“Je suis très dur avec moi-même”, affirme-t-il. Serait-ce
le secret de sa réussite? Le 23 février 2000, il signera
au palais Sursock son premier ouvrage bilingue intitulé: “Hawartouhom”
ou “Rencontres privilégiées”. Il s’agit d’une compilation
des entrevues qu’il a estimé avoir été les plus captivantes
de la série “Maraya”.
“C’est un ouvrage très luxueux, dit-il, de grand format (600
pages), illustré. L’illustration joue un rôle majeur dans
l’ensemble du livre: les photos sont exclusives, inédites, tirées
des archives de chacun des invités et d’anciennes revues”. On est
retourné quarante ans en arrière pour les trouver.
Quelles personnes vous ont le plus impressionné?
Chaque personne en elle-même avait quelque chose à donner,
chacune avait ses particularités. Dans la vie, en général,
il y a toujours des gens qui nous impressionnent beaucoup plus que d’autres.
A la télévision, j’ai toujours mis le meilleur de moi-même
pour décrocher un entretien intéressant et j’ai tout fait
pour créer une atmosphère passionnante. Cependant, des gens
m’ont déçu. D’autres, par contre, étaient beaucoup
plus intéressants que je ne l’avais imaginé. L’entrevue avec
Mona Solh était pour moi un challenge, jusqu’à la dernière
minute, je n’étais pas sûr si elle allait venir. C’est une
grande dame que j’adore; venue spécialement de Riyad pour l’émission,
elle avait le trac et semblait plutôt réticente. C’était
son premier passage à la télé depuis plus de vingt-cinq
ans.
Je me souviens de l’entretien avec Johnny Abdo qui était, d’ailleurs,
un défi. C’est un homme contesté et son passage au Liban
se limitait à deux jours par an. Quand je devais le voir, je changeais
plusieurs voitures; on a modifié, également, l’heure du tournage.
Cette émission a été interdite de passage par la Sûreté
générale; puis, charcutée et diffusée avec
beaucoup de retard. Je me souviens, également, des bons moments
que j’ai passés avec Mona Ayoub, une femme qui sait plaire et cherche
à le faire.
Jihane Sadate est une femme intelligente.
Nicolas Hayek est une bête de télévision. L’intelligence
et la rapidité des réponses de Michel de Grèce m’ont
impressionné.
Depuis quelques mois, vous vous êtes absenté de la scène
audiovisuelle. Quelles en sont les raisons? Est-ce la fin du contrat avec
la MTV?
Non, entre la famille Murr et moi, on n’a jamais parlé de contrat.
Une amitié nous lie depuis longtemps. Michel est un ami; on s’est
retrouvé sur la même longueur d’ondes et on a fait un bon
travail ensemble. Dans “Maraya”, le prestige a été allié
à l’image de marque. L’émission est restée à
l’antenne pendant trois ans et demi; son style est inaltérable;
j’ai été de toute façon le premier à faire
des portraits au Liban et on a trouvé qu’il fallait arrêter
avant l’an 2000, surtout que j’ai voulu lancer mon livre.
Comment étaient vos débuts?
Je suis ingénieur chimiste à la base; j’ai fait mes études
à l’AUB; puis, à Montpellier; enfin, à la LAU où
j’ai obtenu un MBA. Le génie m’a surtout appris à être
rationnel. Le MBA m’a aidé à être pragmatique. Je me
sens prêt à affronter n’importe quel problème avec
aisance.
J’ai beaucoup aimé le journalisme et je pense que je tournerai
toujours autour de ce domaine. J’ai débuté la télévision
par pur hasard, à l’âge de 22 ans. A ce moment, j’étais
à la radio. J’avais commencé à “Magic 102” et comme
tout jeune, j’étais emballé par la musique. On était
dans le même immeuble que la LBC, mais la télévision
ne m’intéressait pas du tout au départ, jusqu’au jour où,
en 1992, je fus invité à un dîner dans un restaurant
par un ami, Georges Chahwan, alors régisseur de la publicité
de Télé-Liban et Alfred Barakat, directeur de TL à
l’époque était, également, invité. Celui-ci
m’a proposé une émission télévisée d’expression
française. J’étais réticent au début; par la
suite et avec l’aide d’une amie, nous avons lancé “Focus”; c’était
un magazine hebdomadaire, alliant les événements de la semaine
à la politique et au culturel. L’émission était programmée
à 22h30; puis, suite au succès du programme, elle a été
transférée à 20h30; c’était donc une émission
en français diffusée en peak-time. Je dois beaucoup à
Télé-Liban où j’ai fait mes débuts et l’équipe
technique m’a beaucoup aidé; j’y ai appris à faire le montage,
à avoir le goût de l’esthétique. Je préparais
l’émission et je passais à l’antenne. Quand je revois mes
débuts, je me trouve toujours ridicule. Même maintenant, chaque
fois que je vois une émission, je me critique; je trouve, par exemple,
que j’ai mal abordé le sujet à certains moments. Je suis
très dur avec moi-même. Ensuite, je suis passé à
la MTV. J’ai produit une émission intitulée “Souwar” (1 heure).
C’étaient des portraits de gens de la société; six
invités par émission. J’ai commencé “Maraya” qui a
été, je crois, un grand succès. Aujourd’hui, malheureusement,
c’est la course aux émissions commerciales.
Benazir Bhutto, l’une de ses dernières “conquêtes”.
Quels sont vos nouveaux projets?
Je préfère ne pas en parler. Il est certain qu’on va
me voir à la télévision en mars prochain, si Dieu
le veut.
Que pensez-vous de la liberté de la presse au Liban?
Je pense qu’il y a une liberté de presse. On peut dire ce qu’on
veut, mais chacun s’exprime différemment et quelques incidents peuvent
arriver. Il ne faut pas oublier que nous sortons de quinze ans de guerre
et il faudrait parfois faire des concessions pour remettre les choses dans
l’ordre. Le Liban est un pays multiconfessionnel où chaque communauté
essaye d’être plus forte que l’autre. Mais je pense que, comparé
aux autres pays arabes, le Liban est le pays le plus libéral. Il
y a une liberté, mais il faut savoir comment le dire.
Qui est Ricardo Karam?
Né au Venezuela, je suis Libanais, patriotique et j’aime toujours
refléter la belle image de mon pays. Je pense qu’à travers
mon métier et d’après ce que j’ai accompli et ce que j’ai
fait, j’ai réussi à projeter une très bonne image
du Liban. J’ai décroché de grandes entrevues et à
chaque fois que j’ai interviewé des personnalités internationales
qui ont côtoyé les meilleurs journalistes de la planète,
je me réjouissais d’être félicité du niveau
de mon entretien, chose qui se répercute indirectement sur le Liban.
J’ai été élevé dans une famille zghortiote
maronite. Pour nous, les valeurs humaines étaient la base de notre
éducation, notre identité n’étant ni notre nom, ni
notre appartenance géographique, mais les valeurs qui nous rattachent
à la société et à la terre. On nous a appris
la tolérance, le don de soi, l’amour d’autrui, à compatir
avec les autres. C’est un portrait idéal, mais malheureusement c’est
ainsi qu’on a été éduqué. Dans la vie, on a
tellement de déceptions... J’ai fait mes études au collège
Saint-Joseph d’Aïntoura. J’étais un très bon élève
et j’avais tout le temps des bourses scolaires. Notre enfance nous l’avons
passée avec mon frère à Tripoli jusqu’au début
de la guerre, période durant laquelle nous avons quitté cette
ville pour nous installer dans le Kesrouan. Côté travail,
j’essaie de voir parfois ce que font les autres. Je trouve que Ziad Noujeim
est très charismatique. J’admire aussi Rafic Nasrallah, présentateur
sur Télé-Liban. Il connaît bien son dossier et a un
background politique. Il ne se soucie pas de son look. Son programme est
impressionnant.
Le look n’est-il pas important à votre avis pour pouvoir passer
sur le petit écran?
Au début, c’est un passeport, mais si vous avez le look sans
le contenu, les gens ne peuvent pas continuer à vous suivre. A la
télé, le look, le charisme et la compétence sont trois
choses essentielles.
Côté vie privée, il paraît que vous allez
présenter votre fiancée au public au cours de la signature
de votre ouvrage...
Non, je ne pensais pas que j’étais aussi important que le fils
Rockefeller ou Kennedy ou de sang royal pour qu’on parle de mes aventures...
Je ne suis pas fiancé. On est ensemble depuis un certain temps.
Elle devrait être là à la signature, mais les rumeurs
ont entraîné tellement de baratins que je ne sais pas si je
voudrais toujours qu’elle vienne. Je n’aime pas du tout parler de ma vie
privée. J’aime que les gens me jugent d’après mon travail.
Je suis une figure publique, je n’ai pas choisi de l’être. Je n’aime
pas entraîner mon entourage dans cette vie. Auparavant, j’étais
très mondain; je faisais entre 200 et 250 dîners par an et
voyage beaucoup en ce moment.
Que représente pour vous la célébrité?
Elle m’a ouvert beaucoup d’horizons et m’a permis de rencontrer des
gens que je n’aurais pas pu connaître.
Puisqu’on parle de fortune, que représente pour vous l’argent?
L’argent est fait pour être dépensé. Ce n’est pas
un but pour moi, c’est un moyen. J’ai rencontré beaucoup de gens
très riches qui ne sont pas heureux.
Parlez-nous des coulisses de “Maraya”, de la façon d’effectuer
les contacts avec les personnalités internationales, des moments
de tournage...
Pour préparer “Maraya”, je devais faire un travail continu;
c’est, également , des coïncidences qui se font: un jour, j’aperçois
Adnan Kashoggi chez son coiffeur à Paris. Je saute sur l’occasion
et j’entre me faire couper les cheveux; cet incident a facilité
le contact entre lui et moi. En général, pour réussir
à interviewer des célébrités, on passe par
leur bureau de presse ou par le biais d’amis communs. Souvent, les prises
de contact sont très longues; ainsi, pour Farah Diba, il a fallu
dix-huit mois avant de pouvoir la rencontrer; elle a fait une enquête
sur moi. Parfois, on refuse de vous accorder des entretiens, que ce soit
par principe ou par méfiance, ou également par souci de garder
le profil bas. La préparation du dossier et la présentation
des choses sont très importantes. Les personnes que je n’ai pas
pu recevoir sur le plateau de “Maraya” sont nombreuses, entre autres, John
Kennedy, Faten Hamama, Edouard Sauma, Elie Salem et Mohamed el-Fayed. Vous
verrez, cependant, ce dernier dans ma prochaine émission.
Qui vous a le plus déçu?
C’est Omar Sharif. On s’était mis, d’accord pour l’interview
et arrivé sur place, il a changé d’avis. J’ai insisté
à faire l’entretien, mais il était très désagréable;
il manquait de coopération. Par la suite, je l’ai revu à
deux dîners et c’était comme si on ne se connaissait pas.
Rétrospectivement, auriez-vous des regrets?
On a toujours des regrets, mais on ne peut rien changer. Je regrette
d’avoir établi des contacts avec des gens qui m’ont déçu
par la suite; d’avoir reçu des personnes dans mes émissions
qui n’étaient pas à la hauteur... Je regrette, parfois, de
ne pas avoir exploité certaines opportunités.