PINOCHET DANS L’ATTENTE
DE LA COUR INTERNATIONALE POUR LE JUGEMENT DES TYRANS
L’affaire
du dictateur Augusto Pinochet continue à préoccuper le monde.
Et le dossier juridique en vertu duquel Pinochet était poursuivi,
a été fermé, en Europe tout au moins. Le dictateur
âgé, le sénateur rentré dans son pays et qui
est soigné à l’hôpital, a reçu le commandant
en chef de l’Armée qui a été le premier à lui
rendre visite.
Cela signifie l’attachement persistant du commandement
militaire à l’ancien dictateur et au général cruel
qui a été élu membre à vie du Sénat,
afin de disposer en permanence d’une immunité déterminée.
Pinochet jouit de maintes garanties dont n’ont
pas bénéficié les trois mille cinq cents victimes
parmi celles qui ont été sacrifiées par son régime
sanguinaire. Ces victimes n’avaient pas le droit à cela il y a un
quart de siècle. Ce temps-là était le temps des attentats
improvisés ne reposant ni sur des témoignages, ni sur des
preuves. C’était le temps des disparitions et des absences n’ayant
pas de justifications. Bien des citoyens ont disparu dont les familles
restent sans nouvelles. Cela s’est passé sans pitié pour
aucun d’eux, fut-il paralytique ou malade.
Dans les pays démocratiques, la loi n’est
certainement pas la loi de la vengeance. Aussi, comprenons-nous la déception,
l’amertume et la colère des familles des victimes, comme de ceux
qui défendent les droits de l’homme.
En dépit de la publication du rapport
des experts parmi les médecins britanniques, le rapport de Londres
reste entaché de doute, partant du fait que “la raison d’Etat” a
dicté cette mesure. Ceci est regrettable. On s’attend, aujourd’hui,
que les juges chiliens enregistrent un point d’honneur, de gloire et de
dignité en jugeant, dans son pays, le criminel dont le jugement
n’a pas eu lieu à l’étranger.
Si cela se produisait, ce serait l’initiative
la plus noble et la plus honorable, comme la mesure la plus courageuse,
plus éloquente qu’un jugement par contumace en France, en Suisse
ou en Espagne.
Le président chilien sortant, Eduardo
Frei et son successeur, Ricardo Lagos qui est entré dernièrement
en fonctions, considèrent possible la poursuite de Pinochet, souhaitée
par beaucoup de citoyens.
Acceptons-en l’augure: une soixantaine de plaintes
sont à instruire, suite à des accusations portées
contre Pinochet pour cause d’assassinat et de répression des libertés.
L’immunité du membre du Sénat accordée à vie
au général Pinochet, peut être levée. Il n’est
pas impossible que le nouveau Pouvoir au Chili parvienne à avoir
raison de l’opiniâtreté de l’armée qui refuse de voir
son ancien chef conduit dans le box de l’ignominie et de l’humiliation,
comme les criminels ordinaires.
Il reste une question à trancher: l’âge
et la santé de Pinochet. Si celui-ci n’était pas dans un
état permettant sa poursuite, il n’aurait pas été
poursuivi en Europe. Le cas ne diffère pas au Chili, à moins
que soit invalidé le rapport médical de Londres, par un contre-rapport
que rédigerait une commission d’experts médicale. Et il n’est
pas facile d’y parvenir.
De même, il est prématuré
de dire, dès à présent, que le dictateur Pinochet
ne sera jamais jugé. Rien ne prouve ou n’affirme que la Justice
chilienne renoncera à son devoir, surtout que l’homme âgé
a perdu beaucoup de sa superbe et de son prestige après son arrestation
subite à Londres. Il retourne à son pays en fuyard humilié
et en vieillard brisé au double plan moral et de la santé.
Pour plus de précision, nous dirons qu’il revient en homme diminué,
lâche, ayant tenté l’impossible pour échapper aux conséquences
des crimes qu’il a commis. Actuellement, il ne soulève ni peur,
ni pitié dans le cœur de ses compatriotes.
Même, si Pinochet n’était pas jugé
et échappait à la justice, les seize mois de “prison dorée”
qu’il a passés à Londres, ont enregistré chez lui
un retour en arrière, comme ils ont semé le doute autour
de l’impunité dont pourraient jouir les tyrans.
Dorénavant, les chefs d’Etat - actuels
et anciens - responsables de crimes contre leurs peuples et contre l’humanité,
savent qu’ils ne doivent pas bouger de leur pays et se déplacer
en dehors des frontières, à l’instar de Slobodan Milosevic,
en Serbie et de Radovan Karadzic, en Républika Srpsk. Le reste du
monde leur est interdit et partout ailleurs, ils seront exposés
à l’arrestation; puis, au jugement et à la condamnation si
l’on excepte les cas de démence, de dépression nerveuse et
de sénilité du fait de la vieillesse.
Ceci confirme l’évolution du droit et
de la loi ayant permis la formation d’un tribunal spécial dans les
affaires du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie. Cependant, la patience dans
cette tendance, celle de sanctionner les criminels, les tyrans et les dictateurs,
n’atteindra pas ses objectifs, si la Cour criminelle internationale n’est
pas créée, le principe de sa constitution faisant l’objet
d’accord partout dans le monde.
Mais elle tardera beaucoup avant de voir le jour. |
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