Jean-Paul II a entamé, le lundi 20 mars 2000, par Amman, première
étape de son “pèlerinage jubilaire” de six jours en Terre
Sainte, “aux sources de la foi” le plaçant d’emblée, sous
le signe de la paix.
La Jordanie a réservé au chef de l’Eglise catholique
un accueil émouvant officiel et chaleureux. D’ailleurs, cette étape
du voyage papal était la plus calme et la plus sereine, loin de
toute tension polémique ou réaction d’hostilité.
Le Saint-Père a été accueilli à l’aéroport
international de la reine Alia à Amman, par le roi Abdallah de Jordanie
et la reine Rania. Dans une brève allocution, S.S. Jean-Paul II
a évoqué le thème de la paix au Proche-Orient. “Aussi
difficile et aussi long qu’il soit, dit-il, le processus de recherche de
la paix doit continuer. La paix est tellement inportante; il faut prier
pour qu’elle se réalise, car sans elle il ne peut y avoir de développement
authentique pour cette région du monde.”
Le Pape exprime de même l’espoir que sa visite “renforcera le
dialogue déjà fructueux entre chrétiens et musulmans
qui est conduit en Jordanie”, rappelant que “les religions monothéistes
ont la paix, le bien et le respect de la personne humaine parmi leurs valeurs
les plus importantes”.
Dans son allocution, le roi Abdallah II s’adresse en ces termes, au
Saint-Père: “Votre visite est porteuse d’espoir en un avenir meilleur
à tous ceux qui n’ont connu que les misères du passé.
Elle apporte l’espoir aux Palestiniens qui aspirent à la justice
et à la stabilité, une promesse de sécurité
et d’acceptation pour les Israéliens, un confort pour les Libanais
et l’espoir pour les Syriens que le triste chapitre de la guerre est enfin
fini.”
La cérémonie d’accueil s’est déroulée sous
une tente, symbole de l’hospitalité bédouine. Trois enfants,
deux chrétiens et un musulman, ont présenté une coupe
contenant la terre de Jordanie que le Pape a bénie, en même
temps, un enfant libérait deux colombes, symbole de la paix.
Une grande statue symbolisant
le bâton de Moïse.
AU MONT NÉBO D’OÙ MOÏSE
A VU LA TERRE PROMISE
Juste après la cérémonie d’accueil, le Souverain
Pontife a gagné, en voiture, le Mont Nébo, situé à
40 km de la capitale jordanienne. Selon la tradition, Moïse serait
mort en cet endroit après avoir vu la Terre promise.
Accueilli par le prince Hassan ben Talal, oncle du roi Abdallah, Jean-Paul
II s’est recueilli à la basilique du Mont Nébo, basilique
byzantine du IVème siècle dont le sol et les murs sont couverts
de mosaïques illuminées par des dizaines de cierges.
Une cinquantaine d’invités, dont le gouverneur de la région,
des maires des localités voisines, des prêtres et des religieuses
ont accueilli le Saint-Père à l’intérieur de la basilique,
alors que la chorale formée d’une vingtaine d’enfants, entonnait
des cantiques en arabe et en latin. S.S. Jean-Paul II s’est agenouillé
sur un prie-Dieu, a fermé les yeux, croisé les mains dans
un profond recueillement. “J’ai fait, dira-t-il, ensuite, une courte prière
pour les habitants de la terre promise, chrétiens, musulmans et
juifs”.
Cette première journée de pèlerinage s’est achevée
par un entretien, en début de soirée, avec le souverain hachémite;
le Pape devait passer la nuit à la nonciature apostolique d’Amman.
Mardi 21 mars, il a entamé sa deuxième journée
de pèlerinage en célébrant la première messe
d’un Pape en Jordanie, au grand stade d’Amman, en présence de près
de 100.000 fidèles dont des Libanais, des Syriens, des Irakiens,
venus en Jordanie pour la circonstance.
Jean-Paul II fait le tour du stade dans sa célèbre papamobile,
suivi d’un essaim de fidèles enthousiastes, agitant des drapeaux
du Vatican et sous les acclamations chaleureuses de la foule, qui scandait:
“Jean-Paul II que Dieu te bénisse”. Il a revêtu, ensuite,
une chasuble rouge, porté la mitre et la crosse pour célébrer
l’office divin, entouré d’une cinquantaine de cardinaux et d’évêques.
Cette messe papale fut dédiée au “martyr Jean-Baptiste” qui,
selon les Evangiles, baptisa le Christ dans les eaux du Jourdain.
Lors de cette messe, deux mille enfants ont fait leur première
communion. Le Saint-Père a, de même, béni trois pierres
angulaires de trois nouvelles églises à Amman dont une maronite.
Lorsqu’il s’est adressé aux fidèles en arabe, leur disant
“As-Salam Lakoum” (Paix avec vous), ce fut le délire. Dans son homélie,
il a affirmé: “Après avoir suivi les pas d’Abraham et de
Moïse, notre pèlerinage a atteint maintenant les lieux où
notre sauveur Jésus-Christ a vécu et voyagé durant
sa vie terrestre.”
Avant de quitter la Jordanie pour aller en Israël, le Pape s’est
rendu à Wadi Kharrar, sur la rive orientale du Jourdain, l’un des
deux lieux les plus probables où le Christ aurait été
baptisé par Jean-Baptiste.
Le Pape célébrant la messe au grand
stade d’Amman en
présence de 100.000 fidèles.
ARRIVÉE EN ISRAËL
Mardi 21 mars, vers 17h40 (heure de Beyrouth), un “Airbus 320” de la
Compagnie royale jordanienne, arborant les drapeaux du Vatican et d’Israël,
se posait à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv. A sa descente
d’avion, le Pape embrasse et bénit un bol rempli de la terre d’Israël
que lui ont tendu trois enfants originaires de Nazareth: un juif, un chrétien
et un musulman.
Le Saint-Père est accueilli par le président Eizer Weizman
et par le Premier ministre Ehud Barak, accompagnés de leurs épouses.
Tous les membres du Cabinet sont présents et l’accueil est teinté
de beaucoup d’émotion, accompagné de mesures de sécurité
draconiennes. Plus de 25.000 hommes auraient été mobilisés
pour la circonstance et même, dit-on, le chef de l’Etat américain
n’avait pas eu droit à un tel déploiement de forces.
C’est que cette présence du Saint-Père est de la plus
haute importance. Tout d’abord, il s’agit de la première visite
d’un Souverain Pontife en Israël depuis trente-six ans. En 1964, Paul
VI y avait effectué un pèlerinage, mais à l’époque,
le Saint-Siège ne reconnaissait pas encore l’Etat hébreu.
C’est chose faite depuis et, en 1994, des relations diplomatiques étaient
établies entre le Vatican et Israël.
Par ailleurs, le Saint-Père arrive dans une région du
monde qui aspire à une paix réelle et durable. A chaque étape
de son pèlerinage, Jean-Paul II insistera sur la nécessité
d’aboutir à cette paix. En troisième lieu, sa visite s’inscrit
dans l’une de ses préoccupations majeures, à savoir: l’instauration
d’un dialogue interreligieux, les lieux saints abritant les trois religions
monothéistes.
Dans une brève allocution à l’aéroport Ben Gourion,
le Pape affirme: “Nous savons tous combien est urgent le besoin de paix
et de justice, non seulement pour Israël mais pour toute la région.
Que la paix soit le cadeau de Dieu à la Terre qu’Il choisit pour
Sienne.”
Jean-Paul II évoque, aussi, les relations entre le Vatican et
l’Etat hébreu: “L’établissement de relations diplomatiques
entre nous en 1994, rappelle-t-il, a scellé les efforts pour ouvrir
une ère de dialogue sur des questions d’intérêt commun.”
De même, il affirme que son pèlerinage “est un hommage
aux trois traditions religieuses qui coexistent sur terre. Je prie pour
que ma visite serve à encourager un accroissement du dialogue interreligieux
qui amène juifs, chrétiens et musulmans à rechercher
dans leurs croyances respectives la motivation et la persévérance
pour œuvrer pour la paix et la justice.”
Le président Weizman prononce une allocution en hébreu
et M. Barak salue le Pape en ces mots: “Bienvenue en Terre Sainte”. La
cérémonie officielle d’accueil a dû être écourtée
à cause du temps pluvieux.
![]() Le roi Abdallah II et la reine Rania accueillent le Souverain pontife à Amman. |
![]() Jean-Paul II entouré du président Eizer Weizman et de M. et Mme Ehud Barak. |
![]() Le chef de l’Autorité palestinienne \Yasser Arafat conversant avec le Pape. |
![]() Le Saint-Père bénissant la foule avec des rameaux d’olivier trempés dans l’eau du Jourdain. |
DE JÉRUSALEM À BeTHLÉEM
Dans un hélicoptère “Black Hawk” de l’armée de
l’air israélienne, le Saint-Père s’est rendu de Tel-Aviv
à Jérusalem où il est arrivé autour de 7h20
(heure de Beyrouth). On peut imaginer toute son émotion, sa ferveur
et sa joie profonde en foulant cette terre trois fois sainte, où
depuis si longtemps, il aspirait se rendre en pèlerinage. Inutile
de préciser qu’un imposant dispositif de sécurité
avait été mis en place à l’héliport de Jérusalem
qui avait été saccagé peu de jours auparavant par
des extrémistes juifs du mouvement Kach, hostiles à la visite
papale. Mais rien n’ébranle la sérénité du
successeur de Pierre qui sait que la “foi soulève les montagnes”.
Le Saint-Père passe donc sa première nuit à Jérusalem
au siège de la nonciature apostolique au Mont des Oliviers, placée,
elle aussi, sous haute surveillance. Mercredi matin, à 9h15 (heure
de Beyrouth), Jean-Paul II arrive à Bethléem, troisième
étape de son pèlerinage où il passe la journée.
Il embrasse et bénit la Terre Sainte et est accueilli par Yasser
Arafat, chef de l’Autorité palestinienne, avec qui il aura un long
entretien. Le moment fort de la visite à Bethléem sera, évidemment,
l’office divin que le Saint-Père a célébré
en plein air, sur une vaste place devant la basilique de la Nativité
où se trouve la grotte où est né l’Enfant Jésus
il y a deux mille ans. Plus de 20.000 fidèles ont assisté
à la messe dont des fils de Bethléem et de la région
et des pèlerins venus des quatre coins du monde. Le Souverain Pontife
a, de même, visité un camp de réfugiés palestiniens
où vivent huit mille personnes. Quelques heures avant son arrivée,
des centaines de réfugiés du camps ont appelé le Pape
à appuyer leur droit au retour.
Les Palestiniens espèrent, par ailleurs, que Sa Sainteté
les confortera dans leurs aspirations à la création d’un
Etat, après que le Vatican eut signé, en février 2000,
un accord historique avec l’OLP officialisant les activités de l’Eglise
catholique dans les territoires autonomes.
Dans la soirée du mercredi, le Pape est retourné à
Jérusalem pour y passer la nuit et poursuivre dans les jours à
venir, son pèlerinage en Terre Sainte, visitant les lieux saints
de Jérusalem, ainsi que la ville de Nazareth où une vive
polémique avait eu lieu autour de la construction d’une mosquée
jouxtant la basilique historique. Le Saint-Siège avait vivement
protesté, menaçant même de renoncer à ce voyage.