UN GRAND FOSSÉ EXISTE ENCORE
L’optimisme de M. Clinton n’est pas, pour l’heure, partagé par
les protagonistes eux-mêmes, ni par les commentateurs politiques.
Ceux-ci considèrent que “l’ampleur du fossé entre les deux
camps reste inchangée, même s’il y a eu des avancées
ne serait-ce que symboliques”.
De part et d’autre, les déclarations restent dures, même
si chacun sait qu’il fait bien plus que quelques séances de discussions
pour avancer sur la voie de la paix; c’est, précisément,
l’objectif des rencontres à venir.
Entre-temps, à Damas, la radio officielle continue à
affirmer que la restitution de la totalité du plateau du Golan occupé
et annexé par Israël, ne devrait faire l’objet d’aucune discussion
ou tractation et qu’elle constituait une condition à tout progrès
dans les négociations de paix. La radio précise même
que, lors de cette deuxième phase, la partie israélienne
a tenté de modifier la mission du groupe de travail chargé
du tracé des frontières sous prétexte “d’impératifs
de sécurité” jugés par Damas sans fondement, ni légal
ni légitime.
Israël, de son côté, tient un langage inflexible.
Il n’y a qu’à relever les propos que David Levy, ministre des A.E.
qui, de retour de Shepherdstown, a tenus à l’aéroport Ben
Gourion, affirmant “que son pays n’accepterait pas de revenir aux lignes
d’armistice du 4 juin 1967”.
LE RETRAIT DU GOLAN FAIT DES “VAGUES” EN ISRAËL
Au sein de l’Etat hébreu, Ehud Barak qui, à maintes reprises,
s’est dit “prêt à des sacrifices douloureux”, est attendu
au tournant par son opinion publique de plus en plus hostile à la
rétrocession du Golan. Le succès de la manifestation organisée
à Tel-Aviv par les colons du Golan, illustre toute la difficulté
à laquelle le Premier ministre est confronté. La bataille
de l’opinion publique s’annonce bien rude, d’autant plus que les récents
sondages d’opinion donnent une majorité de 53 à 55% d’Israéliens
opposés à un retrait total. La ratification, par référendum,
d’un retrait du Golan, en échange de la paix avec Damas, s’avère
ardue. La crise touche même le gouvernement de Barak: les ministres
de l’Intérieur et de l’Habitat ont annoncé qu’ils démissionneraient
au cas où le gouvernement approuverait un retrait aux lignes d’avant
le 4 juin 1967.
NŒUD GORDIEN: LE TRACÉ DES FRONTIÈRES
Le tracé de la frontière israélo-syrienne constitue,
évidemment, le point le plus sensible et le plus épineux
des négociations. La Syrie veut récupérer la totalité
du Golan. Israël, pour sa part, voudrait que ce retrait s’arrête
à la frontière internationale et non pas à celle du
4 juin, afin que l’Etat hébreu puisse continuer à contrôler
la rive-est du lac de Tibériade, sa principale ressource en eau.
La commission mixte syro-israélienne chargée de ce dossier,
ainsi que les trois autres portant sur l’eau, les arrangements de sécurité
et la normalisation des relations, se sont réunies pour la première
fois le dimanche 9 janvier à Shepherdstown. A partir du 19 janvier,
les négociations se poursuivront à Maryland et tant que le
dialogue se poursuit avec une implication américaine directe, les
chances de parvenir à une paix finale, de combler le fossé
d’un conflit de cinquante ans, ne peuvent qu’augmenter de jour en jour.
D’ailleurs, le président américain est convaincu que “les
Syriens et les Israéliens se sont engagés à tenter
de résoudre un demi-siècle de confrontation, dans les deux
mois à venir”.
Faut-il croire?
QUID DU LIBAN?
On pensait que le Liban serait invité à des pourparlers
de paix avec Israël, une fois le second round syro-israélien
achevé. Il n’en a rien été dit pour l’heure. A l’issue
de la rencontre de Shepherdstown, le président Clinton a tout juste
formulé le souhait “de voir bientôt les Libanais engagés
dans le processus”, sans donner de date, ni de précision. D’où
l’inquiétude des Libanais d’être les laissés-pour-compte
dans ce processus ou d’en payer les frais.
A partir de Paris, les courants de l’opposition politique en exil reprochent
au Pouvoir libanais de chercher “à occulter ce qui se trame contre
le Liban à Washington dans le cadre d’un règlement qui se
ferait au détriment du Liban et de sa souveraineté”.
Dans leur communiqué, ils réclament le retrait de “toutes
les armées d’occupation” (israélienne, iranienne, palestinienne
et syrienne), afin de rétablir la liberté et l’indépendance
du Liban”.