QUAND LES VOLEURS JOUENT AUX GENDARMES | ||
Il
semble qu’il existe en Israël une règle non écrite,
mais comminatoire et intransgressible, qui met chaque nouveau Premier ministre
dans l’obligation de faire ses preuves au Liban. C’est une sorte d’intronisation
qui lui confère à la fois légitimité, autorité
et crédibilité.
En bombardant trois de nos centrales électriques, Barak vient de passer l’épreuve avec succès. Avant lui, son adversaire du Likoud Netanyahu avait fait de même. Pérès, lui, avait donné l’ordre de massacrer des dizaines de femmes et d’enfants réfugiés à Cana. Avec Begin, ce fut la guerre de 82, la barbarie de Tsahal et l’occupation de Beyrouth. Avant Begin, l’invasion partielle du Liban-Sud et la politique systématique de la terre brûlée. Comme si les Israéliens, qui doivent leur Etat aux atrocités des Nazis, avaient soutenu la gageure d’égaler sinon de dépasser les hauts faits de leurs persécuteurs. Pari gagné! Mais pourquoi avoir choisi le Liban? Leur réponse est invariable: pour riposter aux attaques de la résistance libanaise. Résistance qu’ils assimilent au terrorisme. Le Liban a beau expliquer que la résistance à un envahisseur qui occupe votre sol est un droit légitime, reconnu à tous les peuples du monde, ils ne l’entendent pas de cette oreille, pour l’excellente raison que ce n’est pas là que la partie visible de l’iceberg, une sorte de prétexte commode pour détourner l’attention des raisons véritables qui motivent leurs déchaînements. En fait, on comprendrait (et non on excuserait) ce genre de motivations s’il ne s’agissait que de représailles, car la notion de vengeance fait partie de la culture et de la tradition juives. Il n’y a qu’à feuilleter l’Histoire du peuple hébreu pour s’en convaincre et, surtout, de se référer au principe de l’“œil pour œil, dent pour dent”, quand bien même ce serait eux les agresseurs. Certains analystes vous expliquent, à grands renforts d’arguments, que Barak a dû céder à la pression de son opinion publique qui ne supportait pas de laisser la mort de ses soldats impunie. Est-ce convaincant? On peut en douter. Car si tel avait été le cas, pourquoi ne cède-t-il pas et ne retire-t-il pas ses troupes du Liban, du moment qu’un récent sondage d’opinion a révélé que 60% des Israéliens veulent un retrait total et immédiat du “bourbier libanais”? De plus, trop d’événements se sont passés et se passent actuellement pour prétendre que ces événements sont dus au hasard et nous abandonner à ce genre de simplisme. Il y a eu les attentats à la bombe contre les églises, le meurtre d’un curé, le viol et l’assassinat d’une religieuse, l’attaque contre l’ambassade russe, la sanglante confrontation entre intégristes fanatiques et militaires et la campagne contre le patriarche maronite, visiblement menée tambour battant pour discréditer Bkerké. Il a fallu que le Hezbollah, lui-même - au secours duquel chacun courait langue et sottise déployées - remette les pendules à l’heure par la voix de l’uléma cheikh Mohamed Hassan Al-Amine qui a déclaré: “La Résistance n’avait pas tué Akl Hachem parce qu’il était chrétien, mais parce qu’il était un agent israélien. Le patriarche Sfeir a délégué Mgr Sader aux obsèques de Akl Hachem le chrétien et non aux obsèques de Akl Hachem l’agent. La Résistance est suffisamment noble pour ne pas tuer un agent parce qu’il est chrétien et le patriarche est également suffisamment noble pour ne pas demander que des prières soient dites pour le repos de l’âme d’un chrétien parce qu’il est un agent israélien”. Pour en revenir aux événements étranges qui se passent, n’oublions pas le brusque lâchage de Arafat par les Etats-Unis qui déclarent effrontément, par la bouche de l’indéracinable Ross, que la crise palestino-israélienne ne les regarde pas. Un de plus au palmarès des victimes de l’Oncle Sam. A quoi donc tend cet enchaînement d’événements et de violences? Il est probable que le Liban ne sert là que de laboratoire pour la fabrication de virus transmissibles ou de boîte à lettres pour faire passer un message, en l’occurrence, à la Syrie. Message reçu et sans doute déjà déchiffré par le président Assad. Reste à déplorer le rôle peu honorable que joue Washington. Car il est évident que sans la complaisance des Américains, voire leur complicité sinon active du moins tacite, Israël n’aurait jamais osé ni commettre de tels forfaits, ni afficher ce confortable sentiment d’impunité. C’est d’autant plus dangereux que l’Amérique, depuis la désagrégation de l’URSS, n’a plus d’égal sur la planète et d’autant plus inquiétant que cette superpuissance qui s’autoproclame le gendarme du monde en soit devenue sa mauvaise conscience. |
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