Combien de questions figurent à l’ordre du jour des ministres
arabes des Affaires étrangères! Je ne les imagine pas se
retrouvant pour parler de l’outrecuidance israélienne et du complexe
de supériorité israélien, pratiquant l’injustice contre
tout le Liban, parce que le Liban est resté fidèle à
une équation qui n’est tombée aucun jour et ne doit pas tomber:
pas d’occupation sans résistance! Je ne les imagine pas se rencontrant
pour évoquer ce qui s’est passé à l’université
de Bir Zeit où Lionel Jospin, Premier ministre français,
a qualifié de terroristes les opérations de la Résistance.
Ces deux points seront au centre de la rencontre de la diplomatie arabe.
Comme si un Français, n’importe quel Français, avait besoin
qu’on lui rappelle la Résistance qui a libéré Paris
de l’occupation nazie... Ou comme si un Français avait besoin qu’on
lui rappelle “l’appel du 18 juin” du général de Gaulle...
Ou sa formation du premier gouvernement comprenant Maurice Thorez, secrétaire
général du parti communiste français... Bien que,
lui, ne voulait pas s’allier aux communistes, après avoir limité
leur nombre - qui était, alors, de cent-deux - à l’Assemblée
nationale, en vertu d’une loi qu’il a élaborée à la
dimension de la Vème République.
Pardon. Que disons-nous? La dimension de la Vème République
ou du général de Gaulle? Bien plus encore, la dimension de
la France ou de De Gaulle? Les histoires de la “cohabitation” ont fourni
la preuve que le désaccord éclate entre le président
de la République et le Premier ministre le jour où il dispose
de la majorité parlementaire. Le désaccord s’est établi
même dans les grands problèmes: le problème nucléaire,
la guerre des étoiles entre François Mitterrand et Jacques
Chirac dans la première expérience de la cohabitation...
Entre François Mitterrand et Edouard Balladur dans la seconde expérience.
Et, aujourd’hui, entre Jacques Chirac et Lionel Jospin dans la troisième
expérience de la cohabitation. Naturellement, il a été
de bonne civilisation que ne soient pas diffusés les propos que
Chirac et Jospin ont échangés durant trois heures, avant
le premier Conseil des ministres qui a siégé après
le retour de Jospin du Proche-Orient. Il a été, également,
de bonne civilisation de proclamer que la France de la politique extérieure
ne parle que d’une seule voix? Mais, est-ce là la réalité?
Est-ce cela qu’a dit Hervé de Charette, du côté de
la droite et ce qu’a dit Jack Lang, du côté de la gauche?
Est-ce là, effectivement, la preuve d’une cohabitation bien portante
dans l’un des pays modèles de la démocratie en Europe et
dans le monde? Dans l’Etat de la Révolution de 1789, l’Etat de la
Marseillaise et de la Charte universelle des droits de l’homme rédigée
par Diderot, Bayle, Fontenelle et les autres encyclopédistes?
Les ministres arabes des Affaires étrangères réalisent
tout cela. Cependant, ils se rencontrent et délibèrent au
Liban pour parler de tout cela et pour prendre la résolution arabe
unifiée, cette fois, à la limite minima de la solidarité
interarabe. La résolution des ministres arabes des Affaires étrangères
est plus grande qu’un message, parce qu’il doit en être ainsi. Plus
grande qu’un message et ayant une plus longue portée qu’une recommandation.
Car la position israélienne que nul ne peut comprendre, la position
lourde de rendez-vous et de calendriers, disant que le fait de ne pas appliquer
le calendrier ne sera pas la fin du monde, pour reprendre les termes de
Ehud Barak. Et la position nazie et coléreuse menaçant de
brûler la terre du Liban et d’assassiner ses enfants, selon les propos
de David Lévy; la position israélienne, disons-nous, nécessite
une prise de position unifiée, pondérée et rationnelle
tenant ce langage à l’univers: Le Liban n’est pas un bouc émissaire
et les causes des Arabes ne sont pas des questions sans intérêt
appelées à moisir dans les antichambres des chancelleries!