DÉPUTÉ DE BAALBECK-HERMEL HUSSEIN HUSSEINI:
“NOTRE SALUT RÉSIDE DANS NOTRE UNITÉ INTÉRIEURE ET LA SOLIDARITÉ INTERARABE”

En plus de son titre d’ancien chef du Législatif, le président Hussein Husseini est connu pour être le “parrain” de la conférence de Taëf, dont il conserve, précieusement, les procès-verbaux se promettant de les diffuser en temps opportun.
Au cours de notre entretien, il s’est arrêté à la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères qui a tenu ses assises durant le dernier week-end à Beyrouth et exprimé son opinion à propos de la conjoncture régionale et de l’étape future.
 

De la conférence des ministres arabes des A.E., M. Husseini, tout en se félicitant de sa tenue dans notre capitale, émet le souhait de voir siéger, incessamment, un sommet arabe (élargi ou restreint). Ainsi, nous prouverons que la solidarité interarabe n’est pas un mot vide de sens et nous aurons la possibilité de contraindre Ehud Barak à concrétiser sa promesse d’instaurer la paix au Proche-Orient, à commencer par la Syrie. Car selon une expression connue: Pas de guerre avec Israël sans l’Egypte et pas de paix sans la Syrie.

Comment évaluez-vous les prises de position du président de la République qui refuse de capituler devant les agressions et menaces israéliennes?
Le président Emile Lahoud a pris conscience de la solidité de la position libanaise. Partant d’une conviction remontant au temps où il assumait les charges de commandant en chef de l’Armée; puis, en tant que magistrat suprême, il s’est adressé à la conscience arabe, gouvernants et peuples. Ceux-ci ont réagi rapidement à l’appel du Liban, preuve en est que le président Hosni Moubarak est venu en personne à Beyrouth pour manifester sa solidarité, ce qu’aucun chef d’Etat égyptien n’a fait avant lui. La visite du Raïs a été interprétée comme une réplique à Ehud Barak qui, dérogeant aux règles de la civilité, a menacé le Liban à partir du Caire et d’Amman.
Puis, le président Moubarak a mis en garde l’Etat hébreu contre d’autres agressions qu’il serait tenté d’entreprendre contre notre pays. Ainsi, il a isolé Israël et fait entendre la voix arabe dans les instances internationales. La visite de S.A. le prince héritier Abdallah d’Arabie séoudite est aussi importante, de même que celle de cheikh Sabah el-Ahmed As-Sabah, chef de la diplomatie koweitienne, alors que le roi Abdallah II de Jordanie a annulé une visite qu’il se proposait d’effectuer à Jérusalem.

Quelle est la différence entre la session du Conseil politique de la Ligue à l’échelon des ministres des Affaires étrangères et un sommet arabe?
La conférence ministérielle peut, tout au plus, adopter des recommandations, alors que les résolutions sont du ressort des souverains et chefs d’Etat.

Quelle est votre analyse de la décision israélienne d’évacuer le Liban-Sud avant le mois de juillet avec ou sans accord avec le Liban et la Syrie?
Cette décision ne laisse pas prévoir un retrait effectif du territoire libanais, mais la persistance de la même politique belliciste. Puis, le redéploiement de “Tsahal” jusqu’aux frontières nord d’Israël, ne signifie pas un retrait jusqu’aux frontières internationalement reconnues.
Barak joue ici sur les mots, en ce sens qu’il s’emploie à se dégager de ses promesses faites au cours des élections générales d’instaurer la paix et de se retirer du territoire libanais, en application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité.
Il s’agit, en fait, d’un redéploiement des forces israéliennes, alors qu’il faut parvenir à une évacuation totale des portions de notre territoire qu’elles occupent, illégalement, depuis tant d’années.
Quand il attaque le Liban, Israël prétend riposter à ce qu’il appelle le “terrorisme du Hezbollah”. Mais cet argument fallacieux ne produit plus aucun impact et tombe dans des oreilles sourdes. L’opinion internationale est, à présent, convaincue de la justesse des opérations des Hezbollahis et tant que l’occupation israélienne persistera.
En réalité, les Israéliens veulent se “retirer” de l’arrangement envisagé pour le conflit du P.-O. et non du territoire libanais.

Quelles sont les retombées des élections présidentielles américaines sur le processus de paix?
Le fait pour l’Administration américaine actuelle de se rapprocher de la fin du mandat du président Clinton, rend la tâche malaisée. Israël en prend prétexte pour tergiverser et gagner du temps, comme il l’a fait sous le mandat du président Bush et lors de la conférence de Madrid.
Yitzhak Shamir avait laissé entendre qu’il ferait traîner le conflit durant dix ans au moins. On connaît le reste de l’histoire.
Je ne voudrais pas minimiser les chances d’un règlement, bien que celles-ci paraissent faibles en ce moment. C’est pourquoi, nous devons nous armer de notre unité nationale et œuvrer aux fins de consolider la cohésion et la solidarité interarabes.

Dans cette conjoncture, où en est la reprise des négociations de paix et quelle est la position du Liban?
En ce qui concerne le règlement de paix, le Liban est solidaire de la Syrie, principal négociateur arabe. Il doit insister sur la résolution 425, qui exige le retrait inconditionnel des forces israéliennes jusqu’aux frontières internationalement reconnues. L’application de cette résolution ne nécessite aucune négociation entre le Liban et Israël, le vrai négociateur étant les Nations Unies et la FINUL, la terre et la richesse hydraulique ne pouvant faire l’objet de pourparlers.
Le Liban qui ne constitue pas un obstacle au règlement de paix, n’a pas la capacité de régler  le conflit arabo-israélien. Il est engagé dans la position arabe et reconnaît les droits du retour du peuple palestinien à sa terre. La position du Liban tient compte des visées d’Israël relatives à la terre et aux eaux libanaises, ainsi qu’à la structure socio-politique de notre pays caractérisée par la coexistence contraire à celle du sionisme et à son rôle économique et culturel dans la région. Même si le règlement était réalisé avec tous les Arabes, le Liban devrait être toujours sur la défensive tant qu’Israël occupe la terre palestinienne.
D’ailleurs, les menaces de David Lévy, ministre israélien des Affaires étrangères, sont significatives et le peuple libanais est habitué à affronter le danger.

Ces développements auront-ils une influence sur les prochaines législatives?
Je ne le crois pas. Les Etats qui se sont engagés à appuyer l’accord de Taëf, dans sa lettre et son essence, en tête desquels les Etats-Unis, obligeront Israël à se retirer du territoire libanais, en application de la résolution 425. Les législatives auront lieu à la date prévue. Le retrait israélien n’aura pas lieu forcément le 7 juillet, comme prévu mais, peut-être, bien avant.

En parlant du processus de paix arabo-israélien vous utilisez le terme “règlement”; pourquoi?
Evidemment, puisque les éléments de la paix ne sont pas actuellement assurés. Israël ne tend pas la main à ses négociateurs mais pose comme condition de règlement sa supériorité militaire. Aussi, veut-il imposer son hégémonie sur les Arabes et non la paix.

Qu’en est-il du processus de sauvetage national dirigé par le président Lahoud?
Avec l’accession du président Lahoud à la magistrature suprême, le Liban est appelé à édifier l’Etat des institutions.
La crise socio-économique est due à notre retard à entamer l’édification d’un Etat garant des droits et des libertés, inspirant confiance aux générations montantes. Ainsi, après la révolution en Iran, le pays a tardé à édifier l’Etat des institutions, à cause de la guerre irako-iranienne qui a duré huit ans et du décès de l’imam Khomeyni, dont le charisme était incontestable.
Ceci a nécessité une force de pression capable d’entamer la nouvelle étape. L’accession de Mohamed Khatami à la présidence et les dernières législatives qui se sont déroulées d’une manière démocratique, sont des réalisations qui bénéficieront non seulement à l’Iran, mais à toute la région.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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