RRÉUNION MINISTÉRIELLE DE LA LIGUE ARABE À BEYROUTH
DES PROMESSES À CONCRÉTISER

Le compte à rebours a-t-il commencé? Avant fin juillet 2000, “Tsahal” aura-t-il réellement quitté les 850 km2 de territoire libanais qu’il occupe au Sud et dans la Békaa-ouest depuis le 14 mars 1978? Quelles seront les implications de ce retrait, au cas où il serait unilatéral? Peut-on espérer une reprise prochaine des négociations syro-israéliennes et israélo-libanaises, afin que le retrait se fasse dans le cadre d’un accord? Le timing de l’annonce du retrait a-t-il un rapport direct avec la tenue à Beyrouth, les 11 et 12 mars, du Conseil des ministres des Affaires étrangères des Etats membres de la Ligue arabe, réunion dont le but essentiel est “d’adopter une position arabe appuyant, politiquement et financièrement, le Liban”, tel que l’affirme le secrétaire général, M. Esmat Abdel-Magid, arrivé hier à Beyrouth pour les ultimes préparatifs de la session.
 
Des soldats israéliens à la frontière
avec le Liban.

Un retrait avant juillet.

DÉCISION UNANIME DU CABINET ISRAÉLIEN
Dimanche 5 mars 2000, le Cabinet israélien présidé par Ehud Barak, a approuvé à l’unanimité le plan de retrait du Liban-Sud d’ici à juillet 2000, même en l’absence d’un accord avec Damas et Beyrouth. Cette décision prise à l’issue d’un débat de plus de cinq heures, est venue, de fait, entériner les engagements électoraux du Premier ministre.
Cette décision désormais officielle, a évidemment suscité une multitude de réactions, de commentaires et soulève plus d’un point d’interrogation sur la scène libanaise directement concernée par ce retrait.
Premier à réagir à la décision du Cabinet Barak, le chef du gouvernement libanais. M. Salim Hoss affirme: “Que la décision du Conseil des ministres israélien soit une manœuvre ou non, notre position a été de tout temps favorable à un retrait israélien en application de la résolution 425 du Conseil de sécurité de l’ONU qui appelle à un retrait inconditionnel.
Quant à la formation intégriste, elle crie victoire et affirme, dans un communiqué: “La décision israélienne est une reconnaissance de la défaite face au peuple libanais et son héroïque résistance islamique (...) Le plus petit pays arabe a réussi à chasser l’envahisseur sioniste.”
Qu’en est-il de la réaction de Damas, étant donné la concomitance des volets syrien et libanais? Dans un premier temps, le quotidien gouvernemental “Techrine” se montre sceptique. “Le fait que la décision israélienne ne prévoie qu’un redéploiement de ses forces armées, écrit-il, porte les germes de la guerre dans toute la région et compliquera davantage le processus de paix gelé par Ehud Barak.”
La position officielle de la Syrie, face à cette décision sera, toutefois, annoncée à travers un communiqué émanant du Front national progressiste (FNP), coalition formée des sept partis au Pouvoir. Cité par l’agence officielle Sana, ce communiqué affirme: “Si Israël veut vraiment procéder à un retrait total et inconditionnel au-delà de la frontière internationale, conformément à la résolution 425 du Conseil de sécurité, la Syrie et le Liban seront très heureux de la libération du Liban-Sud.”

PLUSIEURS INCONNUES
La décision du Cabinet israélien de retirer ses troupes du Liban-Sud avant fin juillet 2000, soulève une multitude d’interrogations, notamment dans le cas où ce retrait se ferait de façon unilatérale sans un accord préalable avec Beyrouth et Damas ou même avec le Liban tout seul.
Tout d’abord, cette annonce est accueillie avec un certain scepticisme du côté libanais, comme du côté syrien où on met en doute les véritables intentions d’Israël.
A Tel-Aviv, les sondages donnent 61% d’avis favorables à ce retrait, mais pour les commentateurs de presse, “la décision constitue un message à la Syrie pour qu’elle se hâte de conclure un accord de paix avec Israël”, tel que l’écrit le quotidien “Yediot Aharonnot”. Pour l’éditorialiste du “Jerusalem Post”, “cette décision unilatérale pourrait avoir un énorme effet boomerang et serait une épée à double tranchant.”
Une question primordiale s’impose: Quelle serait l’attitude du “Hezbollah” face à un retrait unilatéral de “Tsahal”? La résistance intégriste déposera-t-elle les armes pour s’adonner, uniquement, à l’action politique et sociale? Ou bien poursuivra-t-elle la lutte jusqu’à la libération du Golan, en vertu de l’unité des volets libanais et syrien?
Sur cette question, le “Hezbollah” ne donne pas de réponse, n’ayant aucun intérêt à dévoiler ses cartes. Quant à l’Etat libanais, il n’a jusque-là avancé aucun plan pour combler un vide que laisserait “Tsahal” au plan sécuritaire.
Par contre, Ehud Barak est bien explicite sur ce sujet et dans une déclaration télévisée, il a nettement mis en garde contre toute attaque sur le territoire israélien après un retrait du Liban-Sud: “Je ne conseille à personne, dit-il, de tester notre réaction lorsque nous serons déployés le long de la frontière internationale et défendrons à partir de là nos localités.”
Autre point d’interrogation: le sort de l’ALS? Dans son communiqué relatif au retrait du Liban-Sud, le Cabinet Barak s’est engagé à assurer “la sécurité et le bien-être” des membres de l’Armée du Liban-Sud et de celle de tous les habitants de la zone de sécurité. Reste à savoir comment? Depuis le 14 mars 1978, “Tsahal” occupe une superficie de 850 km2 entre le Sud et la Békaa-ouest et l’ALS compte près de 2.500 combattants. Qu’en est-il, aussi, de la possibilité de déployer une force multinationale tout au long de la frontière internationale entre le Liban et Israël pour en assurer la sécurité? En vertu de la résolution 425, la FINUL aurait dû remplir cette mission dès sa création en 1978, mais Israël a refusé de se retirer, créant ce qui est devenu la “zone de sécurité”.
Selon une source diplomatique à Beyrouth, citée par l’AFP, la tâche de la FINUL serait loin d’être facile: “Les 4.500 hommes de la Force intérimaire des N.U. déployés au Liban-Sud auraient trois missions, affirme ce diplomate qui garde l’anonymat: veiller au retrait jusqu’aux frontières internationales de 1923, en vérifier la bonne exécution, assurer la sécurité des zones évacuées et aider au rétablissement de la souveraineté libanaise au Sud.”
Le diplomate poursuit: “La FINUL pourra-t-elle empêcher d’éventuels combattants palestiniens ou du “Hezbollah” de tirer sur le Nord d’Israël, ou les règlements de comptes entre diverses fractions armées ou les représailles contre des groupes minoritaires?”
On voit bien que cette éventualité n’est pas, non plus aussi, simple à adopter.

APPUI UNANIME DES ARABES
C’est dans ce contexte, que se tient à Beyrouth les 11 et 12 mars courant, le Conseil politique de la Ligue à l’échelon des ministres des Affaires étrangères. Cette rencontre qui se déroule normalement au Caire, a été déplacée à Beyrouth en signe de soutien au Liban face à l’agression israélienne, notamment suite aux raids aériens israéliens dans la nuit du 7 au 8 février contre des objectifs civils. Ces attaques avaient détruit des sous-stations électriques, causant des dégâts estimés à une quarantaine de millions de dollars et fait vingt-deux blessés.
Le gouvernement libanais avait, alors, mené une intense activité diplomatique en direction de l’Occident et du monde arabe, afin de les amener à prendre pleinement conscience du rôle primordial que joue le Liban en faveur d’une paix juste et globale et des dangers qu’il encourt du fait de sa ferme résistance aux visées d’Israël.
Cette campagne diplomatique a porté ses fruits et les frères arabes se sont mobilisés pour défendre la cause du Liban. Le geste le plus spectaculaire fut, évidemment, la visite inopinée du chef de l’Etat égyptien le samedi 19 février. Le président Hosni Moubarak est venu apporter son appui au Liban, ce qui a déplu à M. Barak.
Au fil des jours, l’élan de solidarité arabe n’a fait que s’amplifier. Le jeudi 2 mars, le prince héritier Abdallah Ben Abdel-Aziz, d’Arabie séoudite, a effectué une visite à Beyrouth de 24 heures, afin d’apporter son soutien moral à la politique du régime et accorder au Liban une aide de 130 millions de dollars.
Une semaine auparavant, Beyrouth avait accueilli, pour une visite de quelques heures, cheikh Sabah el-Ahmed As-Sabah, ministre koweitien des Affaires étrangères, qui avait transmis au président Lahoud un message d’appui de l’émir du Koweit, cheikh Jaber el-Ahmed As-Sabah et annoncé que son pays financera, en partie, la reconstruction des trois sous-stations électriques détruites par l’aviation israélienne.
Plusieurs autres messages de solidarité ont afflué à Beyrouth de la part du roi Abdallah de Jordanie, du président iranien Khatami et de dirigeants du monde arabe...


La Ligue arabe: un appui unanime.

ADOPTER DES RÉSOLUTIONS FERMES
La tenue à Beyrouth de la Conférence des ministres arabes des A.E. est, sans aucun doute, la résultante de cet élan de solidarité arabe qui a nettement dérangé l’Etat hébreu. Israël ne voit pas non plus d’un très bon œil la tenue du conseil arabe à Beyrouth et c’est pour cette raison qu’elle a choisi un timing bien précis pour annoncer, officiellement, son retrait du Liban-Sud avant fin juillet 2000.
Le président de la Chambre, M. Nabih Berri exprime nettement ce point de vue: “Je pense, dit-il, que le but recherché par le timing de cette annonce avant la tenue, à Beyrouth, de la réunion des ministres arabes des A.E., est de prévenir les éventuelles résolutions fermes que pourraient adopter ces assises interarabes au bénéfice du Liban et de la Syrie.”
Ni le Liban, ni les pays arabes ne doivent se laisser intimider par l’annonce du retrait israélien et tout au long de la semaine écoulée, les préparatifs de la réunion des 11 et 12 mars allaient bon train. Hier, jeudi 9 mars, M. Esmat Abdel-Magid, secrétaire général de la Ligue arabe, est arrivé à Beyrouth pour les ultimes mises au point de cette conférence à laquelle le Liban attache une grande importance. Le Premier ministre, M. Salim Hoss a, d’ailleurs, indiqué que le Liban soumettra un mémorandum portant sur la condamnation des attaques israéliennes contre des objectifs civils, la concrétisation de la solidarité arabe, la réactivation du fonds de soutien arabe décidé à Taëf, le refus de l’implantation palestinienne, l’attachement aux arrangements d’avril 96 et la confirmation de la concomitance des volets libanais et syrien.
“La question du Liban et l’agression israélienne contre son territoire, a précisé M. Abdel-Magid, seront les points les plus importants de l’ordre du jour de la session ordinaire du Conseil de la Ligue, qui sera appelé à adopter une position arabe appuyant le Liban, au double plan politique et financier.
 
LAHOUD: “LE RETRAIT ISRAÉLIEN RÈGLE UNE PARTIE DU PROBLÈME”
“Le retrait israélien du Liban-Sud règle une partie du problème, en l’absence d’une paix juste et globale entre le Liban et la Syrie, d’une part et l’Etat hébreu, d’autre part”, a déclaré le président Emile Lahoud en ouvrant, mercredi, la séance hebdomadaire du Conseil des ministres.

“Dans un tel cas, a observé le chef de l’Etat, la présence armée palestinienne pourrait constituer à nouveau un facteur d’instabilité dans la région frontalière, surtout en l’absence d’un règlement de la question des réfugiés palestiniens dont l’implantation est rejetée autant par ces derniers que par les Libanais eux-mêmes.
“Le Liban, a dit encore le président de la République, n’est nullement disposé à entrer en conflit, une fois de plus, avec les Palestiniens, à l’effet d’assurer la sécurité des frontières nord d’Israël.”
Cette déclaration présidentielle à quelques jours de la tenue à Beyrouth de la conférence des ministres arabes des Affaires étrangères, est interprétée comme un durcissement de la position libanaise. Ceci traduit un changement dans la politique suivie par les régimes libanais successifs. En effet, elle établit une distinction entre la résolution 425 du Conseil de Sécurité et les autres résolutions des Nations-Unies en rapport avec le conflit israélo-arabe.
Par ailleurs, le président Lahoud considère “tout retrait israélien sous l’effet des coups de la Résistance et de la ferme détermination libano-syrienne, comme une victoire certaine pour le Liban et la Syrie, autant qu’une grande défaite politico-militaire pour Israël”.
Et d’ajouter: “L’Etat hébreu induit en erreur son opinion publique, en lui faisant croire que le retrait unilatéral est un moyen de se mettre à l’abri, alors qu’il s’agit d’un moyen de ne pas faire la paix.” 


 
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT SYRIEN: UN IMPACT SUR LES NÉGOCIATIONS?
Le changement gouvernemental en Syrie, annoncé depuis quelques semaines, vient de se concrétiser confirmant la volonté de Damas de s’engager sur la voie de la réforme, tel que le souhaite le Dr Bachar Assad, fils du chef de l’Etat et son dauphin.

Le président Hafez Assad a accepté, le mardi 7 mars, la démission du Premier ministre, Mahmoud el-Zohbi (65 ans), en poste depuis treize ans et a chargé Mohamed Moustapha Miro (59 ans), gouverneur d’Alep, de former le nouveau gouvernement.
Réputé pour son intégrité, M. Miro est un technocrate doublé d’un réformateur et, surtout, un homme de terrain. Le journaliste britannique Patrick Seale, biographe du président Assad, dit de lui: “C’est un homme énergique, un des meilleurs gouverneurs”.
L’objectif prioritaire de ce changement ministériel est de donner une véritable impulsion à la vie économique et financière du pays; d’entreprendre des réformes au niveau administratif et des lois dont certaines remontent à l’époque ottomane et sont un obstacle à l’essor et au progrès.
Selon les analystes, ce changement n’aura pas d’impact sur le processus de paix, car la politique syrienne est bien définie à ce niveau et il est probable que M. Farouk Chareh reste en charge du dossier des négociations. 

Par NELLY HÉLOU

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