Le Liban
se préparait à recevoir le président Kotcharian le
2 novembre dernier, lorsqu’une fusillade eut lieu au parlement arménien,
entraînant la mort de plusieurs hauts responsables dont le Premier
ministre Vasken Sarkissian, le président du parlement, M. Garène
Démirdjian et le vice-président, Youri Bakhchian, MM. Roupen
Miroyan, deuxième vice-président de l’Assemblée, Léonard
Pétrossian, ministre des Situations d’urgence et de trois députés.
On se souvient, alors, de la prise de position courageuse de M. Kotcharian
qui, une heure après l’attaque, se rendait au parlement afin d’assumer
personnellement la surveillance des développements en cours, prenant
lui-même la direction des négociations avec les assaillants,
restés sur place jusqu’à l’aboutissement de la crise. Des
heures de longues et laborieuses tractations, où le président
arménien leur promettait une procédure légale s’ils
se rendaient aux forces de sécurité. Pendant ce temps, les
forces de l’ordre, les éléments de la Police militaire se
déployaient dans les rues, surveillant toutes les institutions d’Erevan
ayant une importance stratégique.
Il était alors impératif que cette douloureuse affaire
ne déborde pas des cadres et ne plonge le pays dans le chaos.
Aujourd’hui, les assassins sont sous les verrous et les dirigeants
ont su déjouer avec beaucoup de diplomatie le complot qui visait
à déstabiliser le pays. Une session extraordinaire de l’Assemblée
nationale s’est déroulée le 2 novembre et a élu Armen
Katchadérian à la présidence du Parti du Peuple, les
nouveaux vice-présidents sont Dikran Torossian et Gagik Aslanian.
Un décret du président a nommé Aram Sarkissian, le
frère du Premier ministre assassiné, à la tête
du gouvernement. La communauté des Etats a condamné d’un
commun accord l’attentat et les présidents des Etats-Unis, de Russie,
de Géorgie, de France, le pape Jean-Paul II, les Premiers ministres
de Grande-Bretagne et de Turquie, adressaient leurs condoléances
aux Arméniens, qualifiant ce qui s’était passé d’“événements
extrêmement pénibles visant à déstabiliser l’Arménie
et son processus de développement démocratique”.
M. Kotcharian mieux que quiconque sait que son pays fait un peu figure
d’exception dans un monde post-soviétique dominé par des
régimes autoritaires. Il sait que la démocratie a un prix.
En fin politicien, il a su déjouer le complot en nommant dans les
heures qui suivirent l’acte terroriste, un nouveau Premier ministre, tout
en invitant les députés à élire le président
du parlement. Ces nominations ont marqué la continuité politique
par rapport à ce que représentaient les deux leaders assassinés
et montré la volonté de garder les mêmes équilibres
dans l’exercice du Pouvoir.
Depuis qu’il détient les rênes du pouvoir, M. Kotcharian
n’a eu de cesse d’œuvrer pour renforcer les bases de l’Etat et pour résoudre
des problèmes sociaux de son peuple. Fort du principe que l’unique
garant de la survie d’un Etat fort et stable exige un travail de longue
haleine et un travail multidirectionnel important, il n’a épargné
aucun effort pour consolider la souveraineté de la loi en Arménie,
en procédant à certaines réformes et en développant
l’économie de son pays, établissant des relations avec d’autres
pays, persuadé que l’Arménie a un rôle essentiel à
jouer dans l’économie et la politique régionale et mondiale.
Après avoir rencontré le président américain,
M. Bill Clinton, le président français M. Jacques Chirac
et d’autres chefs d’Etat, ailleurs dans le monde, M. Kotcharian rencontrera,
enfin, le président libanais, le général Emile Lahoud
afin de renforcer encore plus les liens existants entre les deux pays.
Ce sera donc le deuxième président de l’Arménie
libre et indépendante, M. Kotcharian et son épouse, en tête
d’une importante délégation qui se trouveront au Liban pour
un séjour de 48 heures avec un calendrier de rencontres, très
chargé.
La diaspora avait en vain espéré la visite du premier
président de la jeune République d’Arménie quand on
sait ce que représente Beyrouth, considérée par les
Arméniens du Liban et d’ailleurs, comme étant la capitale
diasporique des survivants du Génocide, le pays où se trouve
le saint Siège de Cilicie, le lieu où les trois partis politiques
arméniens ont leurs assises.
LES PRIORITÉS DU PRÉSIDENT KOTCHARIAN
Dès sa première intervention présidentielle, le
président arménien devait mettre en relief les principaux
traits de son programme d’action. Accordant une importance primordiale
au développement des relations avec ses voisins immédiats
comme l’Iran, la Russie et la Géorgie, il travaillera sans relâche
à promouvoir et à renforcer la coopération économique
avec les grandes puissances, les organisations régionales et internationales
tels les Etats-Unis, l’OSCE et l’ONU.
Programme qu’il avait d’ailleurs commencé à réaliser
alors qu’il assumait encore ses fonctions à la tête du gouvernement.
L’un des principaux objectifs du président arménien est
de reconstruire l’Etat et la société sur des bases démocratiques
saines, grâce à une législation appropriée.
Sur le plan social, il s’est également attaché à
reconsidérer la hausse des salaires, à réactiver la
reconstruction des zones ravagées par le séisme et, surtout,
à régler l’épineux problème du Karabagh, par
la négociation. Autre changement de cap et non des moindres, M.
Kotcharian intervenant pour la première fois à l’ONU, s’est
distingué dans son discours, par sa prise de position concernant
le Génocide arménien, tout en restant extrêmement modéré
dans la forme et le fond. Une approche éminemment diplomatique.
En un temps record, dès son arrivée au Pouvoir, M. Kotcharian
qui se définit lui-même comme le “président de tous
les Arméniens”, a amélioré I’image de la démocratie
arménienne.
“LA DIASPORA, PARTIE INSÉPARABLE DE
LA MÈRE-PATRIE “
Depuis toujours, l’un des credos du président Kotcharian a été
de vouloir collaborer avec toutes les forces politiques de son pays et
de la diaspora.
La visite au Liban du chef de l’Etat arménien entre donc aussi
dans le cadre du mécanisme visant à renforcer les relations
bilatérales entre le Liban et l’Arménie et entre l’Arménie
et la diaspora, dans un second temps. Fidèle à son image
de juste, le président arménien cherche à raffermir
l’attachement des membres de la diaspora à l’Arménie, en
les pressant de prendre une part active à la vie publique, politique
et économique de son pays.
“L’Arménie, a dit le président Kotcharian, devrait être
pour chaque Arménien une sainte patrie, dont la victoire est sa
propre victoire et dont l’avenir est son propre avenir. Nous voudrions
que les Arméniens de la diaspora nous aident en tant que partenaires
à faire de notre pays une nation prospère et démocratique,
un membre égal aux autres dans la communauté du XXIème
siècle...”
REMETTRE À L’HEURE LES RELATIONS ARMÉNO-LIBANAISES
L’Arménie est aussi intéressée par une forte coopération
avec le Liban dans les secteurs financier et bancaire, ainsi que dans les
domaines des télécommunications, de l’énergie et de
l’économie. Déjà, plusieurs délégations
avaient effectué des visites dans notre pays, au cours desquelles
des accords importants avaient été signés. Le parlement
en avait ratifié quatre. La relation bilatérale des deux
pays a, également, une portée stratégique, car tous
deux s’élèvent contre l’alliance turco-israélienne
qui est une menace à la fois pour les pays arabes et l’Arménie,
étant entendu que si Israël est hostile aux Arabes, l’animosité
turque, elle, cible l’Arménie. L’Arménie importe annuellement
pour 800 millions de dollars de produits divers et l’industrie libanaise
peut aisément assurer une partie de ces besoins. Des accords ont
été signés portant sur la garantie des investissements
et l’abolition de la double imposition, ce qui permet d’avoir beaucoup
d’espoir dans le développement des communications entre les deux
pays. Notre pays pourrait, en effet, être un important tremplin pour
les exportations en direction des pays du Caucase. La venue au Liban, pour
M. Kotcharian, faisait partie de l’une de ses priorités. Le spartiate
a tenu parole.
Le président de la République d’Arménie se prépare
à se livrer en 48 heures , à un véritable marathon.