Il y a lieu de signaler que ces raids destructeurs ont été perpétrés moins d’un an - exactement huit mois - après ceux qui avaient détruit, en juin dernier, les stations de Jamhour et de Bsalim. Il a fallu plusieurs mois de travail ininterrompu, pour remettre en état les groupes électrogènes, les travaux de réparation ayant nécessité le débours de sommes considérables.
LE FILM DES OPÉRATIONS
Les raids de l’aviation israélienne perpétrés
dans la nuit de lundi à mardi, entre minuit et 4 heures du matin,
ont blessé une vingtaine de personnes dans la région de Baalbeck
où douze missiles se sont abattus sur la principale centrale alimentant
la ville et sa région. La station a été complètement
détruite. Les avions ennemis ont, également, frappé
la région de Oussayra, située à l’ouest de la ville
où le “Hezbollah” a ses bases.
Presqu’en même temps, la centrale de Deir Nbouh située
à treize kilomètres de Tripoli était bombardée
à son tour et mise hors d’usage, privant le caza du courant électrique.
Par la suite, l’aviation israélienne a largué ses bombes
sur la station de Jamhour y provoquant un incendie monstre, visible de
Beyrouth qui a été plongée en grande partie dans le
noir avec ses proches banlieues. Le sinistre était si puissant,
que les pompiers ont eu du mal à intervenir pour le circonscrire.
La DCA de l’Armée libanaise, mise en état d’alerte extrême
depuis la veille, est entrée en action, contraignant les appareils
ennemis à prendre de l’altitude.
DES CANONNIÈRES AU LARGE DE TYR
Vingt-quatre heures avant le déclenchement des raids aériens,
des canonnières israéliennes patrouillaient au large du littoral,
entre Bayada et le nord de Tyr et ont essuyé les tirs des batteries
côtières.
Pendant que l’aviation bombardait les centrales électriques,
un porte-parole militaire mettait la population des kibboutzim en garde
contre les tirs de katiouchas “qui entraîneraient, dit-il, un durcissement
des attaques et une riposte encore plus sévère”.
Les habitants étaient appelés à descendre dans
les abris dans la région de Galilée pour se prémunir
contre d’éventuelles ripostes du “Hezbollah”.
HOSS: LE LIBAN PRÊT À TOUS LES
SACRIFICES
Commentant la nouvelle agression d’Israël, le président
Salim Hoss a réaffirmé la détermination du Liban “à
ne pas modifier sa position de principe, quels que soient les sacrifices
à consentir”.
A Washington, un responsable US s’est déclaré, sous le
couvert de l’anonymat, “très inquiet” de l’escalade de la violence
au Liban-Sud et a appelé toutes les parties “à faire preuve
d’une retenue maximale pour apaiser la tension”. Il a révélé,
aussi, que Washington était en contact permanent avec les gouvernements
libanais, syrien et israélien, à qui il demande instamment
“de respecter l’arrangement d’avril 1996”, ce dernier interdisant la frappe
des objectifs civils de part et d’autre des frontières communes.
BARAK A TENTÉ DE TEMPORISER...
Fait à signaler: à son retour dimanche d’Amman, où
il avait conféré avec le roi Abdallah II et son homologue
jordanien, Ehud Barak aurait tenté, vainement, de temporiser, en
prônant une “action moins musclée”, sans doute afin de ne
pas compromettre, définitivement, les négociations sur le
volet syrien. Cependant, à l’issue d’une réunion du Conseil
sécuritaire restreint, un responsable militaire s’est prononcé
en faveur de “la riposte la plus dure possible”, alors que des milliers
de personnes manifestaient dans la rue en scandant des slogans bellicistes,
appelant le gouvernement “à laisser les mains libres à Tsahal”...
Pendant ce temps, l’artillerie israélienne poursuivait son pilonnage
des villages sudistes, Kafra et Yater ayant été les plus
affectés par les bombardements. De leur côté, des canonnières
mouillaient au large du littoral, prenant pour cible tout ce qui bouge
dans nos eaux territoriales.
Ce branle-bas de combat n’a pas laissé, comme on s’en doute,
les responsables inactifs. En effet, ils ont multiplié les contacts
et démarches auprès des instances internationales par la
voie diplomatique, demandant avec insistance leur intervention afin d’obtenir
l’application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité,
laquelle exige le retrait des forces israéliennes jusqu’aux frontières
internationalement reconnues.
BALLET (DIPLOMATIQUE) ENTRE RiYAD ET DAMAS
A Riyad, le roi Fahd a, une fois de plus, comme il l’a fait la semaine
dernière, déploré l’arrêt des pourparlers de
paix et invité les grandes puissances à n’épargner
aucun effort pour en relancer le processus. A Damas, le chef de la diplomatie
égyptienne remettait un message du président Hosni Moubarak
au président Assad, portant sur la conjoncture régionale,
en général et, en particulier, sur l’action arabe commune,
à l’effet de sortir les négociations syro-israéliennes
de l’impasse.
Enfin, à Beyrouth où il a été reçu
par les chefs du Législatif et du gouvernement, le commandant de
la FINUL a échangé les vues avec ses interlocuteurs sur l’évolution
de la situation sur le terrain, en promettant d’œuvrer pour éviter
le pire.
Mais étant donné la nature de leur mission, les Casques
Bleus sont incapables d’agir avec les armes individuelles dont ils disposent,
face à des forces beaucoup plus nombreuses et, surtout, mieux équipées.
Toujours est-il, que le commandant de la FINUL a assuré que ses
forces n’avaient pas relevé quelque tentative de la part des Israéliens,
en vue de modifier le tracé des frontières dans la zone méridionale
du Liban.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE DU CONSEIL DES
MINISTRES
Le Conseil des ministres a tenu mardi, sous la présidence du
chef de l’Etat, une réunion extraordinaire qui a été
consacrée à la nouvelle agression israélienne contre
les centrales électriques et à ses conséquences au
plan national.
Le président de la République a fait assumer à
l’Etat hébreu la responsabilité de l’escalade et de la dégradation
de la situation sur le terrain, afin d’exercer des pressions sur le Liban
et la Syrie. “Israël seul, a ajouté le président Lahoud,
supporte les conséquences de la dénonciation unilatérale
de l’arrangement d’avril 96 et sa nouvelle agression ne lui vaudra pas
de nouveaux avantages.
“Le Liban reste fermement attaché à cet arrangement,
quoi que fasse l’ennemi israélien pour le dénoncer”.
Le président de la République avait reçu, au préalable,
une communication téléphonique du colonel Bachar Assad qui
a promis une aide de la part de la Syrie pour réparer les dégâts
causés aux centrales électriques par les raids ennemis.
M. Mounib el-Dahr, ministre syrien de l’Energie, qui avait accompagné
son homologue libanais, M. Sleimane Traboulsi, dans sa tournée d’inspection,
pour évaluer les dégâts causés par les raids
israéliens, a également promis de fournir l’assistance nécessaire
pour remettre en état les centrales détruites.
Les dégâts ont été évalués
entre 35 et 40 millions de dollars, les travaux de réparation devant
durer un an au moins, mais les groupes électrogènes pourront
recommencer à produire le courant dans quatre ou cinq mois.
MESSAGE À KOFI ANNAN
Le président Salim Hoss a, en sa qualité de ministre
des Affaires étrangères, reçu l’ambassadeur des Etats-Unis
et le chargé d’Affaires de France, qu’il a informés de l’agression
israélienne, tout en demandant la convocation du comité de
contrôle de la trêve (issu de l’arrangement d’avril) dont les
deux pays assument la présidence à tour de rôle. Par
ailleurs, M. Hoss a adressé à M. Kofi Annan, secrétaire
général des Nations Unies, un message dans lequel il lui
fournit les détails des raids israéliens, en lui demandant
de distribuer ce message en tant que document officiel aux membres du Conseil
de Sécurité. Interrogé sur le point de savoir si le
Liban comptait déposer une plainte contre Israël à l’instance
internationale, le chef du gouvernement a dit qu’une telle démarche
serait effectuée s’il s’assurait de son utilité, en faisant
allusion à l’éventuel usage par les USA du droit de veto
pour éviter à l’Etat hébreu une condamnation ou même
quelque sanction... Car Washington rend seul le “Hezbollah” responsable
de ce malheur...
Le président du Conseil a dit encore qu’Israël ne pouvait
pas dénoncer, unilatéralement, l’arrangement d’avril, lequel
interdit de prendre pour cibles les objectifs civils. Il a attiré
l’attention, à ce propos, sur le fait qu’en attaquant les positions
de l’armée israélienne et de l’ALS dans la région
frontalière, la Résistance limite ses opérations au
territoire national et se conforme, en conséquence, à l’accord
d’avril.
BARAK: UN “SIGNE” AU GOUVERNEMENT LIBANAIS
ET À LA RÉSISTANCE
Quant à Ehud Barak qui a visité les kibboutzim, dont
la population a été invitée à descendre dans
les abris, il a dit que l’agression de lundi était un “signe adressé
au gouvernement libanais et à la Résistance”, avant d’ajouter:
“Nos attaques ont pris fin pour le moment, mais pourraient reprendre si
le “Hezbollah” lançait des katiouchas sur la région nord
d’Israël”.
Quant au “parti de Dieu”, il a menacé “de riposter aux Israéliens
au moment et dans les endroits convenables” et de poursuivre sa lutte contre
l’ennemi jusqu’à ce qu’il évacue le dernier pouce du territoire
libanais. En ce qui concerne les réactions officielles, il y a lieu
de faire état d’un commentaire de M. Amr Moussa, chef de la diplomatie
égyptienne qui a condamné l’agression israélienne
et l’a qualifiée “de facteur négatif par rapport au processus
de paix”.
PLAN D’URGENCE
Par ailleurs et par décision du Conseil des ministres, un plan
d’action a été établi en vue de procéder à
l’estimation des dégâts et à la remise en état
des centrales électriques détruites.
A l’issue d’une réunion tenue par une commission officielle
comprenant plusieurs ministres, le conseil d’administration de l’Office
de l’Electricité du Liban a été chargé de préparer
un rapport détaillé qu’il devait présenter hier jeudi
au Conseil des ministres, rapport sur la base duquel le gouvernement déterminera
le programme des travaux de réparation, le délai de leur
achèvement et le rationnement du courant électrique. Enfin,
les partis politiques, toutes tendances confondues, ont réprouvé
la nouvelle agression israélienne et réaffirmé leur
attachement à l’accord de trêve issu de l’arrangement d’avril
96.
LA RAISON DU PLUS FORT...
La triste histoire du Liban avec Israël ressemble à celle du Fabuliste: le loup et l’agneau; elle rappelle, surtout, sa morale. C’est la raison du plus fort. Interrogé sur le fait de savoir si le gouvernement envisageait de déposer une plainte contre l’Etat hébreu après les nouveaux raids aériens et le pilonnage des villages sudistes, le brave Salim Hoss a répondu “qu’une telle démarche aurait été entreprise si on était sûr de son utilité. Mais les contacts effectués, à cet effet, ne sont pas encourageants.” Naturellement, parce qu’il faut craindre l’utilisation par une certaine grande puissance du droit de veto, afin d’empêcher la condamnation de l’agresseur. Cette grande puissance a déjà explicité sa position en faisant assumer aux “Hezbollahis” l’entière responsabilité de l’escalade! Pourtant, le “Hezbollah” est la conséquence de l’occupation qu’il combat à l’intérieur du territoire national, alors que les Israéliens perpétuent, impunément, leurs agressions quotidiennes au su et au vu du comité pour la surveillance de la trêve et de la FINUL, lesquels assistent impuissants à l’engrenage de la violence, sans pouvoir rien faire pour l’endiguer. Israël se permet d’asséner des coups durs à des populations civiles sans défense et nul ne trouve à redire. On lui fournit des armes sophistiquées pour renouveler, en le renforçant, son arsenal, tout en prenant le parti de l’agresseur contre la victime... surtout en période électorale! Le comportement de notre voisin du Sud se conforme au dicton populaire qui s’énonce de la sorte: “Il m’a frappé et a pleuré; puis, il m’a devancé pour se plaindre!” C’est le moment ou jamais de répéter cette réflexion faussement attribuée à Bismarck: “La force prime le droit”... |