Le Liban peut s’enorgueillir d’avoir au Sénat canadien, un grand ami du Liban qui prend à cœur ses intérêts et son avenir. Président du Comité d’amitié libano-canadien, ancien ministre d’Etat aux Affaires étrangères et député à la Chambre des Communes, M. Pierre Debbané est le fer de lance du lobby libanais. Son épouse, Elisabeth Nadeau, est sous-ministre adjoint au Cabinet de M. Chrétien. Nous l’avons rencontré, à Beyrouth, lors de son dernier passage, à l’invitation de M. Farès Bouez. |
Votre nom n’est pas étranger aux Libanais?
En effet, mon père, Gaby Debbané est originaire de Saïda
et ma mère, Marie Jahel est de Deir el-Ahmar. Je suis le premier
Canadien d’origine arabe à avoir été élu député
en 1968. J’ai été ministre et maintenant sénateur.
Depuis cinq ans, je préside le groupe d’Amitié parlementaire
franco-libanais, formé de trente-cinq députés et sénateurs,
dont quatre sont d’origine arabe.
Quelle est l’action effective de ce groupe d’Amitié parlementaire?
Nous travaillons en étroite collaboration avec l’ambassadeur
du Liban à Ottawa. Nous soutenons les dossiers des Libanais, appuyons
les demandes d’aides pour organiser telle ou telle activité et activons
les traités à signer avec le gouvernement canadien. Nous
agissons comme groupe de pression.
PONT D’AMITIÉ ENTRE LE LIBAN ET LE CANADA
Quel est l’enjeu de ce comité?
Il existe au Canada un fort pont d’amitié avec le Liban qu’a
construit l’importante communauté libanaise. Si la première
génération de Libanais émigrés au Canada était
essentiellement commerçante (le premier émigré en
1882 se nommait Ibrahim Bounader), depuis, les deuxième et troisième
générations s’illustrent dans toutes les facettes de la vie
canadienne. Dans tous les domaines, les Libanais occupent des postes importants.
A titre d’exemple, le Dr Ghosn, en l’espace de 24 heures, a sauvé
la vie au Premier ministre du Québec, M. Bouchard lorsqu’il a été
atteint de la fameuse “bactérie mangeuse de chair”. Le Dr Ayoub
avait aussi soigné M. Henri Bourassa, ancien Premier ministre.
Le metteur en scène le plus en vue à Montréal
est, actuellement, M. Moawad. Dans le domaine universitaire, plusieurs
directeurs de départements sont libanais. Au Québec, on dénombre
plus de 250.000 Libanais sur un total de 300.000 Arabes, soit plus de 80%.
Parmi eux, plus de 800 professeurs, 1000 médecins, 1000 avocats
au Québec. Ici même, 50.000 Libanais sont rentrés au
pays, après la guerre, avec un passeport canadien.
Comment sur le terrain s’est organisé ce groupe d’amitié?
Nous avons voulu intensifier nos relations. Au début, notre
interlocuteur était M. Michel Moussa, ministre des Affaires sociales;
puis, le président Berri a chargé M. Farès Bouez d’être
le président libanais de ce comité. C’est à ce propos
que j’ai invité M. Bouez au Canada où il a rencontré
les présidents des deux Chambres, le ministre des Affaires étrangères,
les représentants du Corps diplomatique des pays arabes, des médias,
de Radio-Canada, des professeurs d’universités, des chefs de différents
groupes religieux, des membres de la communauté libanaise, etc.
Il a donné plusieurs conférences et, avec empressement, j’ai
accepté son invitation.
LA VISITE DU PREMIER MINISTRE AU LIBAN RENFORCERA
LES RELATIONS BILATÉRALES
Quel est l’objet de votre mission au Liban?
J’ai rencontré le président de la République,
le Premier ministre et je leur ai transmis l’importance des relations entre
nos deux pays. S’il est vrai que, géographiquement, nous sommes
loin, avec les moyens électroniques, Beyrouth n’est pas plus loin
d’Ottawa que Montréal. Nous sommes véritablement dans un
village global. Nous voulons approfondir nos relations avec le Liban et
nous espérons que la visite du Premier ministre au printemps sera
un moment fort pour leur donner un nouvel élan.
LE CANADA NE VEUT PAS FAVORISER L’IMPLANTATION
Une rumeur soupçonne le Canada de vouloir implanter les Palestiniens
au Liban; quel est son fondement?
La Conférence internationale de Madrid a organisé plusieurs
groupes de travail, dont celui des réfugiés et a chargé
le Canada d’en présider sa commission, en la personne de M. Robinson.
Le but de ce groupement est de faciliter les échanges entre les
pays pour développer des relations tenant compte, d’une part, des
aspirations des Palestiniens tout en respectant leur dignité et,
de l’autre, des points de vue des différents gouvernements.
Dans ce but, le groupe canadien rencontre, régulièrement,
les diplomates du ministère libanais des Affaires étrangères.
Aucune fois, le Canada n’a proposé quelque projet pouvant causer
du préjudice au Liban. Cela est clair et tous les procès-verbaux
l’attestent. Le but du Canada n’est pas d’imposer une solution, mais par
le dialogue, de voir ce qui est possible d’être entrepris.
Quelle est la prochaine étape?
La prochaine rencontre serait à Moscou.
Les Libanais y seraient-ils présents?
Je comprends la position libanaise de ne pas participer aux négociations
multilatérales. Mais j’ai demandé au président de
la République si le Liban pouvait y envoyer un observateur pour
être au moins au courant de ce qui se discute. Nous espérons
que les conditions pourront être réunies pour que le Liban
puisse y participer. La paix globale fait partie intégrante des
discussions.
Et si le Liban ne participe pas?
Pour le Canada, le Liban a une position humaine et démographique
unique. Il a toujours défendu son indépendance et son intégrité
territoriale. Il reconnaît que les actions unilatérales d’Israël
sont contraires au droit international et n’aident pas à la conclusion
d’une paix durable.
JE PARTAGE L’OPTIMISME DU PRÉSIDENT
LAHOUD
Du fait de ce pont humain dont vous parlez et le Canada présidant
la Commission des réfugiés, serait-ce une garantie pour le
Liban d’avoir un interlocuteur parlant pour lui en son absence?
Sans faire référence au Canada, je donne mon observation
comme politicien engagé. Il ne faut pas avoir une position statique.
La politique m’a appris qu’il faut continuellement réajuster notre
position pour tenir compte des changements et éviter de se paralyser
soi-même. Il est dans l’intérêt du Liban de tenir compte
des conditions changeantes. Je rejoins par là l’analyse du président
Lahoud, à qui je demandais, en sa qualité d’autorité
ayant accès au dialogue, s’il était optimiste. Il m’a dit
l’être beaucoup.
Vous ne lui avez pas demandé pourquoi?
Je sais pourquoi.
Alors pourquoi?
Parce que les conditions actuelles sont réunies pour que ce
conflit se débloque. C’est important pour l’Europe et les Etats-Unis
que cela se débloque. Les positions de Netanyahu sont rejetées
par l’électorat israélien et Barak affirme que le temps est
venu de réaliser la sécurité. Il rejoint ici M. Rabin,
un militaire, qui disait que la meilleure garantie pour la sécurité
c’est la paix. Et plus M. Barak tarde à conclure cette paix, plus
les forces d’opposition vont prendre du poil de la bête et devenir
plus vivaces. L’ennemi de M. Barak est le temps. Il lui faut conclure rapidement.
Le processus de paix est enclenché et vous vous attendez à
ce que la paix soit instaurée le plus tôt possible, mais d’après
vous qui serait le dindon de la farce?
Pour que la paix se fasse, elle doit être juste et durable. Si
les intérêts de chacune des parties, à savoir: les
peuples palestinien, libanais et syrien ne sont pas pris en compte, la
paix sera fragile et la situation instable.