CE FAUX BOND EST UN FAUX PAS | ||
Vu
sous l’angle affectif, M. Nabih Berri n’avait pas tout à fait tort.
Comment? Voilà, le ministre des Affaires étrangères
d’un pays (la Libye en l’occurrence) où le fondateur du “Mouvement”
politique de Berri lui-même, le chef de sa communauté, l’homme
charismatique dont il est l’héritier à la tête d’Amal,
l’immense Imam Moussa Sadre, disparaît corps et biens sans laisser
la moindre trace et sans qu’on ait pu jeter la moindre lueur sur le secret
de sa disparition et il est censé faire au dit ministre des salamalecs,
des risettes et dérouler sous ses pieds le tapis rouge, ça
dépasse l’entendement!
Il est vrai que le ministre libyen lui-même n’y est pour rien, mais il n’en représente pas moins son chef d’Etat, lequel chef d’Etat n’est pas en odeur de sainteté auprès de la communauté chiite qui l’accuse de tous les forfaits. En fait, comme le dit l’expression libanaise “il a la taille seyante”. De plus, M. Berri n’est pas le seul à le juger capable de tout. Il y a quelques années, le président Reagan l’avait qualifié de “mad dog” (chien enragé). Bref, pour M. Berri, la situation était intenable et il n’a pas tenu le coup. Il a envoyé tout le monde au diable et s’est illico presto retiré dans sa propriété du sud pour un long week-end, tandis que tout ce qui comptait dans la république mettait les petits plats dans les grands pour recevoir la session extraordinaire de la Ligue arabe. Qui songerait à reprocher à M. Berri sa bouderie? A Nabih Berri, personne. Mais au président du Parlement libanais, tout le monde. En devenant le second personnage de l’Etat par son élection à la présidence de la Chambre, il avait cessé d’être un citoyen comme les autres soumis à ses propres pulsions. Il devenait une des trois facettes de la république. Et en tant que tel, il aurait dû laisser au vestiaire, avec son uniforme de milicien, sa qualité de représentant d’une communauté, pour agir en chef du Législatif, c’est-à-dire en tant que représentant de tous les Libanais, toutes communautés confondues. Or, pour les Libanais de tous bords et de toutes les confessions, la décision de la Ligue arabe de tenir des assises extraordinaires à Beyrouth est un événement historique, puisque sans précédent depuis sa fondation en 1946. Et pour une fois, les Arabes ne se sont pas dérobés. Ils ont répondu présents à l’appel du secrétaire général M. Ismat Abdel-Magid et sont venus encadrer le Liban et lui apporter leur soutien. Ils sont venus dire à Israël que le Liban n’est plus une terre isolée, livrée à la convoitise du premier venu, qu’on peut matraquer à loisir sans que personne n’y trouve à redire, mais un pays dont la fierté, la combativité et son héroïque Résistance ont forcé le respect et l’admiration de tous et rassemblé autour de lui toute la communauté arabe du Golfe à l’Atlantique, même à l’Océan Indien, puisque les Comores aussi étaient présents. Ils sont venus les Arabes apporter leur soutien politique et financier (du moins c’est ce qu’ils ont promis) au seul pays qui se bat toujours contre Israël et envoyer un message fort à Barak et, à travers lui, à son protecteur américain. Même si ce n’est là qu’un appui moral, cela tient quand même du miracle quand on songe à l’isolement dans lequel nous avons été tenus pendant plus de deux décennies. Et c’est ce moment que choisit M. Berri pour se rappeler que la Libye fait partie des pays arabes et pour boycotter le tout en bloc, mettant les vingt-et-un autres dans le même panier. Vous auriez dû, monsieur le président du parlement, être présent pour occuper votre place en tant que chef du Législatif et second personnage de l’Etat, au lieu de jouer à Msayleh les jardinières d’enfants auprès des gosses d’Arabsalim. Vous auriez pu surtout oublier (pour nous faire oublier à nous aussi) que vous fûtes un jour un chef de milice. Vous auriez pu, aussi, prendre exemple sur le ministre koweitien des Affaires étrangères qui, assis autour de la même table que le ministre irakien, n’a pas bronché et a tenu avec une rare dignité la place qui revenait à son pays. Cela force le respect quand on sait comment l’Irak a traité le Koweit et le mal qu’il lui a fait. On raconte que le duc d’Orléans, en accédant au trône de France sous le nom de Louis XII, aurait répondu à ceux qui lui demandaient d’exercer des représailles contre ceux qui lui avaient fait du mal: “ - Le roi de France ne venge pas les offenses faites au duc d’Orléans”... Il y a des leçons à tirer de l’Histoire, surtout quand on a l’ambition de la faire. |
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