LA VISITE OFFICIELLE DU CHEF DE L’ETAT ARMÉNIEN AU LIBAN
BEYROUTH-ERÉVAN, UN DIALOGUE PRIVILÉGIÉ

M. Robert Kotcharian, président de la République d’Arménie, a effectué une visite officielle au Liban, répondant à l’invitation du chef de l’Etat libanais, le général Emile Lahoud. Déjà quelques jours avant sa venue, les grandes artères de la capitale avaient pavoisé aux couleurs arméniennes et libanaises, tandis que d’importantes mesures de sécurité étaient déployées.
 

Les deux chefs d’Etat passent 
en revue la garde d’honneur.

Les présidents Kotcharian, Lahoud et leurs 
épouses s’apprêtant à recevoir les personnalités
invitées au dîner du palais de Baabda.

L’avion présidentiel a atterri à l’Aéroport International de Beyrouth à 12h10 précises et M. Robert Kotcharian accompagné de son épouse, conduisant une imposante délégation de trente-quatre personnalités comprenant plusieurs ministres, députés, le gouverneur de la Banque centrale arménienne, un groupe d’hommes d’affaires et de représentants des médias arméniens, a été accueilli par le président Emile Lahoud et son épouse.
Après avoir écouté les hymnes libanais et arménien, les deux chefs d’Etat ont passé en revue la garde d’honneur.
Ce voyage qu’on peut qualifier d’historique, puisque c’est la première fois que le Liban reçoit un chef d’Etat arménien, témoigne du regain d’intérêt des deux pays à développer et à renforcer leurs relations. Durant les quarante-huit heures qu’aura duré ce séjour, les entretiens officiels ont été axés, essentiellement, sur les questions politiques, économiques, bancaires, les domaines portant sur la coopération des télécommunications, de l’énergie et de la culture.
 

Une vue de la table officielle, les deux 
présidents et leurs épouses étant entourés 
des présidents Berri et Hoss.

Les délégations des deux pays réunies 
autour des présidents Lahoudet Kotcharian 
à l’issue des entretiens officiels.

“LA LIBERTÉ, CE BIEN QUI FAIT JOUIR DES AUTRES BIENS…”
En 1991, à la chute de l’URSS, le peuple arménien choisissait juridiquement l’indépendance.
L’affermissement de celle-ci dépendait de trois facteurs: la démocratie, matérialisée par les libertés individuelles et collectives; la souveraineté nationale, exprimée à travers la défense des territoires et la maîtrise des influences extérieures; et le développement économique impliquant la croissance de la classe moyenne et des mesures sociales protégeant les défavorisés.
Certes, la tâche n’a pas été facile… Il fallait aux dirigeants combattre des obstacles de taille: affronter le blocus, favoriser le dialogue entre les parties prenantes en ce qui concerne le conflit du Karabagh, essayer de résoudre la dépendance énergétique, lutter contre le vieillissement des infrastructures…
Mais aujourd’hui, l’Arménie a retrouvé sa place dans le concert des nations, en jouant à fond la carte de la démocratie, en favorisant le développement des relations avec les grandes nations, en adoptant une politique de marché à portes ouvertes, en stabilisant la monnaie nationale, en luttant contre l’inflation actuellement en nette régression, en favorisant le processus de privatisation. Commencé en 1991 par la terre, il a été achevé en 1997 par celle de l’industrie lourde, en appelant les entreprises étrangères à investir en Arménie, en créant de véritables structures pour la promotion des biens et des produits arméniens susceptibles d’être vendus à l’étranger, en intéressant des groupements d’importateurs, en trouvant des financements adaptés et en rétablissant les relations avec la Diaspora remises au premier plan par les nouveaux dirigeants.
En effet, depuis son élection, le président Kotcharian a toujours insisté pour donner à la Diaspora une nouvelle dimension qui assurerait un tremplin international à l’Arménie.
Vu l’importance de ce rapprochement, le ministre des Affaires étrangères, M. Oskanian après Washington, Paris et Bucarest, était déjà parmi nous en 1999 pour inviter les membres de la communauté à renforcer le pont reliant les terres d’accueil à la mère-patrie, pont essentiel dans la vie de chaque Arménien et pour éclaircir les objectifs du président arménien, dont les points forts sont le “lobbyisme” politique qui permettra de mobiliser des forces dans tous les coins du monde, en mettant sur pied un mécanisme économique puissant mené par des professionnels.
C’est au nom de la liberté, de la justice que l’indépendance a été acquise. C’est au nom du développement des libertés républicaines que cette indépendance s’est consolidée.
Montesquieu ne disait-il pas: “La liberté est ce bien qui fait jouir des autres biens…?”
 

S.S. Aram I a remis au président arménien
la Grande Croixde la Maison de Cilicie.

Les présidents libanais et arménien 
se sont décerné, mutuellement, 
des distinctions honorifiques.
TAPIS ROUGE POUR LE PRÉSIDENT KOTCHARIAN
Tapis rouge, fanfares et salve de vingt-et-un coups de canons… Ce fut un accueil officiel et chaleureux qui a été réservé au président de la République d’Arménie.
Le chef de l’Etat libanais, le général Emile Lahoud et son épouse; le président de la Chambre, M. Nabih Berri; le chef du gouvernement, M. Salim Hoss; le vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli; des ministres libanais: MM. Michel Murr, Arthur Nazarian, Mohamed Youssef Beydoun, Nasser Saïdi; l’ancien ministre M. Hagop Démirdjian; le Nonce apostolique; la coalition des députés arméniens, MM. Jacques Tchokhadarian, Sebouh Hovnanian, André Tabourian, Abraham Dédéyan, Georges Kassarji; l’ambassadeur d’Arménie au Liban, M. Navasardian, l’ambassadeur Naji Abi-Assi et de nombreuses autres personnalités du monde politique, religieux et militaire, étaient au rendez-vous.
Le président Kotcharian a quitté en compagnie du président Lahoud l’Aéroport de Beyrouth en direction de l’hôtel Vendôme où il devait résider.
Le président arménien a entamé le jour même de son arrivée, en début d’après-midi, ses entretiens, en recevant dans un premier temps le chef du gouvernement, M. Salim Hoss; le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berri; le président du Conseil municipal de Beyrouth, M. Abdel-Monhem Ariss qui lui a remis la clé de Beyrouth. A cette occasion, il a exprimé son souhait de voir se réaliser un accord de jumelage entre les capitales libanaise et arménienne.
En fin d’après-midi, après avoir rencontré des person-nalités libanaises et des notables arméniens, M. Kotcharian s’est entretenu avec l’ancien Premier ministre, M. Rafic Hariri et Sa Sainteté, le catholicos Aram I de la Grande Maison de Cilicie.
Puis, le président arménien s’est dirigé vers le palais présidentiel de Baabda où il a été reçu par le chef de l’Etat. Durant un entretien de 45 minutes, les présidents libanais et arménien ont abordé les questions de l’heure, notamment la position du Liban dans le processus de paix. Une réunion interministérielle se tenait en parallèle avec les membres de la délégation arménienne et de hauts responsables libanais dans la salle de Conseil des ministres, en pré-sence de M. Hoss et des ministres de l’Economie et du Commerce; des P. et T. et des Travaux publics; de l’Education et du gouverneur de la Banque du Liban.
A l’issue de cette première journée, trois accords portant sur la coopération entre les ministères arménien et libanais des Affaires étrangères, les services postaux et sur le transport international unifié des marchandises ont été signés.
Les deux présidents ont échangé des distinctions honorifiques de leurs pays. Le président Lahoud a reçu la plus haute décoration jamais conférée à un chef d’Etat étranger: la médaille de saint Mesrob Machdotz.
Un dîner de gala offert par le président libanais en l’honneur du couple présidentiel arménien a réuni 177 hôtes au palais présidentiel.
 

A l’UL, le Président a reçu le titre de Docteur 
Honoris Causa en Sciences politiques.

Place de l’Etoile avec M. Berri.

UN PROGRAMME TRÈS CHARGÉ AYANT TENU SES PROMESSES
Au deuxième jour de sa visite officielle, le président a rencontré les membres de la Chambre de commerce et d’industrie, s’est incliné devant la tombe du Soldat inconnu avant de se rendre à l’Université Libanaise où lui a été décerné le titre de Docteur Honoris Causa.
Prenant la parole, le président Kotcharian a, encore une fois, souligné que “Chaque fois qu’il avait été question de négociations concernant le Proche-Orient, l’Arménie s’était tenue aux côtés du Liban et continuera à le faire…Notre pays suit avec le plus grand intérêt ce qui se passe dans cette région du globe. Comme nous avons aussi à faire face à de nombreuses difficultés, l’Arménie étant située dans une région où existent de nombreux problèmes, nous restons conscients des obstacles qui entravent le règlement des conflits.”
Auparavant, le président Kotcharian a qualifié sa visite d’extrêmement positive en soulignant, aussi, que son pays n’appréciait pas l’alliance israélo-turque, puisque celle-ci pourrait être dirigée contre des pays tiers comme le Liban ou l’Arménie.
Il a, également, rappelé qu’il accordait le plus grand intérêt à la promotion des relations culturelles et pédagogiques entre le Liban et son pays.
Après une visite à l’Assemblée nationale, M. Kotcharian était l’hôte à déjeuner de M. Berri.
En début d’après-midi, il a visité avec les membres de sa suite, le patriarcat des arméniens catholiques du Liban où ils ont été reçus par le patriarche Nercès Bedros XIX Tarmouni. Puis, ils ont gagné l’église évangélique arménienne avant de se rendre au siège du catholicossat arménien de Cilicie, répondant à l’invitation du Comité central de l’Eglise apostolique arménienne.
De nombreuses personnalités libanaises et arméniennes du monde politique, diplomatique, financier et culturel étaient présentes à ce cocktail ayant précédé l’ouverture de l’exposition qui a lieu au Musée de Cilicie: “Les trois générations de peintres” de la Galerie Nationale d’Arménie.
Dans son mot de bienvenue, S.S. Aram I a mis en relief l’attachement de la communauté arménienne à sa terre d’accueil, le Liban qui a toujours été une terre de tolérance et de coexistence.
“Vous visitez un pays dont une partie qui est chère à nos cœurs est envahie par l’ennemi israélien et soumise à ses attaques quotidiennes. Le peuple libanais continuera sa lutte pour la libération de son territoire… Cette lutte doit être celle de tous les peuples qui croient à la justice et à la paix. La Syrie appuie la lutte de notre peuple qui est aussi sa lutte…”
Le chef de l’Eglise apostolique arménienne devait remettre au président arménien la plus haute distinction honorifique: la Grande Croix de la Maison de Cilicie.
M. Kotcharian a, à son tour, pris la parole pour saluer les personnes présentes et remercier le catholicos: “Ce Saint-Siège est un centre très important pour tout le peuple arménien, a souligné le président, et Sa Sainteté Aram I joue un rôle essentiel sur le plan de l’œcuménisme dans le monde. L’Arménie a besoin de cette ouverture. Notre Eglise a toujours partagé le destin de son peuple. Nous ne formons qu’une seule entité et c’est ensemble que nous prenons le long chemin de ce nouveau siècle…”
A 20 heures précises, un concert a eu lieu au palais de l’Unesco offert par l’ambassade d’Arménie au Liban, placé sous le patronage de la Première Dame d’Arménie, Mme Bella Kotcharian et la Première Dame du Liban, Mme Andrée Lahoud une soirée de gala où plusieurs artistes de grand talent se sont succédé sur scène.
A la surprise générale, le président arménien a lui aussi assisté à cette soirée en compagnie de sa suite.
Un programme des plus chargés pour M. Kotcharian et sa délégation puisqu’en un peu plus de quarante-huit heures, à part ses entretiens avec son homologue libanais, le président Lahoud, ses réunions avec les ministres, les parlementaires, les chefs religieux de l’Eglise apostolique arménienne, de l’Eglise catholique arménienne et du chef de la communauté évangélique arménienne, des hommes d’affaires, le chef de l’Etat arménien s’est réuni, à l’ambassade d’Arménie au Liban, avec des représentants des trois partis politiques arméniens: Tachnag, Ramgavar et Hentchag et des membres de l’UGAB.
Rappelons que plusieurs protocoles avaient déjà été signés entre les deux pays, les plus importants portant sur les relations culturelles bilatérales qui ont été concrétisées, grâce aux efforts soutenus de l’ambassade d’Arménie au Liban, par la présentation de manifestations du plus haut niveau artistique, la dernière en date ayant été la participation de l’Orchestre Philharmonique d’Arménie au Festival international de Baalbeck.
Pendant son séjour, Mme Bella Kotcharian et Mme Andrée Lahoud accompagnées d’une délégation, se rendaient à l’hôpital des Makassed et au Village d’Enfants SOS de Bhersaf, ainsi qu’à l’Institut libanais pour les handicapés de Beit-Chabab. La Première Dame d’Arménie, qui est pédiatre de profession, s’est beaucoup intéressée à la condition des enfants dans notre pays et aux structures d’accueil.
Le Rassemblement des hommes d’affaires arméniens et l’Association des industriels au Liban ont aussi signé neuf accords pour l’exécution de projets industriels libano-arméniens.
Le président Kotcharian devait clôturer sa visite officielle au Liban par une rencontre avec les membres de la diaspora arménienne, le jeudi 17 février au palais de l’Unesco et un entretien avec le président du Conseil, M. Salim Hoss, suivi d’un déjeuner avant de quitter Beyrouth pour Erevan.

Par SONIA NIGOLIAN
Home
Home