recevant les consuls honoraires. “Ceci, a dit le chef de l’Etat,
nous incite à nous attacher plus fermement à notre prise
de position et à mettre à l’épreuve les intentions
des Israéliens avant de nous asseoir à la table des négociations.
D’autant que le temps joue en notre faveur, la coordination libano-syrienne
évitant les faux pas”.
Faisant état des graves incidents de Dennieh, le président
de la République a dit qu’ils servent l’ennemi, appelé à
résister à l’occupant et à réclamer le retour
des réfugiés palestiniens à leur patrie.
À QUAND LE TOUR DU LIBAN?
Cela dit, les milieux officiels se perdent en conjectures quant à
la date à laquelle les Etats-Unis inviteront le Liban à engager
les pourparlers avec l’Etat hébreu. On avait pensé que notre
pays serait invité dès la fin du second round en Virginie.
Cependant, son invitation semble être différée, pour
le moment, en attendant le progrès des négociations syro-israéliennes.
En tout cas, le Liban a été invité aux négociations
multilatérales devant avoir lieu début février à
Moscou, l’ambassadeur US et le chargé d’Affaires de Russie ayant
transmis l’invitation à Beyrouth, en exprimant le souhait qu’ils
y répondent cette fois. On sait que le Liban et la Syrie refusent
de prendre part aux multilatérales, tant que des progrès
ne sont pas enregistrés au niveau des bilatérales.
Au plan interne, l’activité politique a repris après
les fêtes du Fitr et du Nouvel An qui avaient été endeuillées
par les troubles du Liban-Nord, deux dossiers: ceux des pourparlers de
paix et de la sécurité intérieure étant à
l’ordre du jour.
En ce qui concerne les incidents de Dennieh, la Justice en a été
saisie et M. Hatem Madi, magistrat, a été chargé d’instruire
ces incidents et l’attentat contre le siège de l’ambassade russe
à Mazraa.
M. Madi a entamé ses investigations cette semaine, après
que le Conseil des ministres eut déféré ces événements
à la Cour de justice, après avoir pris connaissance du général
Michel Sleiman, commandant en chef de l’Armée, de la situation au
plan militaire.
Au terme des délibérations et à la lumière
des exposés du président de la République et du chef
du gouvernement, le Conseil des ministres est arrivé à la
déduction que ces incidents visaient à semer les germes de
la sédition dans le pays et à perturber la stabilité
intérieure à une phase parmi les plus délicates de
notre Histoire.
Les responsables ont eu la nette impression que certains groupuscules
intégristes sont liés à des symboles du terrorisme
international et manipulés par ces derniers, Ben Laden, le dissident
séoudien, étant l’un de ces symboles.
HOMMAGE À L’ARMÉE ET À
SES MARTYRS
Aussi, des instructions strictes ont-elles été données
aux organismes sécuritaires pour redoubler de vigilance et mater
toute nouvelle tentative visant à compromettre la paix civile. Des
directives, en ce sens, ont été données au Conseil
central de sécurité.
Le président Lahoud qui avait suivi à la minute les développements
de la situation au Liban-Nord au cours des journées de troubles,
a rendu un vibrant hommage à la Grande Muette et à ses martyrs,
insistant sur la nécessité de pourchasser les éléments
qui ont pu échapper à la troupe en cherchant refuge dans
le jurd de Dennieh difficilement accessible en hiver.
“L’Armée, a affirmé le président Lahoud, en présentant
ses condoléances à la famille du commandant Milad Naddaf
- que les rebelles ont enlevé et assassiné avec son aide-de-camp
- a accompli son devoir et continuera à s’acquitter de son rôle,
comme à consentir de nouveaux sacrifices en vue de sauvegarder la
patrie et la paix civile”.
Les observateurs s’attendent que l’étape actuelle soit marquée
par une ère de stabilité, le Pouvoir étant déterminé
à pacifier le pays et à dissuader les fauteurs de troubles
de tout acte pouvant compromettre la sécurité intérieure,
pour se consacrer aux préparatifs des négociations avec Israël,
en coordination avec la Syrie.
COOPÉRATION LIBANO-SYRIENNE
A ce propos, les milieux officiels réfutent l’allégation
de certains pêcheurs en eau trouble selon lesquels les forces syriennes
n’ont pas soutenu nos forces régulières lors des incidents
de Dennieh, alors que le contraire est vrai.
En effet, il est établi que les troupes syriennes stationnées
au Liban-Nord ont coupé la voie menant au Akkar, afin d’empêcher
les éléments d’At-Takfir Wal-Hijra de se réfugier
dans ce caza.
La coopération entre Beyrouth et Damas persiste donc sans accroc,
preuve en est que dans ses messages du Nouvel An et du Fitr aux présidents
Lahoud, Assad et à d’autres responsables libanais et syriens, messages
qui leur ont été transmis par l’ambassadeur US, le président
Bill Clinton a réitéré sa confiance en l’avenir et
en l’aboutissement des négociations de paix sur les volets libanais
et syrien.
Pour en revenir à Dennieh, le commandement de l’Armée
a affecté six cents hommes de troupe à cette région
nordiste, pour rassurer les habitants et prévenir tout éventuel
incident à l’avenir, pendant que l’enquête suit son cours
à l’effet d’identifier les coupables et leurs instigateurs.
Les forces armées ont entamé, dès vendredi dernier,
un déploiement dans la capitale et sa banlieue pour assurer la sécurité
durant la fête du Fitr, tout en annonçant l’arrestation de
nouveaux éléments ayant pris part aux incidents du Liban-Nord.
NE PAS EXPLOITER LE SECTARISME À DES
FINS POLITIQUES
Par ailleurs, il y a lieu de faire état d’une déclaration
du président Salim Hoss, par laquelle il a pris à partie
“ceux qui cherchent à exploiter les courants confessionnels et sectaires
à des fins politiques.
“Nous voyons dans la multiplicité des communautés, a
dit le chef du gouvernement, une source de richesse, tout en considérant
le confessionnalisme comme le fléau de la société
libanaise entravant son avance sur la voie du progrès.”
Et de conclure: “Le moment est venu pour nous Libanais, de prendre
conscience du danger que le confessionnalisme fait peser sur notre patrie
et son avenir, des obligations incombant à l’Etat dans ce domaine,
en vertu de l’article 95 de la Constitution”.
M. Hoss a conclu en insistant sur “la nécessité de supprimer
le confessionnalisme sans abolir les communautés nationales”.
Enfin, il importe de souligner la teneur des homélies et des
prêches des chefs spirituels chrétiens et musulmans à
l’occasion des fêtes, dans lesquels ils ont appelé les citoyens
“à s’armer de sagesse et à ne pas se laisser embrigader par
les groupes séditieux, afin de préserver la patrie contre
ses ennemis du dedans et du dehors”.