QUE NOUS RÉSERVE JUILLET 2000? | ||
"Jospiner”
est un néologisme qui se traduit par une petite phrase qu’on laisse
tomber soit par inadvertance, soit à dessein et qui exprime une
opinion sentimentalement vraie et logiquement fausse, ou le contraire.
Nous pensions que ce verbe ne se conjugait qu’à l’imparfait du subjonctif.
Mais nous découvrons qu’il se conjugue - depuis la sortie de Jospin
en Israël - à tous les temps, particulièrement au futur.
Et que même non reconnu par l’Académie Française, il
vient politiquement par acquérir droit de cité, à
travers le compromis passé, dit-on, entre Jacques Chirac et son
Premier ministre.
Quel genre de compromis? Un compromis qui stipule, entre autre, qu’une résistance n’est pas terroriste mais légitime tant qu’Israël occupe un territoire qui n’est pas le sien et refuse de s’en retirer. Ce qui fait qu’un retrait israélien, avec ou sans accord, doit faire cesser toute action militaire. C’est ainsi qu’un retrait unilatéral du Liban conformément à la résolution 425 doit être suivi d’un retour au calme. En effet, les actes de violence n’auraient plus de justification et seraient considérés terroristes quelle que soit la partie qui en serait responsable. Autrement dit, si Israël se retire du Sud, toute attaque dirigée contre ses forces serait considérée comme “terroriste”, à la fois par Jospin, Chirac et le reste de la planète, y compris (dans leur for intérieur) par la majorité des Arabes eux-mêmes. Voilà qui jette une lumière assez crue sur la situation que nous aurons à affronter en juillet. Cela représente également pour nous un avertissement très clair. Ce n’est pas Clinton ou Albright qui nous l’adresse cet avertissement, mais le président gaulliste d’une France qui s’est toujours tenue à nos côtés. A partir de là, tout devient conjectures, hypothèses et points d’interrogation. Bien sûr, nous nous sommes battus des années pour forcer Israël à se soumettre aux injonctions de la 425. Ce sera chose faite en juillet, du moins ainsi en a décidé le Conseil des ministres israélien, à l’unanimité. Et cette unanimité inquiète. Car, une fois Tsahal stationné sur la frontière internationalement reconnue, ne laissera-t-il pas derrière lui un tel méli-mélo que personne n’y reconnaîtra les siens? Que va faire la Résistance et toutes les autres organisations qui grouillent dans le Sud? Et d’abord la Résistance, qui a déclaré à maintes reprises, qu’elle n’arrêtera pas son action militaire avant la libération du Sud et du Golan, continuera-t-elle à se battre, du moment que le Golan restera occupé? Et dans ce cas, ne se fera-t-elle pas taxer de terrorisme, légitimant ainsi, aux regards de l’opinion mondiale, des représailles que David Lévy nous promet terribles? Ce serait alors la destruction systématique de notre infrastructure: centrales électriques, ponts, routes, aéroports, ports, voire villages entiers avec leurs populations civiles? Et pourquoi pas. Ce Lévy-là n’a-t-il pas menacé à la tribune de la Knesset: “Nous brûlerons jusqu’à la terre du Liban...” sans que personne n’émette la moindre protestation? Et si la Résistance cesse de s’en prendre aux forces israéliennes, qu’en sera-t-il de l’ALS? Qu’en sera-t-il des autres joueurs sur le terrain? Les différentes organisations palestiniennes qui piaffent dans leurs camps, vont-elles rester tranquilles? Iront-elles à un affrontement avec le Hezbollah et Amal? Un affrontement qui pourrait faire ressurgir le spectre de 1975 et ses sinistres conséquences? Comment l’Etat libanais voit-il les choses? Va-t-il envoyer l’armée aux frontières et prendre le risque de la placer entre le marteau et l’enclume, les Israéliens d’un côté et les forces locales de l’autre. Est-il imaginable que l’armée se batte contre le Hezbollah pour protéger les soldats de Barak? Ou d’attirer sur nos têtes à tous des représailles meurtrières? Faudrait-il demander à l’ONU de transformer la FINUL en force d’interposition? Et si l’ONU refusait? Les attentats terrifiants commis contre le quartier général des Américains et celui des Français, de la Force multinationale, le 24 octobre 1983, étant encore présents dans toutes les mémoires. Enfin et surtout, quelle serait la réaction de la Syrie? Un front libanais pacifié (au cas improbable où...) ne laissera-t-il pas sur les bras de Damas un Golan que les Israéliens - sortis du bourbier libanais - refuseraient de restituer ou renverraient un éventuel accord de paix aux Calendes grecques? Les dirigeants syriens attendraient-ils, sans réagir d’une façon ou d’une autre, qu’on les ligote dans un statu quo générateur tant pour eux que pour le reste de la région des pires catastrophes? Il est non seulement difficile mais invraisemblable de l’imaginer. Alors?... Telles sont certaines des questions que le citoyen libanais ordinaire (dont je suis) se pose aujourd’hui. Qu’est-ce qui nous attend après ce juillet 2000? A voir l’air narquois qu’affichent Barak et les siens et la mine déconfite de nos dirigeants, sans compter la langue de bois qu’ils utilisent dans leurs déclarations et les raisonnements sinistres que font nos analystes et nos commentateurs “avertis”, nous nous retrouvons dans la situation d’un Hamlet se demandant s’il faut “Etre ou ne pas être”. En priant le ciel pour que nous ne soyons pas obligés, un jour prochain, de conjuguer cet auxiliaire au passé simple de l’indicatif. |
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