Cependant, avant que l’encre des résolutions de la conférence
sèche, Israël a repris ses raids qui ont pris pour cible, cette
fois, l’Armée libanaise. Selon les observateurs, cette nouvelle
agression constitue une violation flagrante de l’arrangement d’avril et
est interprétée comme un indice prouvant que “l’Etat hébreu
a été gêné par la solidarité officielle
et populaire arabe avec le Liban”.
Les mêmes observateurs craignent qu’Israël ait commencé
le compte à rebours quant à son retrait du Sud selon les
plans “Aube” et “Nouvel horizon”, appellations rappellant celle des “Grappes
de la colère”, de triste mémoire! Aussi, s’attendent-ils
à ce que notre voisin du Sud perpétue les agressions pareilles
à celle d’Al-Mansouri durant la période qui nous sépare
du mois de juillet. Il pourrait, aussi, s’attaquer à certaines positions
syriennes sur notre territoire, partant du fait que Damas soutient la Résistance.
D’ores et déjà, les Israéliens ont adressé
un premier message aux Syriens, en prenant pour cible des positions du
FPLP qu’ils avaient épargnées jusqu’à ce jour, ces
dernières étant proches de la frontière syro-libanaise.
D’autre part, les mêmes sources pensent que la Résistance
agira dans cette phase avec prudence, ses opérations devant être
qualitatives et sélectives, de manière à ne pas fournir
à l’Etat hébreu un prétexte pour justifier une nouvelle
attaque contre nos infrastructures. Les instances arabes qualifiées
ont été mises au courant de la nouvelle agression israélienne,
alors que les Etats-Unis et la France ne sont pas encore parvenus à
réunir le groupe de surveillance de la trêve que les Israéliens
boycottent, tout en réclamant la révision de l’arrangement
d’avril 96.
Avant de quitter Beyrouth, M. Esmat Abdel-Magid, secrétaire
général de la Ligue arabe, a conféré avec le
président Salim Hoss au sujet du mécanisme à adopter
pour hâter l’application des résolutions des ministres arabes
des A.E. Dans le même temps, le président Emile Lahoud rendait
un vibrant hommage à l’Armée libanaise et aux sacrifices
qu’elle consent en faisant face aux attaques israéliennes. “Ces
nouvelles agressions, a dit le chef de l’Etat, traduisent la perplexité
et le mécontentement d’Israël de la grande manifestation de
solidarité arabe, ce qui renforce la position du Liban qui n’est
plus laissé seul dans la bataille pour l’honneur et la dignité
des Arabes”.
Le président Lahoud a réaffirmé son attachement
à la position libanaise proclamée la semaine dernière,
mettant le doigt sur la plaie et citant les choses par leurs noms.
“Il apparaît, observe le président de la République,
que le retrait israélien prévu pour juillet, est la conséquence
des pertes subies par l’ennemi et non du désir d’Israël d’appliquer
la résolution 425 du Conseil de Sécurité qu’il a ignorée
depuis 1978.
“Ce retrait n’est un don de personne. Nous en avons déjà
payé cher le prix, au moment où bien des Etats assistaient
impassibles aux agressions israéliennes contre notre territoire”.
Des réfugiés palestiniens, le chef de l’Etat dit qu’il
s’agit d’un problème de caractère militaire et sécuritaire
depuis qu’il existe. “Nous avons le droit de le soulever face à
l’occupant israélien en tant que premier dossier qui se posera après
le retrait. Il s’agit moins du problème que le Liban serait appelé
à résoudre que d’un problème créé par
ceux qui ont contraint les Palestiniens à déserter leurs
maisons et leurs terres... Donnez-nous une paix juste et globale et prenez
la paix en retour. Mais ne nous jetez pas vos fardeaux, ce que nous ne
pouvons tolérer sans réagir”.
Pour en revenir à la conférence des ministres arabes
des A.E., il y a lieu de préciser que ceux-ci ont adopté
le document de travail libanais et en ont consigné les principaux
points dans le communiqué final. Il s’agit de dix-huit clauses,
la plus importante de ces dernières résidant dans le rappel
des obligations financières à l’égard de notre pays,
décidées par de précédents sommets arabes ayant
tenu leurs assises à Bagdad, en 1990 et, à Tunis en 1979.
En vertu des décisions prises à l’époque, 660 millions
de dollars devaient être versés au Liban. De même, le
droit à la résistance a été reconnu à
notre peuple jusqu’à la libération du territoire national
et l’application de la résolution 425. Puis, les Etats arabes qui
l’ont déjà fait ou se proposent de normaliser leurs relations
avec l’Etat hébreu, ont été invités à
reconsidérer leur position et à ne plus participer aux négociations
multilatérales, tant que des progrès ne sont pas enregistrés
au niveau des bilatérales.
En ce qui concerne la tenue du sommet arabe, une commission tripartite
a été chargée de déterminer le mécanisme
en vertu duquel les souverains et chefs d’Etat seraient amenés à
se réunir, régulièrement, une fois par an.
Il nous revient de source fiable, que le chef de l’Etat pourrait entreprendre
dans les deux prochains mois une tournée arabe, à l’effet
de concrétiser les résolutions ministérielles de Beyrouth.
Il y a lieu de signaler que la prise de position proclamée par le
président Lahoud la veille de la conférence ministérielle,
à propos de la décision israélienne relative au retrait
de ses troupes et du mécanisme conformément auquel cette
opération doit s’effectuer, a gagné à la cause du
Liban tous les Etats arabes qui se sont engagés à lui apporter
leur soutien pour tenir en échec l’Etat hébreu. Sans perdre
de vue le problème des réfugiés ayant résulté
de leur exode sous la pression de l’ennemi.
“Le Liban, a dit le président Lahoud, n’est nullement disposé
à subir de nouvelles guerres des camps (palestiniens) ni à
revenir au climat des années soixante-dix. Autrement dit, le Liban
n’est pas disposé, pour garantir la sécurité d’Israël,
de jouer le rôle que l’Etat hébreu, n’a pu tenir depuis son
invasion de notre territoire en 1982. La solution de ce problème
incombe à Israël, car comme la résistance est la conséquence
de l’occupation, la présence des réfugiés palestiniens
dans nos murs est la conséquence de leur exode forcé de Palestine”.
Il n’a pas manqué, enfin, de rappeler le rejet catégorique
de leur implantation.
“Comment dans ce cas, a demandé le chef de l’Etat, pourrions-nous
assurer la sécurité dans la région frontalière,
alors que dans les camps de réfugiés palestiniens se trouvent
des milliers d’éléments armés réclamant le
droit au retour.”
Tout compte fait, l’Etat et l’opinion publique libanaise ont accueilli
avec satisfaction les résolutions de la conférence, d’autant
qu’elles proclament le soutien des Etats arabes au Liban à tous
les niveaux, plus particulièrement au double plan politique et matériel.
Les contacts ont, d’ores et déjà, commencé entre
Beyrouth et le secrétariat général de la Ligue arabe,
en vue d’appliquer les résolutions prises. Les observateurs constatent
que le meilleur acquis pour notre pays de cette conférence ministérielle,
réside dans le renforcement de la couverture et du soutien arabes
face à l’ennemi. D’autant que ces assises interarabes sont appelées
à se réitérer en cas de nouvelle agression israélienne,
la session de la Ligue étant maintenue ouverte.
Aussi, l’Etat hébreu réfléchira, désormais,
avant d’entreprendre une opération d’envergure, au risque de provoquer
un tollé général et, surtout, d’amener les Etats arabes
enclins à normaliser ses relations avec Tel-Aviv, à y renoncer
et à torpiller le processus de paix dans son ensemble. Dans ce cas,
la région tout entière serait plongée dans un cycle
de violence dont Israël serait le premier à pâtir.
Sur un autre plan, on fait état dans les milieux politico-parlementaires
d’un important discours que le président Nabih Berri prononcerait
à l’occasion de la fête de l’Adha, par lequel il ferait allusion
à une “scission partageant le monde arabe en deux camps: d’un côté,
la Syrie et, de l’autre l’Egypte et l’Arabie séoudite. S.Em. le
cardinal Sfeir l’a souligné et appelé à un patronage
tripartite arabe (syro-séoudo-égyptien) et non séoudo-algéro-marocain,
comme c’était le cas du temps de Taëf. Aussi, le président
Berri tient-il à ne pas nier le rôle joué par Damas,
ni à s’orienter vers Riyad, sans aucune coordination avec la Syrie,
tout en appelant à consolider les assises du régime qu’il
continue à soutenir.